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    "On The Ice" : rencontre avec le réalisateur

    Andrew Okpeaha MacLean vous souhaite la bienvenue en Arctique ! Acclamé dans de nombreux festivals internationaux, son thriller "On the ice" sort en salles cette semaine. Allociné a enfilé la doudoune, l'écharpe et les gants pour aller à la rencontre de ce réalisateur venu du nord de l'Alaska. Rencontre.

    AlloCiné : Pour ceux qui n’auraient pas encore vu le film, pouvez-vous nous dire de quoi parle "On The Ice" et de ce qui vous a poussé à le réaliser ?

    Andrew Okpeaha MacLean : On the Ice raconte l’histoire de deux jeunes hommes essayant de se sortir de la panade dans laquelle ils se sont mis après avoir accidentellement tué un de leurs amis à la suite d’une violente dispute. Ces événements se déroulent à Barrow, une petite ville du nord de l'Alaska dans laquelle j'ai passé mon enfance. Je crois que j’ai tout d’abord voulu montrer ce qu’était la vraie vie des Inupiats (peuple du nord de l’Alaska). Beaucoup pensent que ces peuples, qui habitent la banquise, sont de petits eskimos avec le nez rouge, vivant dans des igloos ! C’est le fruit de nombreux clichés et de stéréotypes en tous genres, pas vraiment représentatifs de ces communautés Inuits. Donc je voulais vraiment aborder ce film de la manière la plus réaliste qui soit. Il s’agit avant tout d’un thriller qui s’inscrit dans la continuité de mon court métrage Sikumi, que j’ai réalisé il y a quelques années. J’ai ainsi voulu explorer plus en profondeur l’histoire du "court" en abordant le thème de la violence et celui du sentiment de culpabilité de manière plus intense.

    Andrew Okpeaha MacLean

    Les Inupiats viennent donc du nord de l’Alaska. Se sentent-ils américains ? Y a-t-il un fastfood à Barrow ?

    Non il n’y a pas encore de fastfoods dans le centre ville ! (rires) Mais effectivement, les Inupiats sont de véritables patriotes. Ils sont fiers de porter les couleurs américaines et ce malgré les différences qui peuvent survenir, tant à propos des conditions climatiques que de leurs traditions ancestrales. Mais en aucun cas, ils ne se sentent éloignés du reste de l'Amérique.

    Parlez nous de votre parcours. Comment êtes-vous devenu réalisateur ?

    A vrai dire, mon rêve de gosse était de devenir acteur. J’aimais me montrer en spectacle devant les gens, danser sur scène. C’est pourquoi je me voyais avant tout devenir comédien. A l’époque je vivais entre Barrow et Fairbanks, la 2ème ville la plus peuplée d’Alaska. J’ai donc eu le temps de m’adapter à la vie en métropole, et d'anticiper un départ vers le continent américain, plus précisement vers New-York, là ou j’ai fait mes études. C’est seulement lorsque j’étais étudiant que j’ai commencé à prendre du plaisir à réaliser, à entreprendre des projets. Je me suis alors lancé dans la réalisation de courts métrages.

    Ça a dû être quelque chose de spécial pour vous de retourner filmer à Barrow, cette petite ville où vous avez grandi.

    Oui c’est toujours bon de retourner chez soi. Toute la ville nous a apporté son soutien. Tourner avec ces personnes a vraiment été fantastique même si il y a eu quelques moments difficiles, les habitants de Barrow n’étant pas du tout habitués à recevoir autant de monde, et encore moins une équipe de tournage ! Les diriger n’a pas été chose aisée. Un jour, une personne que je connaissais m’a proposé d’investir sa maison pour les besoins du film. Cet homme était enchanté de m’ouvrir les portes de sa maison afin que j’y tourne quelques plans. J’ai accepté son invitation, mais une fois que l’équipe est venue chez lui, il était éberlué ! Il m’a dit «Andrew, tu ne devais pas venir juste avec une petite caméra ?», je lui ai répondu «Ah non, ca ne se passe comme ca ! Il y a un petit peu plus de monde que ça !». Au final, nous étions plus de trente dans son salon ! (rires)

    Une différence marquante que l’on peut relever en regardant "On The Ice", c’est celle qui règne entre le moderne et le traditionnel ; notamment dans la première scène du film ou l’on voit des adolescents effectuer des danses traditionnelles puis, quelques heures après, faire des « jam » (sessions d’improvisation) sur de la musique rap. Vous sentez-vous proche de cette nouvelle génération ?

    Oui je pense être assez proche d’eux car d’une part j’ai moi aussi écouté ce genre de musique et dansé en costumes traditionnels, comme ceux que l’on peut apercevoir dans cette première scène ; et d’autre part car j’ai beaucoup de petits cousins issus de cette nouvelle génération. Je les ai vus grandir et j’ai donc pu assister à cette évolution. Je ne me suis jamais senti dépaysé ou en décalage avec ces jeunes Inupiats lorsque je retournais à Barrow. Bien au contraire. Ils s’adonnent à différents loisirs pour se divertir, tels que danser sur du hip-hop, comme n’importe quel gamin de New-York, ou encore surfer pendant des heures sur Internet ! Les réseaux sociaux ne leur sont pas inconnus vous savez ! Ils ont cette faculté particulière de savoir concilier modernité et traditions ancestrales. Le côté traditionnel est toujours présent mais ils ont l’avantage de pouvoir communiquer plus facilement avec le reste du monde et de découvrir des tas de choses auxquelles les jeunes de cette région au climat difficile n’avaient pas accès auparavant.

    A propos de conditions climatiques, le réchauffement climatique les inquiète-t-il ?

    Oui, c’est certain. En plus de voir les glaciers fondre à vue d’œil, ce réchauffement climatique a un impact important sur la chasse. C’est grave car c’est un moyen de survie pour beaucoup de gens du Nord de l’Alaska. Ce phénomène a pour effet de faire fuir les animaux. Avant, les gens chassaient non loin de leurs maisons, maintenant les distances s’allongent, sont de plus en plus longues, et rendent la chasse beaucoup plus compliquée…

    Tout au long du film, les jeunes hommes sont armés d’un fusil de chasse. Quel regard portez-vous sur cette culture de l’arme en Alaska ?

    C’est un outil. C’est assez surprenant à dire, mais les armes là-bas sont de véritables outils de travail ! Moi-même j’ai acquis mon premier fusil à seulement 4 ans ! J’ai, pour ainsi dire, tiré mon premier coup de feu très tôt !

    Rassurez-nous, vous n’avez jamais tué personne ?

    Non, non je vous le jure ! (Rires) J’ai été habitué dès mes plus jeunes années à me servir d’une arme, tout comme les enfants Inupiats d’aujourd’hui y sont habitués. Attention, ils les utilisent uniquement pour chasser ! Dès leur plus jeune âge, on leur enseigne tout ce qu’ils ont besoin de savoir sur la manière d’utiliser cet « outil » et sur sa dangerosité. Car il s’agit vraiment d’un outil de travail ! J’insiste là-dessus. Qu’il s’agisse des gestes à faire ou à ne pas faire, au fait de ne jamais viser dans telle direction, toutes ces règles essentielles sont inculquées aux jeunes, comme on me les a inculquées lorsque j’étais petit, et ce jusqu’à mon adolescence. Les jeunes sont très respectueux et ne deviennent jamais des maniaques de la gâchette. Il n’y a que très peu d’accidents de ce type en Alaska. Généralement, s’il y a conflit entre deux personnes, il se règle par une bonne discussion, point final. Tirer sur une personne pour régler une altercation irait a l’encontre de toutes les valeurs de cette communauté, et serait évidemment puni par la loi.

    Votre film prend des allures de western quelquefois, avez-vous été influencé par d'autres films ?

    Oui, absolument ! J’apprécie énormément Le Bon, la brute et le truand de Sergio Leone. Vous vous souvenez de cette image tournée au format cinémascope ? C’était fantastique. La nature prenait vraiment l’apparence d’un personnage à part entière. Sergio Leone m’a donc très certainement influencé à tourner sur ces grandes étendues de glaces au loin de Barrow. Comme lui, je voulais capter cette sensation, à la fois de grandeur et d’isolation, si captivante que l’on retrouve dans ses westerns. J’apprécie également beaucoup le film Fargo de Joel Coen.

    Parlez nous du casting maintenant. Vous n’avez employé que de jeunes acteurs qui vivaient pour la plupart leur première expérience cinématographique. Comment vous y êtes-vous pris pour les dénicher ? Les connaissiez-vous ?

    Je voulais avant tout que les personnages soient incarnés par des gens qui comprennent le quotidien de la communauté Inupiat, par des gens qui viennent de cet univers particulier. C’est pour cette raison que j’ai fait appel à tous ces jeunes acteurs amateurs qui se sont révélés extrêmement talentueux. Nous avons organisé de longues séances de casting en Alaska, ainsi qu’au Canada, afin de dénicher les perles rares. Une fois l’équipe au complet, nous avons répété avec eux pendant un mois. C’était un vrai défi de tourner avec ces acteurs non professionnels car ils n’étaient, pour la plupart, pas encore tout à fait matures. Il fallait les guider, leur apprendre certaines techniques, les recadrer parfois. J’étais conscient que ce serait un travail difficile pour eux, mais ils y sont arrivés. Je connaissais déjà Josiah Patkotak (Aivaaq), qui est originaire de Barrow comme moi. Pour la petite histoire, nous nous sommes rencontrés avant le tournage dans les rues de Barrow. Il n’avait que 15 ans à l’époque. Je lui ai parlé de mon projet et lui ai proposé de passer des essais. Il est venu par curiosité et s’est amusé à jouer une scène. J’étais scotché ! Il a tout simplement été brillant. J’ai immédiatement su que je tenais l’un de mes acteurs principaux.

    Vos deux jeunes protagonistes, Josiah Patkotak et Frank Qutuq Irelan, continuent-ils de tourner aujourd’hui ?

    Non. Pas pour le moment. Je pense qu’ils seraient tous les deux intéressés pour continuer dans ce métier mais pour le moment, ils préfèrent finir leurs études. Frank Qutuq Irelan a également une ravissante petite fille dont il doit s’occuper à plein temps. A moins qu’ils ne migrent à Hollywood dans les mois qui viennent, il y a peu de chances qu’ils poursuivent dans cette voie pour l’instant. Mais qui sait, un jour vous les retrouverez peut-être sur vos écrans ! Croisons les doigts !

    Pouvez-vous nous parler des conditions de tournage ? Il ne devait pas faire très chaud !

    Oh il faisait juste -25°c ! (rires) C’est une température assez courante vous savez. L’hiver, cela peut monter jusqu’ a -50°c ! Nous avons également croisé quelques ours polaires lors du tournage. Ils venaient nous rendre de petites visites, mais restaient toujours assez loin du plateau. Ils s’approchaient par curiosité, jamais pour attaquer.

    Comment avez-vous réussi à financer "On The Ice" ?

    J’ai tout d’abord rédigé le scénario d'On the Ice juste après avoir présenté mon court métrage Sikumi au festival de Sundance en février 2008. Une fois terminé, j’ai proposé le script au programme de financement de Sundance, lequel est régi par une communauté d’artistes américains et permet de lever des fonds afin de produire des longs-métrages indépendants. C’est alors que j’ai rencontré Cara Marcous, ma productrice. Elle m’a soutenu dans ce projet dès le début et je pense sincèrement que ce film n’aurait pas pu voir le jour sans elle. Un premier film, qui plus est se déroulant en Arctique, ne pouvait que rebuter plus d’un producteur ! Parallèlement à ça, nous avons également utilisé la méthode du "crowdfunding", qui consiste à acquérir des fonds en lançant une vaste campagne de publicité, notamment sur internet. Nous avons reçu beaucoup de réponses positives d’organisations, et même de particuliers, voulant nous aider dans le financement de ce premier film. A titre d’exemple, nous avons reçu 50 000$ de la « New York University » et la ville de Barrow nous a fourni des chambres d’hôtels pour loger l’équipe de tournage.

    En plus, les donateurs particuliers pouvaient recevoir des récompenses !

    Oui, c’est le côté sympa de ce moyen de financement. Nous proposions des cadeaux à ceux qui nous aidaient. Par exemple, nous offrions aux donateurs les plus généreux une visite guidée de Barrow et de sa région ! Vous partiez en voiture pour une expérience inoubliable dans le froid arctique ! Sinon vous pouviez recevoir des dvd du film et de nombreux autres lots.

    Quelques mots sur "iZLER", le compositeur du film.

    iZLER est un groupe musical aux tendances "lounge". Il est composé d’un seul membre, un compositeur britannique d’origine tchèque, qui fut guitariste pour Robbie Williams, il y a environ une dizaine d’années. Un jour, on m’a envoyé une démo de sa musique que j’ai tout de suite adorée. Je lui ai donc envoyé le script du film, qu’il a apprécié. Il nous a donc rejoints sur le projet. J’ai trouvé qu’il y avait un lien particulier entre sa musique mystérieuse et l’univers inquiétant du film.

    Avez-vous actuellement d’autres projets en cours ?

    Je suis actuellement en train d’écrire quelque chose. Je ne peux rien vous dire d’autre pour l’instant mis à part que l’histoire se déroule une nouvelle fois en Arctique. Mais faut-il encore que je trouve les fonds pour, je l’espère, renouveler cette formidable expérience !

    Propos recueillis par Kevin Poujoulat le 7 décembre 2011

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