Retour vers le futur, blockbuster au succès mondial, reste encore efficace, plus de trente ans après sa sortie. Cette efficacité, il la doit surtout à un scénario malin, qui double la partie science-fiction (comment retourner dans le futur quand on est coincé dans les années 50?) d’un versant plus proche de la comédie sentimentale (comment faire en sorte que mes parents tombent amoureux et me donnent la vie ?). Le premier fil narratif finit par servir de compte à rebours au second, qui est d’autant plus intelligent qu’il fait du personnage principal son propre obstacle.
L’objectif, c’est donc d’assurer sa propre conservation. Sur ce plan comme sur le reste, Retour vers le futur est un film bien de son temps, parfaitement ancré dans les années Reagan (le président américain aimait d’ailleurs beaucoup le film). Entre libéralisme économique et conservatisme social, le film de Zemeckis est aussi pop et clinquant quand il s’agit de faire rugir les voitures et les guitares, qu’il est frileux sur des questions comme le couple ou la famille. Marty est vaguement rebelle et son solo de guitare est un moment d’anthologie, mais son anarchisme s’arrête là. Son idéal familial, comme le montre la suite du film, est plutôt rétrograde : un père plus riche, une mère plus mince et une grosse voiture pour emmener sa petite amie faire un tour.
Le véritable adolescent de Retour vers le futur, celui qui donne au film sa liberté et sa fraîcheur, c’est plutôt l’excentrique et mystérieux Doc. Avec ses expériences impossibles et son look improbable, il paraît tout droit sorti de l’imaginaire juvénile de Marty. C’est moins un personnage à part entière qu’une figure de metteur en scène raté, adepte des situations extrêmes et des coups de théâtre, une sorte de double du cinéaste, qui fait rouler des petites voitures dans des villes en carton et dont la folie douce dicte au scénario tous ses virages et accélérations. Grâce à lui, on pardonne à Zemeckis les facilités et les imperfections, tant on a l’impression que c’est Doc, et non Zemeckis, qui est aux commandes.
Avec son arsenal de scientifique du dimanche, mi-labo mi-brocante, Doc convoque tout l’inconscient américain des années 80 et sa vision naïve d’un avenir fait de machines et d’automates sympathiques et maladroits, comme ceux de Ferris Bueller et de Chérie, j’ai rétréci les gosses, autres gros succès de la décennie. C’est peut-être là l’autre grande raison d’un succès aussi durable. Avec Retour vers le futur, on retrouve la foi de l’Amérique de Reagan en un avenir rassurant, fait de progrès et de sur-place à la fois, où la technologie est une réalité palpable, loin de la virtualité qui envahira la société et le cinéma dans les décennies suivantes. Si le film est devenu culte, c’est donc peut-être aussi (en dehors de ses qualités objectives) qu’il met en scène une certaine idée du futur vers laquelle on a envie, nous aussi, de retourner.
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