Le premier long-métrage d'Élise Girard s'intitulait Belleville-Tokyo. La capitale japonaise n'y était qu'un fantasme. C'est cependant grâce à ce film que la réalisatrice a pu découvrir le Japon : en effet, à l'occasion de la sortie de ce long-métrage dans le pays asiatique, elle a été invitée par le distributeur local à y passer une semaine, entre Osaka, Kyoto et Tokyo.
C'était la première fois qu'elle y mettait les pieds : "Ce séjour assez bref a été extrêmement important et déroutant pour moi. J’étais la seule Française, entourée de nombreux Japonais. Comme il arrive au personnage de Sidonie, j’ai rencontré des journalistes, donné des conférences de presse, fait l’expérience toujours bizarre de la traduction entre le français et le japonais." Elle a été frappée par le silence et la délicatesse des gens.
Elle y est retournée en 2017, six mois après la sortie de Drôles d’oiseaux, dans le cadre d’une bourse Louis Lumière Hors les Murs de l’Institut Français. C'est durant ce séjour d'un mois et demi qu'elle a écrit Sidonie au Japon. Elle y est allée ensuite début 2019 pour le casting, puis en août 2021 pour le tournage qui devait commencer le mois suivant mais a été annulé en raison de la pandémie. Finalement, le film a été filmé entre juin et juillet 2022.
De retour à Paris de son séjour au Japon, Élise Girard a ressenti le besoin de transposer ce qu'elle avait vécu dans un film : "C’est à l’occasion de ce voyage que, pour la première fois peut-être, j’ai effectué un retour sur moi-même. Ce retour était lié à Belleville Tokyo, inspiré de ma propre expérience, et auquel je revenais comme pour la dernière fois, deux ans après sa sortie en France. Mais il était lié aussi au fait de me trouver soudain loin de ma vie, à la fois géographiquement et mentalement. J’ai réalisé qu’au fond, je m’en étais mieux sortie que je ne le croyais. Et, par la même occasion, j’ai réalisé que le cinéma pouvait justement avoir cette vertu : aider à vivre et à comprendre ce qu’on a vécu."
La réalisatrice revient sur le personnage du fantôme du mari de Sidonie : "C’est une chose qui m’est venue de ce premier séjour : confrontée à l’étrangeté du pays, j’ai compris pourquoi les fantômes sont si nombreux dans le cinéma japonais." Elle n'avait pas envie d'un fantôme effrayant, mais plutôt d'un esprit dans la veine de Rex Harrison dans L'Aventure de Mme Muir.
Elle relate une anecdote lors de son séjour de 2017 au Japon : "une amie m’a invitée à diner chez sa mère. La table était mise pour quatre, et nous étions en effet quatre à manger : le quatrième n’était autre que le mari, mort depuis des années. La mère de mon amie avait besoin de ce fantôme pour apaiser son malheur. Tout le monde, autour d’elle, trouvait cela parfaitement normal. C’est ainsi que j’ai eu l’idée d’un fantôme tranquille et même cool, confronté à une personne vivante qui, elle, ne l’est pas du tout !"
Les scènes du fantôme ont été filmées sur fond vert, permettant d'incruster Antoine aux côtés de Sidonie. Ainsi, Isabelle Huppert jouait seule sur le plateau.
La réalisatrice connaissait Isabelle Huppert par l’intermédiaire de sa fille, Lolita Chammah, qu'elle avait dirigée dans Drôles d’oiseaux. Elles s'étaient ainsi rencontrées de façon informelle à plusieurs reprises. "Mon envie de travailler avec elle est d’abord liée à cela, au fait que ce n’est pas à elle comme comédienne que j’ai d’abord eu affaire personnellement. Ma perception est donc assez différente de la perception moyenne. La femme - Isabelle Huppert - que je connais est très drôle, très chaleureuse, très énergique, pas impressionnante du tout. J’ai parfois retrouvé chez elle un type d’énergie que je peux avoir", explique Élise Girard.
Elle a toutefois hésité pendant un an avant de lui proposer le rôle : "Tous ceux qui lisaient le scénario pensaient spontanément à elle. Elle a dit oui tout de suite. J’avais un peu peur avant le tournage, peur d’avoir affaire, dans le travail, à quelqu’un de très différent de celle que je connaissais. Ce n’est pas le cas."
August Diehl, qui campe le fantôme du mari de Sidonie, a été choisi pour "son physique très étrange". La réalisatrice l'a découvert dans Diamant noir puis l'a revu dans Une vie cachée de Terrence Malick : "D’un film à l’autre il n’a pas du tout la même tête ni le même âge. August est aussi très occidental, avec des grands yeux, il est à la fois inquiétant et angélique. En le rencontrant, j’ai retrouvé cela, et j’ai découvert que c’est quelqu’un de très vivant et de très drôle." Ayant vécu en France étant enfant, le comédien parle parfaitement français.
Pour le rôle de Kenzo, Élise Girard a rencontré toutes les stars japonaises. C'est finalement Tsuyoshi Ihara qui a décroché le rôle : "Tsuyoshi est très connu : il joue dans des films, des séries, il chante, il est mannequin, c’est l’égérie de Yohji Yamamoto... Il doit avoir une soixantaine d’années, mais il ne les fait pas : lui aussi est sans âge." Vivant en partie à Los Angeles, il parle anglais, ce qui a facilité les échanges avec la réalisatrice.
Le prénom de Sidonie est une référence à l'écrivaine Sidonie-Gabrielle Colette, plus connue sous le nom de Colette, qui est l'autrice de chevet de la réalisatrice. L’idée du titre est aussi un peu inspirée par Pauline à la plage d’Eric Rohmer.