Certains films sont évidents. C'est ainsi. Ils ne sont pas nombreux, mais lorsqu'on les rencontre, on se dit que c'est pourtant facile de faire un bon film : il suffit d'être intelligent et sensible, qualités que possède à coup sûr Céline Sciamma. On pense évidemment à deux grandes réalisatrices du moment, elles-mêmes dotées des mêmes caractéristiques, Andrea Arnold et Pascale Ferran. Tomboy nous raconte donc l'histoire de quelques jours de la vie de Laure, qui se transforme en Michaël, sans que l'on sache s'il s'agit d'un coup de tête, d'un jeu, d'un choix réfléchi. Première preuve de l'intelligence du film : il n'explique pas, il montre. Comme si la caméra se contentait de filmer ce qu'elle voyait... alors que l'on devine que tout est millimétré, les dialogues a minima mais toujours justes, les plans délicats, la lumière travaillée, et cette manière si sensuelle de cadrer, au plus près de l'héroïne, au plus près des enfants. Construisant son récit sur le suspens, l'interrogation d'abord (pour celui qui ne saurait rien de l'histoire), est-ce un garçon, une fille... puis nous rendant complice, la peur que le secret soit découvert, la peur constante mêlée au trouble de Laure, le plaisir de la dissimulation aussi, lorsque Jeanne entre dans la combine. Laure a les cheveux courts, s'habille en garçon, veut jouer avec les garçons tout en appréciant la compagnie et la gentillesse de Lisa. Jeanne, sa petite sœur, est l'archétype de la petite fille à fond dans son rôle de petite fille, épanouie, lumineuse. Laure agit d'instinct puis calcule, puis plonge en plein désarroi tant elle sait que "ça" ne durera pas. Tout est bon dans Tomboy, tout est juste, des parents à la bande d'enfants qui jouent avec Laure, de la tendresse à la drôlerie en passant par la violence de certaines scènes, sans oublier les magnifiques huit-clos entre les deux sœurs. Saluons donc l'incroyable Zoé Héran, qui sait tout faire passer par le regard, les demi-sourires, les grimaces. Elle ajoute sa justesse à la grâce de l'ensemble, de même que Malonn Lévana qui joue avec grâce sans minauderie sa petite sœur miroir. On pourrait en dire encore beaucoup, mais ce serait verbiage. Une telle réussite sur un sujet aussi sensible, une telle intelligence de forme et de cœur, un tel bonheur de cinéma ne doit se louper sous aucun prétexte. Et puis, qu'est-ce que ça fait du bien un film sans musique !!! Allez-y, courez-y !!!