Ce lundi 10 mars, France 2 lance Après la nuit, une série poignante portée par Charlie Bruneau, Alice Daubelcour, Ludmilla Dabo, Marie Mallia, Myriam Bourguignon et Raphaël Lenglet.
L’histoire suit le parcours de Stéphanie, Camille, Isabelle et Nafissa. Victimes d’un violeur en série, ces quatre femmes vont unir leurs forces pour briser le silence.
Agressées chez elles en pleine nuit, elles racontent le même mode opératoire, la même sidération. Question de vie ou de mort, elles doivent parler, de plus en plus fort, pour être enfin entendues par une communauté désespérément sourde.
Avec l’aide de Karine, une gendarme qui fait cause commune avec elles, et Romain, le frère tourmenté de Stéphanie, ces héroïnes luttent pour se reconstruire et empêcher que tout explose dans leur vie…
À travers cette fiction, Après la nuit met en lumière la puissance de la sororité et l’importance de la parole des victimes. Un récit poignant qui ne laisse pas indifférent.
Rencontre avec Charlie Bruneau, l’une des héroïnes de la série.

Allociné : Qu'est-ce qui vous a plu dans le scénario de "Après la nuit" et vous a convaincue de participer à ce projet ?
Charlie Bruneau : Bien que ce sujet ait déjà été traité, il est rare de voir une série qui l’aborde du point de vue des victimes. C'est-à-dire qu'on voit souvent des séries sur des agressions sexuelles et des viols mais c'est souvent par le prisme d'une enquête policière. Ici, on décale le point de vue sur les victimes, sur ce qui va se lier entre elles avec un véritable propos sur la sororité. C’est assez rare de voir une série explorer cette solidarité féminine avec, en toile de fond, un sujet aussi dur.
Concernant mon personnage, je trouvais ça intéressant de voir une femme, qui parce qu'elle avait fait un transfuge de classe, se muselait elle-même. Elle évolue dans un milieu bourgeois où l’on ne dit rien, où tout est caché, et elle accepte d’abord cette règle implicite. Et puis, elle va s'apercevoir que ce silence l’étouffe, qu’elle s’est elle-même muselée, qu’il ne s’agit pas pour elle de retrouver sa voix mais de la découvrir pour la première fois. Sa résilience va l'amener progressivement à se reconstruire autrement. C'est un personnage très complexe qui se déploie sur six épisodes et je trouvais ça vraiment très intéressant.
La série est inspirée d’une histoire vraie. Comment appréhende-t-on un rôle aussi chargé émotionnellement, sachant qu’il fait écho à des événements réels ?
Ce qui a été un véritable questionnement pour moi, et ce qui a vraiment pesé dans ma décision après ma rencontre avec le réalisateur, c’est la sensibilité extrême du sujet. Cette série pose des questions mais elle n’apporte pas de réponses toutes faites. C'est-à-dire qu'on interprète des personnages en espérant pouvoir aider et être au plus près de ce que certaines victimes peuvent vivre. C'était une énorme responsabilité.
Je me suis souvent demandé : est-ce que je vais offenser quelqu’un ? Est-ce qu’on est dans le vrai ? Est-ce que les questions soulevées sont les bonnes ? Et surtout, est-ce que le message que l’on fait passer est bon ? Le fait divers en lui-même, je n'y ai pas vu plus que ça. Ce que j'ai vu, c'est vraiment ma responsabilité vis-à-vis des femmes qui prennent la parole aujourd’hui, des victimes, de leur rapport à la justice et du rapport entre elles.
Avez-vous échangé avec des victimes ou des spécialistes pour nourrir votre interprétation ?
Je n'en ai pas eu besoin. Depuis la libération de la parole, je me rends compte que j'ai plus d'amis qui ont subi des agressions, des viols et de la maltraitance que des amis à qui il n'est rien arrivé. Je n'ai donc pas eu besoin d'aller à la rencontre de victimes parce que j'en ai tout autour de moi malheureusement.
Après une enfance marquée par la violence d’un père, Stéphanie a trouvé la stabilité auprès de son mari avant que sa vie ne vole en éclats à la suite d’un viol. Comment percevez-vous son évolution et sa force intérieure ?
J'ai interprété une personne que je pense être incapable d'être dans la vie. Elle a une force et une sagesse incroyable surtout vis-à-vis de son mari qui est odieux et détestable. Elle a vraiment cette force et cette sagesse de lui laisser le temps à lui aussi de se retrouver après ce drame. J'ai le sentiment qu'il y a peu de personnes qui sont capables de faire ça. Je pense que la violence de son enfance lui permet de comprendre les chemins par lesquels elle va passer et par lesquels son mari va devoir passer. C'est la répétition des drames dans sa vie qui lui permettent d'avoir la patience d'attendre que son mari fasse un choix.
La série aborde des sujets difficiles mais reste empreinte de lumière et d’espoir. Selon vous, qu’est-ce qui apporte cette lueur au récit ?
La sororité ! Le collectif prend toujours le pas sur le reste. Je pense que c'est ça qui aide à avoir un récit positif. Les personnages ne sont pas isolés, sauf s’ils le décide. Dès qu'ils veulent être portés, aidés et soutenus, ils peuvent l'être. Je pense que c'est ça qui fait de ce récit quelque chose de lumineux.
L’une des forces de la série est l’utilisation des "face caméra" pour exprimer les pensées des personnages féminins. Une technique que vous connaissez bien avec la série En famille.
Ils ont des portées totalement différentes. Dans En Famille, c'est une complicité avec les spectateurs. C'est vraiment un clin d'œil qui fait le lien entre le public et les personnages. Alors que là, c'est l'intimité de la personne. C'est un journal intime en fait. C'est vraiment la différence entre le personnage social et ce qu'il se passe émotionnellement pour lui à ce moment-là.
C'est le réalisateur qui a eu cette idée, ce n'était pas écrit au départ. Il les a improvisées un peu tous les jours en nous demandant d'improviser sur une ligne directrice bien précise. Ça a été très dur à tourner parce que c'est vraiment l'intimité et qu'on a eu l'impression d'être regardées par le trou d'une serrure quand on les tournait. C'est très étrange, c'est très impudique de livrer ses pensées comme ça. Pour le coup, j'avais l'impression de livrer ce que moi émotionnellement je vivais de mon personnage. J'avais vraiment un sentiment d'impudeur qui est intéressant parce que ça donne l'essence même de l'émotion de ce qu'on vit au moment où ça arrive. Je les aime beaucoup parce que je les trouve très crues.
C'est aussi un moyen de redonner la parole aux victimes...
Exactement ! Je suis entièrement d'accord avec ça et je trouvais que c'était une idée qui était géniale de la part du réalisateur parce que d'un côté il y a avait tout ce que la société nous fait vivre et de l'autre, la place à la parole crue. Ça fait du bien de voir ça !
Si vous deviez retenir un message essentiel que la série transmet ou que vous aimeriez que le public retienne, lequel serait-il ?
La sororité ! Je pense que c'est l'avenir de l'Homme. J'en étais déjà convaincue avant. J'ai des positions très claires sur le féminisme et sur ce que ça peut apporter. Mon papa est la personne la plus féministe que je connaisse. J'ai la chance d'avoir grandi dans une grande liberté, d'être une personne à part entière, libre de ses pensées et de vivre sa vie comme elle l'entend. Je me rends compte aujourd'hui que c'est une chance immense qui n'est pas donné à tout le monde. Je crois que c'est cette liberté qui nous amènera vers quelque chose de plus lumineux. Et cette série, elle véhicule ce message : si on est ensemble, tout est possible.
Finalement, qu'y a-t-il après la nuit ?
La justice ! Pour l'instant, ce n'est pas le cas mais j'espère vraiment que c'est ça le message. Si la série doit avoir un autre message, c'est qu'il faut vraiment que les choses bougent sur l'écoute et la prise en charge des victimes. On a encore un immense chemin à parcourir. Pour avoir discuté avec beaucoup de femmes qui sont dans des associations comme Nous Toutes, le chemin est très long et compliqué. La libération de la parole c'est extrêmement bien mais il y a encore beaucoup de travail à faire sur la prise en charge de la justice. Donc après la nuit, j'espère qu'il y a la justice.
Avez-vous d'autres projets dont vous pouvez nous parler ?
Je peux vous dire qu'après avoir tourné Après la nuit, j'ai enchaîné avec une pièce qui s'appelait Oublie moi qui n'était absolument pas drôle. Du coup, j'ai eu besoin de faire des projets un peu plus rigolos (rires). Donc là, j'ai tourné un 6x52 réalisé par Stéphanie Pillonca, qui s'appelle Dans de beaux draps, qui est une comédie dans laquelle j'ai un rôle secondaire mais qui va être assez joyeuse je pense. Et là, je suis en train de tourner Les Aventurières, réalisé par Léa Fazer, qui est une comédie d'action.