La Chute du faucon noir : un changement majeur a été exigé par le Pentagone dans le chef-d'oeuvre de Ridley Scott, et on comprend pourquoi...
Olivier Pallaruelo
Olivier Pallaruelo
-Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

A 64 ans, Ridley Scott signait un impressionnant et extraordinaire film de guerre qui fera date : La chute du faucon noir. Comment souvent dans ce type de production, le Pentagone accepta d'apporter son aide, qui ne fut pas sans contrepartie...

Il est fréquent qu'un gouvernement, en l'occurrence ici le gouvernement américain, soit très souvent sollicité pour apporter son concours à la réalisation de films et / ou séries télévisées; que ce soit pour des questions pratiques inhérentes aux autorisations de tournages, la sollicitation de son expertise sur des sujets précis... La NASA, par exemple, offre régulièrement son aide précieuse aux productions hollywoodiennes.

Le Département de la Défense aussi, autrement connu sous l'appellation DOD, a dans ce cadre une vieille et longue tradition de coopération avec Hollywood, -près de 100 ans- au point d'avoir un bureau de liaisons spécialement dédié à cela.

Son but est double : "dépeindre avec précision les récits militaires et s'assurer que les informations sensibles ne sont pas divulguées", comme il l'explique lui-même sur la page d'accueil de son site. "Nous prenons ces deux rôles très au sérieux" commente même le lieutenant-colonel Tim Hyde, responsable du bureau de liaison du DOD installé à Los Angeles.

Mais cette aide, aussi précieuse soit-elle, ne se fait évidemment pas sans contrepartie...

"Le film est extraordinairement fidèle à la réalité"

Après avoir tâté à peu près tous les genres possibles au cinéma, du drame historique au Péplum en passant par la science-fiction, le Thriller et le film policier, Ridley Scott signait à 64 ans un film de guerre qui fera date par son approche ultra réaliste des combats et son esthétisme global, source d'inspiration pour toute une génération de cinéastes et même de Game Designers : La chute du faucon noir. Tourné entre mars et juillet 2001, le film sortira dans une Amérique en guerre et meurtrie par l'attaque du 11 septembre 2001.

Relatant un fait réel, La Chute du faucon noir est directement inspiré du livre Black Hawk down : A story of Modern War de Mark Bowden, journaliste réputé du Philapdelphia Inquirer, qui est également coscénariste du film.

Le 3 octobre 1993, avec l'appui des Nations Unies, une centaine de marines américains de la Task Force Ranger est envoyée en mission à Mogadiscio, en Somalie, pour assurer le maintien de la paix et capturer les deux principaux lieutenants et quelques autres associés de Mohamed Farrah Aidid, un chef de guerre local. Cette opération de routine vire rapidement au cauchemar lorsque les militaires sont pris pour cibles par les factions armées rebelles et la population.

"Le film est extraordinairement fidèle à la réalité" lâchait Mark Bowden. Si les scènes de combat sont effectivement très impressionnantes, Ridley Scott a pourtant évacué le contexte politique, le point de vue somalien et l'aspect négatif du raid, qualifié de "désastre politique" par Bowden lui-même. "J'ai surtout voulu mettre en scène l'anatomie d'une guerre moderne" justifia le réalisateur de son côté; "la Chute du faucon noir est un film clinique, aussi proche du documentaire que possible".

"Comme j'ai surtout écrit sur ce qu'ont vécu les soldats américains, on a décidé que ce serait le coeur du film" expliquait Bowden dans une interview à L'Express. "Ridley Scott a fait tout ce qu'il a pu pour montrer que l'ennemi n'était pas qu'une bande de rebelles et qu'il y avait une logique derrière leur combat".

L'aide... et la pression du Pentagone

Comme de nombreux films de guerre américains, La Chute du faucon noir a séduit les pontes du Pentagone, désireux d'aider la production du film en fournissant entraînement et matériel. "La Chute du faucon noir, qui traite de l'échec du raid en Somalie, pouvait sembler être un projet peu susceptible d'obtenir l'aide du Pentagone, mais ils sont allé au-delà de tout ce que nous pouvions espérer" déclarait en 2001 Susan Tick, la responsable en chef de la communication de Sony Columbia Pictures.

"Le Pentagone a aimé le projet, parce que c'était une chance de montrer la bravoure des soldats et de démontrer les choix difficiles que les États-Unis doivent faire pour décider où intervenir" déclarait en 2001 Philip Strub, à la tête du bureau de liaisons du Pentagone avec l'industrie du film, situé à Washington. 100 soldats de l'armée américaine s'envolèrent pour le tournage du film, situé au Maroc; Sony réglant 3 millions $ pour s'offrir 8 hélicoptères de l'armée pour les besoins du film.

Alors, où se trouve l'abcès de fixation ? Il est à rechercher du côté de l'un des personnages du film. En échange de sa coopération, l'armée fit pression sur le scénariste du film pour que le personnage joué par Ewan McGregor change de nom.

Dans le film, il incarne John Grimes, militaire sympathique et bureaucrate en mal d'action, avant effectivement d'être à nouveau confronté à la réalité du terrain. Un personnage important du film d'ailleurs.

Son modèle d'origine, le Ranger John Stebbins, passa en cour martiale en juin 2000 et fut condamné à une peine de 30 ans de prison pour avoir violé à de multiples reprises sa fille de 6 ans... Stebbins reçu la Silver Star pour bravoure lors des événements décrits dans le film. Un ancien héros désormais déchu, à l'héritage devenu à l'évidence bien trop encombrant...

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