Francis Ford Coppola adopte une nouvelle approche en adaptant à son tour le célèbre roman de Bram Stoker. Ici, le personnage de Dracula n'est plus seulement relégué au rang d'antagoniste. C'est avant tout un guerrier qui servait Dieu, mais, se sentant trahi par celui-ci, a choisi de s'abandonner aux forces des ténèbres. C'est un personnage qui apparaît sous plusieurs facettes : jeune dandy romantique, vieillard inquiétant ou encore homme-loup à la figure repoussante. Cette dimension romantique n'est pas sans antécédent comme en témoigne la version de John Badham. Avec une telle relecture du personnage, le comte nous paraît ici plus humain, capable d'aimer, suscitant à la fois la compassion et l'inquiétude. Sur le plan visuel, le film est splendide, d'une beauté quasi poétique avec une ambiance baroque, sombre et romantique. Fort d'une distribution d'acteurs remarquables (Gary Oldman en premier), il respecte d'ailleurs plus le roman que de nombreuses autres adaptations, même si le vrai personnage de Dracula est loin d'avoir cet aspect séduisant et ce côté romantique que Coppola lui a conféré. Il n'y a deux points négatifs que je relèverais de cette adaptation : le premier est que le film insiste un peu trop sur l'érotisme, élément qui n'était présent que de manière suggestive ou métaphorique dans le roman. Je n'ai rien contre l'érotisme, mais là, dans ce film, c'est exploité de manière exagéré. Le second est la "trahison" de certains personnages. Celui de Dracula, ça passe encore car c'est intéressant de lui donner une dimension tragique et romantique et, bien que différent, il n'est pas réellement trahi puisque demeurant malgré tout le méchant de l'histoire ainsi que l'incarnation du Mal. Mais pour Lucy et Van Helsing, là je dis non. Faire de Lucy une espèce de dévergondé, par rapport à la jeune fille pure et raisonnable qu'elle était à l'origine, et, concernant Van Helsing, passer du vieillard bon, sage et réfléchi à un espèce de fou, ça je ne peux l'accepter. Lucy, je vous jure que ce personnage, dans le film, est tout bonnement insupportable (et la VF n'arrange rien) à tel point que sa mort nous laisse complètement indifférent, voire nous soulage, là où dans le roman, elle nous faisait quelque chose, nous attristait même. Et Van Helsing, lui, n'est pas mieux, et on n'a qu'une envie : voir Dracula le vampiriser sans attendre. Je veux dire, ces deux personnages étaient attachants dans le roman, que j'ai lu et grandement apprécier. Mais devant le traitement de ces personnages qu'a fait Coppola, là je ne me peux m'empêcher d'éprouver de l'indignation. Et c'est à cause de ces défauts que je ne peux qualifier ce Dracula de chef-d'oeuvre, même s'il demeure une authentique et envoûtante réussite.