"Cela fait quatre ans et je n’ai pas encore l’impression d’avoir quitté l’Afghanistan". À la tête de la plus importante opération d'exfiltration réalisée par la France, Mohamed Bida ne peut oublier ce qu'il a vu et vécu à Kaboul en 2021. Un an plus tard, il témoigne dans un livre, 13 jours, 13 jours, aux éditions Denoël. Il y raconte l'évacuation, entre le 15 et le 28 août 2021, de plus de 2800 civils afghans pour fuir les talibans qui avaient pris le contrôle de la ville. Aujourd'hui, cet ouvrage devient un film avec Roschdy Zem.

Le long métrage, réalisé par Martin Bourboulon (Les Trois mousquetaires), est ambitieux, haletant et raconte ce qui n'a jamais été réellement montré. "Il n’y avait pas de témoins, explique le commandant Bida. Pas de médias, pas d’ONG, personne, mis à part des diplomates et des militaires qui ne se racontent jamais. Il faut rappeler des faits qui ont été passés sous silence. Au-delà des images sensationnalistes, l’Afghanistan n’a pas été traité comme il se doit."
Revoir ces événements à l'écran a été une véritable expérience pour le haut gradé. "Ça m’a procuré d’autres émotions que je n’ai pas ressenti en écrivant le livre, assure-t-il. Le film est d’une puissance incroyable et ce qui me bluffe, c'est qu'on est tout de suite happé par l’histoire. J’ai l’impression de revivre une réalité que j’ai connue."
Quand on joue quelqu'un qui a existé, on n’est pas là pour l’imiter, on est là pour apporter sa propre vision du personnage.
Son rôle est tenu par Roschdy Zem. Pour l'acteur, accepter de donner vie à cette histoire était une évidence : "C’est un film qu’on tourne en sachant ce qui est advenu de l'Afghanistan et de ces civils. Je ne peux y rester indifférent car j’avais encore en tête ces images des gens qui accrochaient aux avions qui décollent. La force des images est telle qu’on oublie que derrière elles, il y a des hommes, des femmes, des destins."
Porter ce récit relève de la "dette" selon Roschdy Zem. "Il y a des gens qui souffrent encore et nous on fait du cinéma, souligne-t-il. On voulait éviter le spectaculaire et rester à hauteur d’homme. Cette histoire doit être vue et vécue comme tel." Pour construire le rôle, Roschdy Zem n'a rencontré Mohamed Bida qu'une seule fois, lors d'un déjeuner. Le commandant souhaitait se tenir à distance du projet pour laisser au réalisateur et aux acteurs la plus grande liberté.

L'acteur s'est nourri principalement du livre : "Il y a une partie dans le bouquin qu’il n’y a pas dans le film : c'est son parcours personnel. On ne peut pas interpréter quelqu'un si on n'a pas quelques éléments de vécu. J’avais suffisamment d’éléments pour construire quelque chose. Quand on joue quelqu'un qui a existé, on n’est pas là pour l’imiter, on est là pour apporter sa propre vision du personnage."
La notion de héros est importante dans le film 13 jours, 13 nuits. Le personnage interprété par Roschdy Zem est toujours montré dans ses moments de doutes et de peur. "Pour moi c’est un héros, lance l'acteur, mais ce qui est important c’est qu’il ne se considère pas comme tel. S'il n’y avait pas eu ce livre, Mohamed Bida serait resté dans l’ombre et je ne crois pas qu’il en aurait été malheureux. Son témoignage, ce film aujourd'hui, c’est avant tout engagement et un pacte avec la profession."
Propos recueillis par Thomas Desroches, à Paris, le 17 juin 2025
13 jours, 13 nuits, actuellement au cinéma