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    "Nous perdons un trésor national" : pluie d'hommages pour Jean-Luc Godard
    Olivier Pallaruelo
    Olivier Pallaruelo
    -Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
    Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

    Emblématique réalisateur de la Nouvelle vague à l'oeuvre aussi prolifique que protéiformes et parfois révolutionnaire, Jean-Luc Godard s'est éteint à l'âge de 91 ans. De nombreux hommages saluent la mémoire du cinéaste.

    Monstre sacré du cinéma, cofondateur du mouvement cinématographique de la Nouvelle Vague, titulaire d'un Oscar d'honneur, de deux César d'honneur, d'un Ours d'or et d'un Ours d'argent à Berlin, d'un Lion d'or à Venise et en 2018 d'une Palme d'or spéciale, Jean-Luc Godard s'est éteint à l'âge de 91 ans, après avoir eu recours au suicide assisté, pratique autorisée et encadrée en Suisse, comme l'a révélé le journal Libération qui a annoncé sa mort ce matin.

    Dans le sillage de l'annonce de son décès, une pluie d'hommages ont été rendus au réalisateur, d'Alain Delon à Brigitte Bardot, en passant par le Festival de Cannes, la Cinémathèque française ou le British Film Institute.

    "Ce fut comme une apparition dans le cinéma français. Puis il en devint un maître. Jean-Luc Godard, le plus iconoclaste des cinéastes de la Nouvelle Vague, avait inventé un art résolument moderne, intensément libre. Nous perdons un trésor national, un regard de génie" a commenté le président de la République sur son compte Twitter.

    La ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, s'est logiquement fendu d'une réaction à l'annonce de son décès. "Jean-Luc Godard a brûlé tous les codes du cinéma, faisant déferler sur le monde une vague d'audace, de liberté et d'irrévérence. Il nous laisse un "livre d'image" à l'empreinte inoubliable".

    "Jean-Luc Godard laisse derrière lui 100 films dont presque tout autant de chefs d'oeuvre en 60 ans de carrière. Mais selon ses dires il ne "faisait pas de films, il faisait du cinéma" a commenté l'Académie des Arts et Techniques du cinéma, postant un extrait de son discours lorsque le cinéaste avait reçu son premier César d'honneur en 1987, remis par Isabelle Huppert.

    Le Festival de Cannes salue également la mémoire de Godard, rappelant au passage qu'il fut l'un de ceux qui avaient fait interrompre la tenue du festival en mai 1968, alors que la révolte des étudiants grondait. "Je vous parle de solidarité avec les ouvriers et les étudiants, et vous me parlez gros plans et travellings. Vous êtes des cons" avait à l'époque asséné le cinéaste.

    "Jean-Luc Godard, c'est le Picasso du cinéma. Avec ses intuitions et ses fulgurances. En avance sur son temps, il a joué avec les mots, les images et les couleurs. Il improvisait des films-jalons, obscurs et séduisants. Le cinéma mondial est orphelin" a commenté Gilles Jacob, l'ancien président du Festival de Cannes, dans une déclaration recueillie par l'AFP.

    "Nous perdons un trésor national"

    Du côté des talents du cinéma, les commentaires sont à l'unisson. A commencer par Alain Delon, que le cinéaste avait dirigé en 1990 dans le film Nouvelle Vague. "Une page de l'histoire du cinéma se tourne… Merci, Jean-Luc, pour les beaux souvenirs que tu nous as laissés. Sache que je serai toujours fier d'avoir Nouvelle Vague dans ma filmographie" a déclaré l'acteur à l'AFP.

    Emouvant message aussi posté par Brigitte Bardot, qui tourna avec lui Le Mépris; un des films préférés de Martin Scorsese d'ailleurs. "Et Godard créa le Mépris et c'est à bout de souffle qu'il a rejoint le firmament des derniers grands créateurs d'étoiles" a-t-elle écrit, accompagnant une photo sur laquelle les deux sont enlacés et de dos.

    "Jean-Luc Godard a compris à quel point on pouvait se servir du cinéma comme d'un instrument de révolte et de révolution" a rappelé la comédienne Macha Méril au micro de France Inter, dont le film Une femme mariée, en 1964, a lancé sa carrière.

    Il a beau avoir cédé depuis longtemps aux sirènes hollywoodiennes et être installé à Los Angeles, Antonio Banderas n'oublie jamais le cinéma européen, remerciant le cinéaste "d'avoir élargi les frontières du cinéma".

    Grand acteur et realisateur à ses heures perdues, Stephen Fry lui a rendu hommage, rappelant qu'il a revu il y a 15 jours son film A bout de souffle, qui mettait en vedette un duo pour l'éternité, Jean-Paul Belmondo et Jean Seberg.

    Edgar Wright, toujours très cinéphile et amoureux transi du support physique des films, a aussi réagi. "RIP Jean-Luc Godard, l'un des cinéastes iconoclastes les plus influents de tous. Il était ironique qu'il vénérait lui-même le système de réalisation de films des studios hollywoodiens, car peut-être qu'aucun autre réalisateur n'a autant inspiré de gens à prendre une caméra et à commencer à tourner..."

    Martin Scorsese, que nous citions plus haut, ne pouvait évidemment pas ne pas se joindre au concert d'hommages au réalisateur disparu. C'est le quotidien The Guardian qui a recueilli les paroles du réalisateur des Affranchis, marqué, comme beaucoup d'autres, par la découverte du cinéma de la Nouvelle Vague dont Godard était un porte-étandard.

    "Dès À bout de souffle, Godard a redéfini l’idée même de ce qu’était un film et de ce que cela pouvait devenir. Personne n’a été aussi audacieux que Godard. Vous regardiez Vivre sa vie ou le Mépris ou Made in USA, et vous aviez l’impression qu’il faisait partie du film, qu’il le remodelait sous vos yeux au moment du visionnage. Vous ne saviez jamais à quoi vous attendre d’un moment à l’autre, d’un plan à l’autre – son engagement dans le cinéma était à ce point profond".

    [...] Si l’on peut dire d’un seul artiste qu’il a laissé sa trace et sa présence dans son propre art, c’est bien Godard. Et je dois dire que, maintenant que la plupart spectateurs se sont réduits eux-mêmes à des consommateurs passifs de ce qu’ils regardent, ses films sont plus nécessaires et vitaux que jamais".

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