Mon compte
    Sentinelle sud avec Niels Schneider : son premier film, ses entretiens avec des psys... Le réalisateur se confie
    Mathilde Fontaine
    Mathilde Fontaine
    -Rédactrice ciné-séries
    Celle qui est fan de Friends et pourrait bosser chez Dunder Mifflin. Ne loupe jamais une séance ciné, rêve de vivre dans un film de Sautet, de faire une choré avec les fréros Vega (ceux de Tarantino) et d'aller à une Boum avec Vic ! ("Et là, normalement, il me faut une citation latine...")

    Actuellement au cinéma, Sentinelle sud est la toute première réalisation de Mathieu Gérault. Entre le polar et le drame psychologique, le film dissèque avec justesse et robustesse les affres d’hommes de retour de guerre. Rencontre avec le cinéaste.

    AlloCiné : Comment vous est venu l’idée de faire un film sur ce sujet ?

    Mathieu Gerault : Ce n’était pas vraiment une idée, mais plutôt un sentiment. J’ai pris ce sujet comme un état, le fait que l’on puisse avoir la guerre en soi, que la vie puisse être un combat. Pour illustrer ça, la figure du soldat m’est venue assez rapidement pour toute l'épaisseur qu’il y a du retour de guerre.

    Sentinelle sud
    Sentinelle sud
    Sortie : 27 avril 2022 | 1h 36min
    De Mathieu Gerault
    Avec Niels Schneider, Sofian Khammes, India Hair
    Presse
    3,4
    Spectateurs
    3,4
    louer ou acheter

    C’est lorsque l’on rencontre une épreuve ou une difficulté que l’on déconstruit tout ce par quoi on est passé et que l’on revient souvent à l’enfance. Et cela me permettait d’aborder les blessures sous toutes leurs formes : physique pour Mounir, beaucoup plus souterraine pour Christian, et puis le geste refuge pour Henri. C’était important pour moi d’aborder la sensibilité des hommes de cette manière.

    Je voulais aborder ce thème pour revenir sur la quête affective d’un enfant, décrypter ces personnalités cassées, confrontées à la mort, qui reviennent à la fois fragilisés et grandies par cette expérience très isolante. Ce sont des personnages désaxés évidemment très intéressants à traiter.

    Sentinelle sud est un premier film [pour Mathieu Gerault en tant que réalisateur, pour David Coujard en tant que producteur]. Quel a été votre première perception du film ?

    Mathieu Gerault : Avec ce premier film, j’avais à cœur d’aborder un sujet en emmenant le spectateur là où il ne s’attend pas à aller. Je souhaitais créer plusieurs tonalités tout en me concentrant sur les personnages, raconter des histoires d’hommes et parler de questionnements que l’on a tous : pourquoi j’en suis là dans ma vie ? Pourquoi ai-je fait ces choix ? D’où vient ce besoin d’aimer et d’être aimer…

    J’ai parlé avec beaucoup de professionnels, de psychanalystes et de thérapeutes, car ceux qui parlent le mieux des soldats c'est eux : ceux qui les ont reçus à leur retour de la guerre.

    David Coujard (producteur du film) : Mon premier souvenir avec ce film, c’est la lecture d’un scénario dialogué avec toute la promesse de cinéma qui va avec le sujet. J’ai ressenti un film ancré dans une réalité mise en valeur par les artifices de la fiction.

    Comment l’avez-vous préparé ?

    Mathieu Gerault : Sentinelle sud est une fiction, mais je me suis inspiré de véritables faits pour nourrir mon propos et créer une intrigue qui avait du sens. Il y a eu une grosse documentation sur toutes les guerres, mais surtout les guerres françaises.

    J’ai parlé avec beaucoup de professionnels, de psychanalystes et de thérapeutes, car ceux qui parlent le mieux des soldats c'est eux : ceux qui les ont reçus à leur retour de la guerre. Ils sont passionnants car passionnés par leur métier : leur propos et leurs anecdotes ont évidemment alimenté le film. Mais je n’ai pas voulu rencontrer de soldat car ils ont souvent du mal à verbaliser, puis j’avais besoin de faire une fiction.

    A la fois polar, drame psychologique, thriller, film social… : Sentinelle sud est inclassable. Était-ce volontaire ?

    Mathieu Gerault : Je ne me suis jamais dit : je veux que mon film soit comme ci ou comme ça. Mon ambition première était de créer un film mettant en avant ce que je voulais exprimer sur les hommes. Il y a donc des échos à ma vie personnelle, sur l’attrait que j’ai pour raconter la fragilité. Mais je suis aussi un grand fan de cinéma, donc je ne voulais pas m’enfermer dans un genre.

    Il y avait le pari de mélanger une trajectoire intime tout en intégrant un peu de spectacle et du polar.

    J’avais donc envie d’avoir cette figure de héros/anti-héros, puis ce personnage du soldat me permettait d’aborder les armes, de faire des scènes d’action, de faire voyager le spectateur avec des scènes spectaculaires. Mais le cœur du film est la description souterraine des affres des hommes. Ce que je voulais c’est avoir une intrigue tendue, afin de mieux faire ressortir les personnages.

    David Coujard (producteur du film) : En arrivant sur le projet, puis en discutant avec Mathieu, j’ai d’emblée ressenti cette ambition de ne pas inscrire le film dans un genre à part entière. Il y avait le pari de mélanger une trajectoire intime tout en intégrant un peu de spectacle et du polar, c’est une l’une des vraies singularités du film par rapport à ce que l’on a l’habitude de voir au cinéma.

    Vous parlez de la figure d’un héros, on pense à Niels Schneider dans le rôle-titre de Christian, mais il y a aussi Mounir incarné par Sofian Khammes, deux acteurs qui semblent assez proches de leur personnage…

    M.G : Je ne sais pas s’ils sont réellement proches du caractère de leur personnage. Ce qui est sûr, c’est que ce sont de grands acteurs. Ils ont donc su trouver des résonance dans leur personnage, à travers des sujets comme ceux de la fraternité, des souffrances au sein d’une organisation politique… Ils ont trouvé en eux quelque-chose à défendre, et je pense que c’est pour cela qu'ils se sont tant investis et ont pu créer ce duo un peu à la Macadam Cowboy.

    Il y a aussi le personnage d’Henri (Thomas Daloz) qui est très important : il est quasiment mort au début de la narration, mais c'est aussi chez Henri que j’ai logé un ressort essentiel de l’intrigue. La première phrase que l’on entend à son sujet est “Henri, il n’est plus là” : ça résume bien l’état de tous ces hommes qui, même de retour dans leur famille, ne seront plus jamais ceux qu'ils étaient avant.

    Lucie (India Hair) semble être un repère, la seule image d'une certaine normalité, cette respiration et cet espoir pour Christian, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce personnage ?

    M.G : La petite histoire derrière Lucie, c’est qu’on a été confiné deux jours avant de tourner. Au mois d’août, India Hair nous a prévenu qu’elle était enceinte. J’avais un vrai désir de tourner avec elle, donc je n’ai pas hésité une seconde à réécrire son personnage. C’est devenu un véritable cadeau pour le film. Même si Lucie n’est pas si présente que ça à l’écran, je souhaitais qu’elle ait une vraie place : le fait qu’elle soit enceinte souligne encore plus l’envie de normalité, les projets et les espoirs que peut fonder Christian à travers elle.

    Le film commence par une citation d’Antoine de Saint-Exupéry et se termine par la lecture d’une lettre : il y avait cette volonté de mettre l'écriture au centre du récit ?

    M.G : L'écriture est ce qui rend le film très français dans son approche, cet amour du langage dans toutes ses formes. Je voulais apporter quelque chose de très littéraire pour l’allier au côté cinématographique. J’ai fait de Christian un taiseux et ai pensé Mounir à l'écriture comme quelqu’un de volubile, inventif dans sa manière de verbaliser les choses. Et du côté d’Henri on est sur autre chose, une poésie bien à lui.

    Après avoir passé autant de temps avec des hommes dans Sentinelle sud, je ressens le besoin de me concentrer sur un personnage féminin.

    Quelles ont été vos références dans la réalisation du film ?

    M.G : J’ai puisé mon inspiration dans le Nouvel Hollywood, les années 60-70 du cinéma américain avec les débuts d’Al Pacino avec L'Épouvantail, Un après-midi de chien…Il y un autre film qui a été très important : Le Choix des armes, d’Alain Corneau, avec Gérard Depardieu. On retrouve ce côté âpre, avec ces personnages très campés, ce héros qui va à la déroute malgré tous les efforts qu’il souhaite faire. Je me suis beaucoup inspiré de cette vision de film avec une intrigue présente pour servir la psychologie des personnages.

    Est-ce que vous avez un autre projet en cours ?

    M.G : Ce qui est interessant, c’est qu’après avoir passé autant de temps avec des hommes dans Sentinelle sud, je ressens le besoin de me concentrer sur un personnage féminin et de ne pas le quitter, d’essayer de faire la même chose que l’on a fait pour Christian, mais cette fois-ci avec une femme.

    Propos recueillis par Mathilde Fontaine le 9 avril 2022, lors du festival Reims Polar.

    FBwhatsapp facebook Tweet
    Sur le même sujet
    Commentaires
    Back to Top