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    "Faire plaisir aux fans est une tâche insensée" : la nouvelle série des créateurs de Westworld est l'événement science-fiction du mois d'avril
    Olivier Pallaruelo
    Olivier Pallaruelo
    -Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
    Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

    C'est l'une des plus grandes licences du jeu vidéo. Attendue pendant des années, son adaptation déboule sur Prime Video. Univers singulier, rétrofuturisme, humour noir et violence décomplexée : l'univers de "Fallout" ne ressemble à aucun autre.

    Les lendemains qui déchantent sont fréquents dans la science-fiction ; un genre qui par définition reflète nos peurs face aux changements sociaux ou technologiques. Un sentiment anxiogène particulièrement aigu décuplé lorsqu'on dérive franchement vers la SF de type postapocalyptique.

    Dans ce registre, le terrain est labouré, avec plus ou moins de bonheur, depuis des années, sur petit comme grand écran : épuisement des ressources, bouleversements climatiques ravageant la surface du globe, guerre atomique, pandémie rayant quasiment de la carte l'Humanité condamnée à survivre...

    La série Fallout, qui a déboulé sur Prime Vidéo ce 11 avril, apporte sa contribution à l'édifice. Au-delà d'être l'adaptation d'une fameuse licence jeu vidéo, la singularité de son univers, son humour noir souvent féroce, son ton sarcastique, et sa violence décomplexée mérite que l'on s'y attarde.

    Car il faut se rendre à l'évidence : l'univers de certaines licences est tellement riche et vaste, immersif, que ce soit dans l'approche visuelle, narrative et thématique, qu'elles méritent d'avoir un traitement sous forme de série, sous peine de les vider irrémédiablement de leur substance en passant avec pertes et fracas par la case cinéma.

    23 octobre 2077, le jour de l'apocalypse Fallout

    "La guerre. La guerre ne meurt jamais". Une cultissime tagline pour une licence qui ne l'est pas moins : Fallout. On pourrait dire que cette formidable saga postapocalyptique est au jeu vidéo ce que la saga post-apo Mad Max est au cinéma : incontournable.

    La série des jeux Fallout, née au milieu des années 90, n'ayant d'ailleurs jamais manqué de rendre hommage à son pendant cinématographique, même si son univers est avant tout profondément ancré dans un délicieux et génial rétrofuturisme des années 50, à l'image de Robby le robot de Planète interdite. Un ancrage qui n'est pas que visuel d'ailleurs. Même la bande-son des jeux fleure bon les années 50-60.

    Une époque où la science-fiction régnait en maîtresse dans l'imaginaire collectif américain C'est ce qui fait tout le charme de cette extraordinaire licence, vendue à plusieurs dizaines de millions d'exemplaires.

    Le point de départ de la saga Fallout, même si la série débute 200 ans après, c'est une apocalypse nucléaire, surnommée "La Grande Guerre". Elle fut aussi brève que logiquement dévastatrice. Elle débuta et s'acheva le samedi 23 Octobre 2077 en deux heures à peine, quand des armes nucléaires furent lancées par tous les États à capacité d'armement nucléaire du monde de Fallout (principalement par les États-Unis, la Chine et l'URSS).

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    Une guerre pour le contrôle des ressources

    L'instabilité géopolitique qui conduisit à l'éclatement de la guerre nucléaire mondiale fut d'abord provoquée par l'apparition d'une crise mondiale de l'énergie, lorsque les réserves naturelles de combustibles fossiles commencèrent à manquer cruellement aux alentours de l'an 2050.

    Cette crise de l'énergie eut plusieurs causes. D'abord, la demande de combustibles fossiles toujours croissante, nécessaire pour alimenter les machines toujours plus grandes et gourmandes du monde de Fallout. Ensuite, en raison de leur incapacité à développer l'électronique miniaturisée et des matériaux de construction plus avancés.

    La conséquence directe de cette crise fut une panique généralisée qui s'étendit à tous les pays industrialisés. Ils se bousculèrent pour sécuriser les quelques réserves de pétrole restantes dans le monde. Une série de conflits militaires locaux éclata alors autour des points de stockage désormais aussi rares que précieux, et cette soif de ressources naturelles ravagea la planète.

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    Le jour de l'apocalypse, le 23 octobre 2077, les gigantesques abris antiatomiques et souterrains, conçus par les ingénieurs d'une société du nom de Vault-Tec, qui joue un rôle essentiel (et souvent trouble) dans l'univers de Fallout, furent scellés alors que la Terre entière était en train de brûler. Scellés durant des décennies; des siècles même.

    Plusieurs générations de familles y vivent et s'y succèdent, sans jamais pouvoir en sortir. Des abris justement comme celui où l'héroïne de la série, Lucy (Ella Purnell), a passé l'essentiel de son existence. Jusqu'au jour où les portes finissent enfin par s'ouvrir...

    À quoi ressemble le monde de Fallout une fois dehors ? À ça, tiré de la bande-annonce du jeu Fallout 4.

    Une vie qui reprend ses droits, dans un univers impitoyable

    Malgré la destruction de la planète par le feu nucléaire, des zones restèrent habitables dans une certaine mesure, là où les niveaux de retombées radioactives étaient plus faibles. Les humains survivants dans ces régions de la planète furent capables de vivre dans les ruines de la civilisation d'avant-guerre, d'établir de nouvelles communautés voire de petites villes.

    Sur les décombres de ce qui fut autrefois les Etats-Unis d'Amérique, d'anciens territoires ont même fait sécession et sont devenus autonomes, comme la République de Nouvelle Californie, fondée en 2186, devenue un modèle d'organisation post-apocalyptique.

    Ici, ses citoyens possèdent le suffrage universel, la discrimination y est interdite. Même les mutants sont protégés par la loi. Un paradis supposé pour les goules par exemple, qui furent autrefois des survivants du cataclysme exposés à de hauts taux de radiation normalement mortels. C'est le cas du personnage incarné par l'acteur Walton Goggins dans la série.

    Ceux qui sortirent vivants de la Grande Guerre formèrent la base d'une nouvelle civilisation, libre et surtout parfaitement impitoyable, entre bandes de Raiders (pillards), créatures mutantes monstrueuses, milices fascistes et autres confréries armées jusqu'aux dents.

    La plus emblématique d'entre elles est la Confrérie de l'Acier. Une organisation quasi-religieuse et militaire à la puissance de feu dévastatrice, dont les racines sont issues de l'armée américaine et de la communauté scientifique. Elle joue un rôle majeur dans l'univers de Fallout, et dans celui de la série.

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    Les membres de la Confrérie de l'Acier, dans leurs armures assistées.

    "Faire plaisir aux fans est une tâche insensée"

    "Fallout est l'une des plus grandes séries de jeux de tous les temps. Chaque chapitre de cette histoire incroyablement imaginative nous a coûté d'innombrables heures que nous aurions pu passer avec la famille et les amis. Nous sommes donc extrêmement heureux de nous associer à Amazon Studios, à Todd Howard et au reste des créateurs brillants de Bethesda pour donner vie à cet univers massif, subversif et obscurément drôle".

    C'étaient les termes du communiqué publié par Jonathan Nolan et Lisa Joy accompagnant l'annonce officielle de la mise en chantier de la série Fallout, en juillet 2020. C'est peu dire que l'accouchement de la série a nécessité des trésors de patience. Dès le début des années 2010, on évoquait déjà l'idée d'une adaptation, sans jamais qu'elle se concrétise pour autant.

    "Fallout, dans ma carrière, se rapproche le plus du travail que nous avons fait en adaptant Batman, où il y a tellement d'histoires dans l'univers de Batman qu'il n'y a pas de version canonique et que vous êtes donc libre d'inventer la vôtre. Chacun des jeux Fallout est une histoire distincte - une ville différente, un protagoniste distinct - au sein de la même mythologie" commentait Jonathan Nolan, début mars au micro du magazine Total Film.

    Ajoutant : "Notre série se situe par rapport aux jeux comme les jeux se situent les uns par rapport aux autres. C'est un peu comme si nous étions Fallout 5. Je ne veux pas paraître présomptueux, mais ce n'est qu'une version non-interactive du jeu, n'est-ce pas ?"

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    Todd Howard, le producteur exécutif de la série et surtout le créateur de Fallout 3 et 4, précise que s'il a bien partagé avec Jonathan Nolan des idées potentielles d'un Fallout 5, il lui a toutefois demandé de ne pas les inclure dans la série. "il y a eu certaines choses pour lesquelles j'ai dit : "Ne fais pas ça parce que nous allons faire ça dans Fallout 5".

    Nul péché d'orgueil de la part de ce brillant scénariste et showrunner, qui avait d'ailleurs initié son immersion sur cette licence avec Fallout 3. "Cela a commencé, pour moi, avec Fallout 3, qui a dévoré environ un an de ma vie. À cette époque, j’étais un jeune scénariste en herbe et cela a presque fait dérailler toute ma carrière. C'est tellement addictif et amusant... sérieusement, les jeux étaient tout simplement incroyables" racontait Nolan dans un événement presse organisé récemment autour de la série.

    Inquiet de la réaction des fans ? Pas vraiment. "Je pense qu'il faut se lancer dans cette aventure en essayant de réaliser le show que l'on veut faire et en étant sûr qu'en tant que fan du jeu, on y trouve les éléments qui nous paraissent essentiels... et d'essayer de faire de son mieux pour livrer la meilleure version possible.

    C'est un peu une tâche insensée d'essayer de trouver comment rendre les [autres] personnes heureuses... Vous devez d'abord VOUS rendre heureux. Et je me suis rendu très heureux avec la série".

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