Barsoom, c'est Mars dans les œuvres d'Edgar Rice Burroughs, l'auteur de Tarzan qui s'est essayé à relancer la fibre SF dans le goût de La Guerre des Mondes – sous un pseudonyme toutefois, car il n'assumait pas son Cycle de Mars à une époque où les space operas (sans savoir qu'ils en étaient) étaient forcément naïfs et qu'il en avait conscience.
Barsoom, cependant, c'est aussi l'une des graines créatives les plus fécondes du siècle. Zemeckis a refusé de prendre le projet John Carter car George Lucas avait, à son sens, déjà tout pillé pour Star Wars. La franchise, en sa qualité de spin off officiel mais méconnu de John Carter, a semble-t-il coupé l'herbe sous les pieds de Stanton. Sauf que voilà : il y avait Disney, prêt à dépenser une énergie du désespoir s'élevant à 240 millions. Le film a finalement fait empirer leur situation financière, mais on s'en fout : ce qui compte, c'est John Carter, ce film qui a trouvé sa place (fût-elle fondée sur une détresse commerciale et créative) et qui retourne à la source de la SF pour… ne rien faire de neuf (dans la famille « ahuri terrien d'il y a deux siècles qui atterrit dans un monde différent dont il devient le héros et où il tombe amoureux », je demande La Machine à explorer le temps de Simon Wells).
Très mal marketé, le film reste dans certaines mémoires (tout comme il restait dans la mienne depuis la vue des affiches de l'époque) surtout à cause de son bestiaire de créatures – apparemment considéré par la production comme le seul de ses aspects supposés trancher volontairement avec le reste de la SF.
C'est à se demander (et je dis ça sans savoir) si les masses n'ont pas été conditionnées par ce médiocre martèlement marketing. Car John Carter est beaucoup plus que ça, puisque c'est un Disney qui fait poser des questions intelligentes à ses personnages (ce n'est jamais gagné d'avance) pour faire avancer plusieurs schmilblicks à la fois. Politique, eugénisme, amour (vite fait), guerre aussi : c'est une œuvre qui s'accorde par sa plénitude le droit de ne pas avoir une grosse histoire de fond.
En effet, Carter débarque sur Barsoom à l'improviste. Le spectateur a dû le suivre pendant un quart d'heure de New York à l'Arizona (cette longue intro est un autre point commun avec le film précité de Simon Wells) et il y a quelques rudes ellipses pour le faire s'adapter à la vie martienne, ce qui témoigne de la prise de risque en termes d'immersion dans un monde voulu complet. Là aussi, c'est assez chiadé puisque le premier contact avec les extraterrestres prend son temps, ce qui est loin de se situer dans la continuité d'une SF qu'on considèrerait d'avance comme épuisée. Les aliens ont leur propre langue fictive (bien faite) et le côté Disney ne s'invite que par petites pointes (coucou Woola le monstre-chien et éternel intermède comique dispensable) qui trouve assez bien sa place dans la touffutude d'un design énorme et tellement présent qu'on oublie de vérifier si huit années ont commencé de vieillir les effets spéciaux.
La redite est assumée : John Carter est un film à la mesure du divertissement qu'il offre, même s'il n'est pas fait pour nous emporter corps et âme sur Mars. Ça reste un Disney. Ça reste l'adaptation qui arrive très tard d'un livre arrivé très tôt.
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