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    Beaune 2019 - Nicolas Winding Refn : "L'art doit être un acte de violence"

    Cette année, le festival de Beaune rendait hommage à Nicolas Winding Refn, dix ans après le Prix Sang Neuf qu'il avait reçu pour "Bronson". A cette occasion, on a rencontré l'inclassable cinéaste danois pour une conversation sur le cinéma de genre.

    DOMINIQUE JACOVIDES / BESTIMAGE

    AlloCiné : Qu'est-ce que ça vous fait de revenir à Beaune, 10 ans après le prix reçu pour Bronson ?

    Nicolas Winding Refn : Pour moi, il y a une sorte de romantisme autour de Beaune, en tout cas du point de vue français, avec toute cette histoire autour du vin. C'est un peu comme si c'était l'harmonie parfaite entre le vin et l'art. Ce qui est ironique, c'est que je ne bois pas d'alcool, mais pour tout le monde, je crois que mélanger du bon vin et des films, c'est tout à fait idéal. 

    Quand vous avez réalissé Bronson, est-ce que vous vouliez faire un film de genre ?

    Bien sûr. Au-delà de Bronson, j'ai toujours préféré travaillé avec le genre. J'aime le vocabulaire du genre plus que n'importe quelle autre approche du cinéma. Cela évoque le fantastique, l'imagination et la dimension merveilleuse dans le fait de raconter des histoires, qui est ce qui m'intéresse le plus. 

    En tant que spectateur, d'où vient votre amour pour le genre ?

    Je ne sais pas vraiment, je crois que c'est ce autour de quoi j'ai toujours gravité : l'imagination. Je ne trouve pas toujours le monde réel aussi intéressant que le monde imaginaire. Le monde réel est beaucoup plus important dans une perpective d'existence, mais si je veux pouvoir exister, alors je dois imaginer. Les deux doivent coexister. 

    DR

    Quel est votre premier souvenir de spectateur ? 

    La première chose dont je me souviens, c'est que ma mère m'avait emmené voir Nashville de Robert Altman et Fat City de John Huston, en double programme. Nous étions arrivés très en retard à la séance de Nashville donc je ne me rappelle que de la fin, lorsque quelqu'un se fait tirer dessus sur la scène, ce qui m'a profondément fasciné. 

    Quand vous pensez à un film, comment décidez-vous d'y intégrer le genre. Par exemple, pour Pusher votre premier film, était-il évident dès le début que vous alliez faire un film policier ?

    Oui, quand j'ai fait Pusher, j'avais travaillé pour la compagnie de distribution de mon oncle au Festival de Cannes, je devais essayer de trouver des films. C'était au début des années 1990, un moment où les films de genre n'étaient pas très à la mode. Pourtant, je voyais que le genre était très populaire, même s'il n'était pas très respecté. J'ai décidé que je voulais faire un film pour le public. Ce n'est que quelques années plus tard que les films de genres sont devenus plus respectables et aujourd'hui, je crois que c'est ce qui maintient le cinéma indépendant en vie. 

    Pensez-vous que le cinéma doive être violent ? 

    Je ne crois que le cinéma doive être violent, je pense que l'art doit être un acte de violence. Créer, exprimer, c'est quelque chose de très violent. Je ne pense pas que mes films soient violents et d'ailleurs je ne prends pas de plaisir particulier dans la violence des autres films, mais comme pour tous les artistes, poètes, peintres, une part de l'expression consiste en un acte de violence. Si Picasso était encore vivant, je suis certain qu'il serait d'accord avec moi. 

    La violence ouvre aussi des champs très graphiques. 

    Cela repose sur les détails. N'importe quel peintre peut passer un temps infini sur des détails graphiques pour une peinture. Pourquoi je ne devrais pas faire la même chose ? 

    DR

    Philippe Rouyer, qui vous a remis le prix d'honneur, définissait Pusher comme étant très inspiré par Mean Streets, mais dans le style de Cassavetes. Êtes-vous d'accord avec cela ?

    Oui, complètement d'accord. Au bout du compte, on est toujours le résultat de ses inspirations. Ayant grandi à New York, j'ai eu la chance d'être exposé très tôt à ce cette frange du cinéma américain et c'était vraiment passionnant. 

    Qui considérez-vous comme vos maîtres ? 

    Il y a beaucoup de gens que j'ai admirés, mais à un certain moment, je me suis dit : "Je ne vais pas admirer ces bâtards, je vais juste les baiser." (Sic) Au final, arrive un moment où il faut renoncer au passé et s'en libérer. 

    Tuer le père...

    Tout à fait. Le plus vite possible. 

    C'est amusant que vous parliez de tuer le père, ça fait une excellente transition vers la question de la transmission. Est-ce que vous recherchez avec votre plateforme byNWR qui est désormais disponible en français ?

    "Transmission" est un excellent mot pour la décrire. ByNWR est une combinaison de beaucoup de choses différentes et nous sommes vraiment une équipe à réaliser ce projet. C'est aussi une réaction à la mort du cinéma. Faire des films est encore tout à faire possible, bien sûr, mais ça m'a toujours rendu très triste de passer dans des villes et de voir qu'un cinéma avait été fermé et transformé en supermarché. Je reste très attaché à l'idée du cinéma comme d'une cathédrale qui projette des images, mais la réalité est là. En France, il y a encore cette tradition, mais dans le reste du monde, c'est une forme d'art qui est éteinte. L'idée avec byNWR était de créer une salle de cinéma en ligne qui donne accès à la mémoire du cinéma et qui apprenne la créativité et l'art au travers du cinéma. C'est aussi une expérience pour voir comment on peut créer une plateforme qui a sa propre philosophie et qui est un manifeste politique parce qu'elle est gratuite. Son seul objet consiste à donner de votre temps, ça lui donne une forme de pureté. C'est comme le troisième frère Lumière. 

    La bande-annonce de Too Old To Die Young, la série de Nicolas Winding Refn, bientôt sur Amazon :

     

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