"Borgen", "The Killing", "Real Humans"... Les séries venues du Nord sont de plus en plus nombreuses sur les écrans français et réussissent à séduire les téléspectateurs. Ce dossier vous permettra de comprendre pourquoi mais surtout de découvrir des séries, encore des séries et toujours des séries ! - Dossier réalisé par Livia Segret.
"En Pilgrims Död", diffusée sur a chaîne suédoise SVT
© SVT
En Suède, ces derniers mois, c’est par l’intermédiaire de deux mini-séries ambitieuses que la chaîne publique SVT a proposé à ses téléspectateurs de se replonger dans les années 80, revenant sur des évènements qui ont marqué durablement la société. Ces fictions ont pour point commun d’être toutes deux des adaptations de romans.
La plus récente, En Pilgrims Död, se base sur une trilogie de l’écrivain Leif G.W. Persson, sur la Suède durant la Guerre Froide, trois romans parus en France sous les titres "Entre le désir de l’été et le froid de l’hiver", "Sous le soleil de minuit" et "Comme dans un rêve" (Editions Rivages/Noir). Diffusée au cours de l’hiver 2013, elle compte quatre épisodes. Si elle dépasse le seul genre policier auquel son histoire la rattache, c’est parce qu’elle met en scène une enquête toute particulière, revenant sur un évènement qui a profondément choqué la Suède : l’assassinat de son Premier Ministre, Olof Palme. Une nuit de février 1986, l’homme politique, accompagné de son épouse, revenait à pied d’une séance nocturne de cinéma. Il n’était accompagné d’aucun garde corps. À une intersection, un homme surgit, armé d’un revolver. Olof Palme est abattu à bout portant, sa femme seulement blessée. L’affaire ne sera jamais résolue, en dépit de l’arrestation d’un suspect qui sera finalement libéré. Cette incertitude a laissé libre cours aux théories conspirationnistes les plus diverses, envisageant implications internationales et questionnements sur l’action de certains services de l’Etat, restés passifs ou ayant eu intérêt à ne pas voir l’enquête aboutir. En Pilgrims Död est révélatrice du traumatisme causé par cet évènement, mais aussi des doutes générés vis-à-vis des institutions, perceptibles jusque dans la culture populaire. Proposant un récit construit en parallèle sur deux époques, avec de constants allers-retours entre 1985-86 et le présent, la mini-série débute avec la réouverture officieuse de l’investigation suite à une rencontre informelle entre des responsables qui refusent de refermer définitivement ce pesant dossier. Au fil du récit, elle dresse un portrait sans complaisance d’une police suédoise des années 80 gangrénée par la corruption, mais aussi par des groupuscules fascisants, confrontée à un Premier Ministre social-démocrate qu’elle regarde avec beaucoup de défiance, d’aucuns le soupçonnant d’être ou d’avoir été un agent soviétique.
Le générique de "En Pilgrims Död" :
En Pilgrims Död
Quelques mois plus tôt, à l’automne 2012, SVT avait diffusé une mini-série revenant sur un autre sujet important des années 80 : Torka aldrig tårar utan handskar (Don't Ever Wipe Tears Without Gloves, Photo ci-dessous / © Peter Cederling). Composée de 3 épisodes, elle est une adaptation d’un roman de Jonas Gardell qui s’est lui-même chargé de le transposer à l’écran. Elle nous plonge dans la communauté gay de Stockholm qui va être durement frappée par l’épidémie du sida.
Ayant pour fil rouge l’histoire d’amour qui unit un jeune couple, Benjamin et Rasmus, cette fiction relate une suite de destins brisés par la maladie. Poignante et bouleversante, elle n’en est pas moins une ode à la liberté, chargée d’une vitalité qui transcende l’ensemble. Le cœur de son sujet est aussi de décrire les réactions de la Suède d’alors confrontée au sida. Le titre est à lui-seul révélateur : "Don’t ever wipe tears without gloves" ("Ne séchez même pas leurs larmes sans porter de gants", littéralement) est une consigne donnée au personnel médical soignant les malades en phase terminale. Si une infirmière souhaite apporter un maigre soutien en essuyant la larme d’un patient anéanti et mourant, elle ne doit le faire que derrière une protection en latex. On croise dans cette fiction de nombreuses scènes d’homophobie ordinaire, du rejet social des malades, au refus des familles d’admettre que leur proche est mort de cette maladie… jusqu’à dénier le droit à un petit ami effondré d’assister aux funérailles du défunt. Torka aldrig tårar utan handskar apporte un éclairage intime et humain, déchirant, tout en étant un hymne à l’amour. Elle offre une expérience marquante à plus d’un titre, dont nul ne ressort indemne. Il faut noter qu’elle a été projetée au Festival Séries Mania 2013, rappelant ainsi que la découverte des fictions étrangères passe aussi par d’autres canaux qu’une diffusion télévisuelle et que la multiplication des Festivals dédiés aux séries en France participe à une meilleure connaissance de ces fictions plus exotiques.
La Scandinavie offre d’autres exemples récents du même acabit. En Norvège, le grand succès de ce début d’année 2013 est la série Halvbroren, l’adaptation d’un roman de Lars Saabye Christensen, couvrant toute la seconde moitié du XXe siècle, de la fin de la Seconde Guerre Mondiale jusqu’aux années 1990. Portés par des critiques très positives, les premiers épisodes ont battu des records d’audience, réunissant plus d’un million de norvégiens devant leur petit écran : rien moins que le meilleur démarrage de la chaîne NRK ! L’apport de la tradition littéraire joue donc un rôle indéniable comme point d’appui à l’essor de la télévision scandinave, apportant non seulement pour les sources d’inspiration, mais aussi pour le savoir-faire dans l’approche de certains sujets. Pour autant, elle est loin d’être le seul facteur expliquant le succès actuel des séries nordiques. Des hommes de télévision jouent aussi un rôle déterminant. Pour l’illustrer, il est intéressant de se tourner cette fois vers le Danemark...
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