https://leschroniquesdecliffhanger.com/2023/07/10/virgin-suicides-critique/
Virgin Suicides est l’adaptation du roman éponyme de Jeffrey Eugenides paru en 1995. C’est le premier long métrage de Sofia Coppola, et ça ne se voit pas !!! Au-delà de possiblement une histoire évidemment génétique ou du moins de contexte éducationnel, elle est styliste de formation, elle a été directrice photo et dans Virgin Suicides, comme dans tout ce qu’elle va créer ensuite pour le cinéma, là, ça se voit !! Ce qui la guide si puissamment aussi, est cet art permanent de la suggestion. Les prémices du culte absolu du non-dit et de l’intelligence infinie des situations, si jouissifs dans le chef-d’œuvre Lost In Translation (2003) sont déjà avec Virgin Suicides particulièrement prégnants. C’est aussi son amour pour le décalage de ses personnages, pour ces êtres un peu paumés, pour ce qui n’est pas si clair ou tranché, pour ce qui flotte, car ça bouleverse et la vérité n’en est jamais éloignée. Virgin Suicides, c’est donc tout de suite la baguette magique de la fée Sofia Coppola.
A peine 3 minutes de film, et déjà l’envoutement irradie l’écran. Un grain de photographie feutré et perçant, une bande son spectrale et planante, des dialogues où chaque mot nous transperce. Sofia Coppola, c’est une artiste de la mise en scène, une créatrice du récit. Tout est léché, sans être calculé, tout est stylisé sans être surjoué. C’est un véritable esthétisme de l’émotion. Jamais surfait, elle érige l’authenticité et la sincérité au rang d’art qui chavire.
Face à une tentative de suicide et les propos d’un médecin dégoulinant de paternalisme, une réponse glaçante de la jeune rescapée qui dit tout de l’intelligence absolue que porte Virgin Suicides : « Manifestement docteur, vous n’avez jamais été une fille de 13 ans… « . C’est ici tout cet « emprisonnement d’être une fille « , majoré par ce huis-clos familial catholique intégriste qui ne dit pas son nom. Plus un interdit est posé tel un blasphème, plus l’envie de le briser, plus la tentation de franchir l’immonde rubicond, seront amplifiés, densifiés.
Après une nuit d’amour qui n’en est pas, car toujours, l’amour c’est mieux avec l’amour, le plan de la virginale Lux, qui justement ce matin là ne l’est plus dans sa robe immaculée, désespérément seule au milieu de cet immense terrain de foot dans sa rosée matinale, est d’une splendeur évanescente sur la forme. Sur le fond c’est la terrifiante solitude et l’horrifique décadence de celle qui s’est faite mal aimée par un vendeur de rêves, qui n’est pas autre chose qu’un minable petit mec comme il en existe trop. Les conséquences en seront démoniaques, sous couvert de la bénédiction divine. Pour des parents fondamentalistes de la pensée, qui seront les premiers bourreaux des vierges suicidées.
Virgin Suicides demeure une œuvre majeure sur l’atrocité de l’empêchement des velléités des émancipations, ici féminines, mais par extrapolation de toute la condition humaine. Le poids des aveugles dogmes. La cinéaste sublimera ce récit pas la splendeur de son atmosphère, c’est inégalable, c’est un bouleversement.