Existe-t-il une épreuve plus brutale que celle de ne pas pouvoir exprimer sa tristesse ? Le deuil empêché et réduit au silence, c'est le sujet de When The Light Breaks, film de l'Islandais Rúnar Rúnarsson, présenté en ouverture dans la section Un Certain Regard au Festival de Cannes en mai 2024.
Quand Una (Elín Hall) apprend que son petit copain Diddi (Baldur Einarsson) décède dans un accident, son monde s'écroule. Seulement, Una occupe une place très particulière : elle est l'amante de Diddi. Leur histoire était cachée de tous. Seule face à son absence, elle doit contenir son chagrin devant Karla (Katla Njálsdóttir), la petite amie "officielle". Nous avons rencontré le réalisateur.

AlloCiné : Cette histoire est née après la perte d'un de vos amis d'enfance et la mort d'un de vos proches récemment. A-t-il été libérateur d'écrire ce film et de revenir sur ces émotions ?
Rúnar Rúnarsson, le réalisateur et scénariste : Oui, c'était vraiment libérateur. En écrivant ce film, j'ai eu l'impression d'être confronté à un miroir. C'est une histoire d'écrire sur une émotion mais c'en est une autre de découvrir, au cours de l'écriture, qui on est et ce qu'on ressent. C'était comme une grande découverte de soi.
Le film se déroule sur une journée, marquée par le deuil, et brasse de nombreux émotions différentes, parfois contraires.
C'est comme ça que l'être humain fonctionne, surtout pendant les périodes de turbulences émotionnelles. Les émotions forment un cercle. Des sentiments opposés se rencontrent. Vous pouvez pleurer et vous mettre à rire en très peu de temps. L'amour peut se transformer en jalousie et vice versa.
La jeune actrice Elín Hall est assez saisissante. Qu'est-ce qui vous a tant plu chez elle ?
Il y a beaucoup de bons acteurs, mais elle a quelque chose que très peu ont : le facteur X. Cette capacité à transmettre des choses sans les dire.
Comment avez-vous travaillé avec cette bande de jeunes acteurs ?
La seule chose que je peux faire, c'est de créer un environnement de travail paisible. Et pour cela, il faut dialoguer, donner de l'espace et gagner leur confiance. Il est très important que les acteurs sentent qu'on leur fait confiance parce qu'ils osent aller sur le fil et s'ils tombent, ils doivent sentir quelqu'un peut les rattraper. Beaucoup d'acteurs m'ont dit que leur pire cauchemar était d'être sur un plateau et de se rendre compte que personne n'est là pour les rattraper. Alors ils n'osent pas. Ils commencent à se protéger et pour ce film, il devait absolument se laisser aller.
Qu'est-ce que ce film dit de la jeunesse islandaise selon vous ?
Elle est encore meilleure que celle de ma génération. lls sont plus conscients, plus informés, plus ouverts d'esprit. Ils se soucient de leur environnement, tant au sens écologique qu'humain. Ils sont élevés dans un esprit humaniste. Tandis que les générations plus âgées ont pollué et ont été en guerre et continuent d'être en guerre, les jeunes d'aujourd'hui n'en veulent pas.
Propos recueillis par Thomas Desroches, à Cannes, en mai 2024.
When The Light Breaks de Rúnar Rúnarsson