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    "De particulier à particulier" : rencontre avec Brice Cauvin

    Premier long métrage au charme singulier, "De particulier à particulier" sort en salles mercredi. Allociné a rencontré le cinéaste Brice Cauvin lors de la présentation du film au Festival de Berlin.

    Allociné : "De particulier à particulier" est ton premier film. A-t-il été difficile à monter ?

    Brice Cauvin : Au début, ça a été facile, parce que le scénario a eu plusieurs prix, dont celui de la Fondation Gan. Après j'ai eu l'Avance sur recettes. A partir de là, le film a été estampillé "film d'auteur", et c'est devenu plus difficile... Les gens trouvaient toujours qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas, que c'était trop mystérieux, ils ne comprenaient pas le sens des dialogues, n'appréciaient pas trop la fantaisie que j'avais voulu y glisser. Après, ça n'a pas été facile non plus parce qu'à la fin du tournage, le producteur a déposé le bilan. Je me suis donc retrouvé avec le film sur les bras. Il a fallu que le film soit racheté... Je me suis battu comme un dingue pour pouvoir le terminer rapidement : par exemple, j'ai pu faire le mixage gratos à la Femis parce que j'y donne des cours... En revanche, je dois dire que le tournage en Syrie a été très simple, à tous les niveaux, alors que tout le monde pensait que ce serait l'enfer. On nous avait dit qu'il y aurait plein d'interdictions, que la police serait présente sur le plateau, mais rien de tout ça ne s'est passé.

    Le film se caractérise par ses ruptures de ton, ses changements de direction. As-tu parfois eu peur que le film n'ait aucun centre de gravité ?

    Il faut beaucoup de temps pour écrire un scénario, donc on pense à ces choses-là. Il y a forcément un centre de gravité quelque part. Après les multiples réécritures, une colonne vertébrale finit par apparaître. Avant d'avoir l'Avance sur recettes, j'avais eu l'aide à la réécriture, ce qui m'a permis de travailler avec deux co-scénaristes, qui m'ont aidé à construire une colonne vertébrale (que j'ai effacée par la suite). Ce qui était bien, c'est que l'un, Pierre Schoeller, était hyper concret, soucieux de réalisme, tandis que l'autre, Jérôme Beaujour, a accentué le côté fou du film, il y voyait un côté Sixième Sens !

    Un des thèmes du film est la culpabilité...

    Bien sûr, et toutes les culpabilités. Philippe se sent coupable de ce qu'il a fait par rapport au sac, mais il y a aussi une culpabilité plus globale, peut-être aussi vis-à-vis des Arabes. D'ailleurs, d'après ce que j'entendu dire, c'est ce dont parle le film de Michael Winterbottom [The Road to Guantanamo, présenté en compétition à Berlin]. Il ressent aussi de la culpabilité concernant son rôle de père. C'est vrai que pas mal de spectateurs sont inquiets pour ces enfants. Ils se demandent si beaucoup de couples parisiens sont comme ça avec leurs enfants... Hier, quelqu'un m'a dit : "Votre histoire est parfaitement rationnelle, j'ai tout compris. Simplement, ce sont les deux héros qui ne sont pas rationnels, et je me fais du souci pour leurs enfants..."

    Tu as longtemps travaillé comme assistant, pour des cinéastes tels que Pierre Salvadori ou Ilan Duran Cohen. Qu'as-tu retiré de cette expérience ?

    On apprend des choses pratiques. Je crois que c'est ce bagage qui m'a permis de traverser toutes les épreuves rencontrées sur mon film. Par ailleurs, ce dont je me suis rendu compte, c'est qu'au cinéma, il n'y avait pas de règle. J'ai travaillé sur 25 films, et à chaque fois c'était des méthodes de travail différentes. Je me suis donc dit : "Il faut que je trouve ma propre méthode". Bien sûr, j'ai pioché des trucs à gauche à droite... Je crois que celle qui m'a le plus influencé, c'est Nicole Garcia, avec qui j'ai travaillé sur Un week-end sur deux, dans sa façon de diriger les comédiens, cette volonté de dire les choses au dernier moment, pour préserver une certaine fraîcheur. Je citerais aussi Romain Goupil, pour sa fermeté. Et puis Pierre Salvadori m'a appris des choses dans la relation avec l'équipe.

    Tous ces cinéastes ont en commun de se confronter à des genres, tout signant des oeuvres très personnelles. On retrouve ces deux aspects dans ton film.

    C'est vrai. Le film n'est pas du tout une autobiographie. Ca n'a rien à voir avec moi : je ne suis pas marié, je n'ai pas d'enfant, je ne cherche pas d'appartement. Mais c'est un film très personnel : dans le sujet, dans la façon de voir les choses, plus à partir de la sensation que de la raison.

    Tu es satisfait de l'accueil du film à Berlin ?

    Ca a été crescendo. D'abord j'étais super content d'être sélectionné. Mais après, quand on arrive, il y a tellement d'autres réalisateurs présents qu'on se dit qu'on n'est rien du tout. Les premières projections se sont bien passées, les salles étaient pleines. Et puis surtout, il y a eu un article dans Variety, qui a fait naître une sorte de buzz autour du film. Du coup, on a dû ajouter deux projections...

    Comment t'es venue l'idée de tenir un blog sur Allociné pendant ton séjour au Festival de Berlin ?

    J'ai tenu un journal dès le premier jour de la préparation de De particulier à particulier. J'aime bien écrire de manière générale, et un tournage, c'est une telle aventure... Je l'ai fait sur plein d'autres films : Le Mari de la coiffeuse, qui était mon premier film comme stagiaire, Les Randonneurs, Rosine de Christine Carrière... Je me suis donc dit qu'il fallait que je le fasse pour mon propre film. En plus, je pensais qu'avec mon expérience d'assistant, ce tournage serait facile. Or, je crois que ça a été mon pire tournage, le plus compliqué... Un ami a lu ce que j'ai écrit, et m'a dit " Tu devrais publier ces notes, ton aventure est tellement incroyable ! Apres avoir connu tous ces problemes de production, te voila sélectionné à Berlin. Tu devrais partager cette histoire avec tout le monde." Et puis je me suis dit que ce serait bien que ma famille et mes amis puissent suivre mes aventures. J'ai vu qu'il y avait pas mal de réactions plutôt sympa, je les lirai à mon retour.

    Travailles-tu déjà sur un deuxième long métrage ?

    J'ai un projet qui me tient très à coeur, auquel je pense tout le temps. On parle toujours des personnages féminins à la dérive, à la Gena Rowlands ou Anna Thomson. Eh bien moi j'aimerais faire un Sue perdue dans Manhattan au masculin, avec Lambert Wilson. On se connaît depuis longtemps, et je crois qu'il y a quelque chose d'intéressant à faire avec lui autour de l'idée de la dégringolade.

    Propos recueillis à Berlin le 15 février 2006 par Julien Dokhan

    Lire le blog de Brice Cauvin

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