De quoi ça parle ?
July fait face à la cruauté du lycée grâce à la protection de sa sœur aînée September. Sheela, leur mère, s’inquiète lorsque September est renvoyée et July en profite pour affirmer son indépendance. Après un événement mystérieux, elles se réfugient dans une maison de campagne, mais tout a changé…

D'actrice à réalisatrice ! Actrice remarquée du cinéma d'auteur (Yorgos Lanthimos, Lucie Borleteau, Joanna Hogg, Justin Kurzel, les soeurs Coulin...), Ariane Labed est actuellement à l'affiche de The Brutalist (un petit rôle mais très important, qui intervient à la toute fin du film). Mais son actualité première est son long métrage, September & July, dont elle a signé le scénario d'après un livre de Daisy Johnson.
Notre entretien intégral avec Ariane Labed :
Ariane Labed s'était déjà essayée à la réalisation d'un court métrage, en 2019. Cette fois-ci, elle plonge dans le grand bain avec un long métrage singulier, marquant et dont l'étrangeté va peut être en déranger certains.
Proposer une expérience très physique aux spectateurs
"L'étrangeté, c'est un mot qui me touche. Je pense qu'on se retrouve tous dans l'étrangeté et que ça décale nos perceptions ou nos habitudes. Il y a, pour moi, une vraie volonté, effectivement, de faire appel à l'expérience et l'imaginaire du spectateur et de lui proposer une expérience très physique."
Elle poursuit : "C'est vrai que je vous tenais à pousser certains moments ou scènes jusqu'à des sensations extrêmes pour le spectateur. J'espère qu'il va finir par être en mouvement en regardant le film, qu'il va avoir besoin de se boucher les yeux ou les oreilles, que j'appelle vraiment à la participation plus physique qu'intellectuelle du spectateur.
C'est presque un pacte, un jeu que je propose aux spectateurs
Je crois vraiment en l'intelligence du spectateur, c'est-à-dire que le film s'écrit, je l'espère, avec avec lui sous ses yeux. C'est vraiment mon but de tendre une main et de dire: Je vais certainement vous emmener dans des chemins de traverse. Peut-être que le film commence comme un teen movie et je vais vous emmener ailleurs. C'est presque un pacte, un jeu que je propose aux spectateurs. Le jeu fait aussi partie d'un des thèmes centraux du film et c'est aussi ce que je propose aux spectateurs."
September & July, présenté à Un Certain Regard à Cannes en mai 2024, est l’adaptation d’un roman nommé Sisters. Sisters comme les deux soeurs au coeur de ce film. S’il fallait donner le point de départ du film, c’est ce lien très fort, très spécial qui lie ces deux soeurs, presque jumelles.
A la frontière du cinéma de genre
Ariane Labed nous raconte le point de départ de ce film : "Quand j'ai découvert le livre de Daisy Johnson, j'ai été fascinée par l'habilité qu'elle avait de pouvoir parler de cet amour sororal qui est emprunt de cet amour profond, cette tendresse, cette protection. Mais qui a un vrai revers : une emprise, une possibilité de faire mal et une possibilité de violences, qui, je crois, est toujours un peu présente à différents degrés, dans les familles, parce que l'amour inconditionnel qu'on éprouve pour ses parents, ses frères et ses sœurs, et cette idée du cocon familial, de cette cellule familiale qui est censée nous protéger, c'est potentiellement aussi le lieu de grande violence."
Pour mettre en scène ce film, Ariane Labed s'aventure aux confins du cinéma de de genre. "Je me suis autorisée à ne répondre à aucun des critères d'obligation de ce que serait le cinéma de genre. Je me suis sentie très libre de pouvoir glisser sur des terrains qui n'appartiennent pas à l'écriture réaliste, à quelque chose qui qui flirte avec le rêve aussi ou avec toutes ces choses comme pourrait le faire librement David Lynch."
Un clin d'oeil à David Lynch
David Lynch a-t-il justement été une référence ? "J'ai vraiment évité toute référence directe avec d'autres films. La seule, c'est la chanteuse dans le bar avec sa robe de velours qui est un petit clin d'œil lynchien."
Sans oublier un peu de Shining à l'ouverture du film. "Oui, c'est presque pour moi une façon de me dégager d'un film qui est, je pense, un des meilleurs films de genre fait. Pour moi, c'est un peu comme tuer le papa ! Je reconnais que ce film a été fait, qu'il a existé et que c'est un chef-d'œuvre, mais c'est pour en finir avec ça. Après, le reste de mes références, elles étaient beaucoup plus photographiques."
Ariane Labed souligne l'importance de son point de vue, de son regard féminin, et la réflexion derrière la fabrication de ces images. "Je pense que c'est l'occasion de mettre en pratique, à ma manière, la théorie du regard féminin. Le regard, donc la mise en scène, est très précis et très mesuré. Je connais l'impact des images et leur puissance et leur beauté comme leur dangerosité. Pour moi, c'est très important de porter de l'attention aux images qu'on produit.
Le regard est profondément féminin
C'est une des raisons pour lesquelles j'ai tourné en pellicule d'ailleurs, justement pour presque aller à contre courant d'une époque où on tourne en digital et on surproduit, on se "couvre", comme on dit sur les plateaux, on couvre les scènes de partout pour en gros, décider du langage du film une fois au montage.
Je me suis donné la contrainte de tourner comme ça parce que c'est dans ces formes de contraintes que je trouve de la liberté. Donc, le regard est précis, il est d'une position d'égalité avec les personnages et il est profondément féminin."