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    Christophe Lambert, héros de "La Source" : "Il n'y a rien de facile dans ce métier"

    "La Source", la série d'espionnage réalisée par Xavier Durringer, commence ce mercredi 18 septembre sur France 2. Christophe Lambert nous parle de son premier grand rôle dans une série, du métier d'acteur mais aussi de ses goûts en matière de cinéma...

    © Daniel Angeli/France 2

    Vu dans de très nombreuses productions, Christophe Lambert, qui continue de mener une carrière à l'internationale, n'avait jamais tenu le rôle principal d'une série, en l'occurrence française. C'est désormais chose faite. Dans La Source, série empruntant au genre du thriller psychologique et diffusée à partir de ce mercredi soir sur France 2, l'acteur campe un chef d'entreprise soupçonné d'être mouillé dans une affaire louche de traitement des déchets toxiques. Afin de le coincer, les services secrets entrent en contact avec la jeune fille au pair qui s'occupe de ses enfants et la contraignent à espionner sa vie de famille...

    Qu'est-ce qui vous a accroché tout de suite ?

    Christophe Lambert : La base de tout, c'est le scénario. Après, c'est un metteur en scène qui va comprendre, qui va travailler et qui va aller dans le sens de ce qu'il y a comme matière pour essayer de l'amplifier. Et puis, après, c'est sa manière de trouver un casting atypique et différent mais qui correspond aux personnages, sans aller systématiquement vers des noms en se disant : "tiens si on a untel ou untelle, quoi qu'il arrive, ça va attirer du public". Non, ce qui attire du public, c'est la qualité. Je pense qu'un grand texte peut être massacré par un mauvais metteur en scène. Et un grand texte avec un bon metteur en scène ne peut qu'être amplifié. Ce qui est le cas avec La Source et Xavier Durringer.

    En quoi ce casting est atypique selon vous ?

    Je pense qu'un bon casting, c'est un casting juste. Quand je dit que c'est un peu atypique, c'est que Xavier, qui est quelqu'un d'une extrême intégrité mis à part son talent de metteur en scène, s'est dit : "Je sais qui je veux caster dans tel rôle". Puis, à un moment donné, peut-être qu'on lui a dit : "Pourquoi tu ne prends pas des gens plus connus, plus publics", etc. Et il a simplement répondu : "Ces gens-là pour ces rôles-là sont justes". Et ça c'est important.

    Xavier Durringer semble justement être un réalisateur que les acteurs portent particulièrement dans leur coeur.

    C'est quelqu'un qui a un sens de l'écriture, qui a un grand sens de la mise en scène, qui a un amour profond des acteurs. Savoir les diriger, savoir leur donner les indications nécessaires pour essayer de les faire décoller un petit peu plus.

    Xavier Durringer, "La Conquête" © Mandarin Cinema - Gaumont 2011

    Chez quels autres réalisateurs avez-vous retrouvé cet amour des acteurs ?

    Je l'ai retrouvé chez Hugh Hudson dans Greystoke, chez Michael Cimino dans Le Sicilien... Vous savez, je l'ai trouvé chez des gens qui travaillent et qui ne pensent pas que ce métier est simplement fait de facilités. Il n'y a rien de facile dans ce métier, il n'y a que du travail et il n'y a surtout que de l'amour.

    On vous a déjà vu à la télévision mais c'est la première fois que l'on vous voit dans le rôle principal d'une série française. Vous y teniez ou c'est un hasard ?

    Ce qui m'intéresse, ce n'est pas de savoir si c'est pour la télévision ou pour le cinéma. Bon, ça, ça vient peut-être de mon expérience, entre guillemets, américaine. A partir du moment où une histoire est qualitative, il ne faut pas hésiter une seconde, c'est tout.

    Vous pensez qu'en France, justement, on fait encore cette différenciation, qu'il y a encore ce clivage ?

    Oui, on fait un peu une ségrégation, un clivage en disant : "Ah ouais, mais c'est de la télé". La télé, c'est du divertissement. Pouvoir proposer du divertissement à un public, c'est le but de ce métier, quel qu'il soit, que ce soit au cinéma, à la télévision, au théâtre... C'est du divertissement. Divertissement comique, dramatique, dur, intellectuel... Ce qu'on veut. C'est tout. J'ai toujours eu, jusqu'à aujourd'hui, cette optique. J'ai fait des bons films, j'ai fait des mauvais films. Mais, quoi qu'il arrive, je me suis éclaté. A partir du moment où l'on prend du plaisir à faire quelque chose on va forcément procurer du plaisir à quelqu'un.

    Flore Bonaventura, jeune fille au pair pas comme les autres © Daniel Angeli/France 2

    Et justement dans le rôle de John Lacanal, cet homme de pouvoir et de secrets, qu'est-ce qui vous a procuré du plaisir ?

    Son ambiguïté. Je crois que c'est quelqu'un de complètement absorbé par son travail, qui en sacrifie sa vie privée. Ca, ça coûte quelque chose. A un moment donné, c'est quelqu'un qui va s'apercevoir que son investissement professionnel n'est pas forcément sur la bonne longueur d'onde. Et... Bon je ne vais pas raconter toute l'histoire (rires). Il est pris dans une machine infernale de laquelle il est extrêmement difficile de sortir. Il est conscient que tout ne peut pas être parfait dans le meilleur des mondes...

    Et que, parfois, on est obligé de faire des choses qu'on ne voudrait pas faire ?

    Oui, que l'on est obligé de faire des concessions et que l'on est obligé d'accepter. Car à un moment donné, c'est un choix de dire : "Je n'accepte plus ou je continue d'accepter." Et John Lacanal, c'est probablement un mec qui se dit : "Je n'ai plus besoin d'accepter." Ce qui ne l'empêchera pas dans un futur plus ou moins proche de se dire qu'il peut, ou pas, utiliser ses connaissances, je parle de John Lacanal là (rires), pour les amener aux services de quelque chose de positif...

    De prime abord, c'est quelqu'un de doux, de très gentil. Mais, dès qu'on s'approche de ses secrets, il montre les crocs...

    Quand on fait un métier comme il fait, on a peur. On n'a pas forcément peur de ce qu'on ne connait pas, c'est-à-dire de ce qu'il y a autour, comme les services secrets ou autres... Mais on doit protéger ce qui, en fin de compte, vous fait vivre. Et on doit le protéger avec un respect et avec quelque chose qui fait, qu'effectivement, on ne peut pas soupçonner, on ne peut pas imaginer, si quelqu'un comme ça va, ou pas, trahir à un moment donné sa boîte. Ce sont des hommes de l'ombre qui sont 100% dédiés à ce qu'ils font.

    © Daniel Angeli/France 2

    Mais, il ignore qu'il héberge justement une espionne chez lui...

    C'est exactement l'antithèse du personnage. Il ne peut pas soupçonner une seconde qu'il puisse y avoir un espion chez lui...

    Parce qu'il fait trop confiance ?

    Non, je pense que c'est simplement parce que c'est un être humain. C'est quelqu'un qui se dit : "Ma baby-sitter, elle est nickel chrome : jamais elle. Tous les gens qui m'entourent, peut-être. Mais pas elle."

    Toute la série est d'ailleurs basée sur ce principe, sur les faux-semblants et l'idée qu'on croit connaitre quelqu'un mais, qu'en réalité, on ne connait même jamais ses proches.

    La série n'est basée que sur la manipulation. Qui est bon, qui est mauvais, qui est méchant ? Qui est juste, qui est un traître, qui ne l'est pas ? Et puis, en fin de compte, pourquoi il trahit ? Quelles sont les raisons ? Et vous savez, ce qui est marrant, c'est qu'en fin de compte, comme je l'ai toujours pensé, tout ça est basé sur l'affectif. C'est-à-dire qu'à partir du moment où l'on aime son métier passionnément, on est quelqu'un d'affectif. Ce qui veut dire que dans sa vie professionnelle comme personnelle, on est affectif. Et à ce moment-là, on a des cassures, on a des failles qui font que ça peut déraper.

    Il y a également une réflexion sur la famille via les Lakanal qui montre que, finalement, la famille idéale n'existe pas.

    Dans le monde d'aujourd'hui, elle a, malheureusement, de plus en plus de mal à exister. Un investissement professionnel, si on aime ce qu'on fait, si on croit à ce qu'on fait, est à 100%. Quand on donne 100% dans quelque chose, combien il reste de pourcentage pour le reste ? Pas grand-chose. Donc, pour pouvoir donner 50 d'un côté, 50 de l'autre, ça veut dire qu'on va ne pas bien faire ni l'un ni l'autre. Donc, c'est douloureux, c'est difficile, ça fait du mal.

    Il faut donc faire un choix ?

    Oui. Et de toute façon, la vie est faite de choix. La vie n'est pas de se dire : "Je vais avoir une vie de famille topissime, une vie professionnelle topissime. Je vais tout avoir." Ca n'existe pas. On ne peut pas tout avoir.

    Et par exemple, quand on est un acteur comme vous, célèbre de par le monde, on le comprend à quel moment ?

    On le comprend tout de suite. Ou alors, on ne le fait pas. Ca ne veut pas dire qu'on ne continue pas d'essayer "de". Mais, on le comprend tout de suite.

    Epatantes Clotilde Courau & Flore Bonaventura © Daniel Angeli/France 2

    L'un des points forts de "La Source" est incontestablement ses personnages féminins. Des femmes fortes et modernes qui font des choix et qui ne les expliquent pas forcément. Est-ce que c'est quelque chose qui vous a également frappé ?

    Oui, c'est quelque chose qui m'a frappé dans le sens où c'est extrêmement juste par rapport à la société d'aujourd'hui. On a fait de la femme depuis des générations, si ce n'est des milliers d'années, la gonzesse qui s'occupait de la maison, des enfants, de la lessive, de nettoyer, etc. Sans se dire : peut-être qu'elle a d'autres capacités que ça. Et puis, à un moment donné, le monde a fait que ses capacités se sont révélées, non seulement efficaces, mais souvent supérieures. J'ai rencontré plein de femmes qui pouvaient continuer à s'occuper de leur famille et de leurs enfants tout en s'occupant aussi d'un boulot hyper important. Il y a une capacité chez la femme à pouvoir accumuler les problèmes, les résultats ou le stress, bien supérieure à celle de l'homme. Donc, si j'avais un côté Machiavel, je me dirais : "Bon ben, on peut les utiliser pour tout". (Rires) Mais, comme je n'ai pas ce côté Machiavel, je me dis que leurs capacités doivent être utilisées mais d'une manière équilibrée. D'une manière humaine.

    Et justement, parmi les femmes réalisatrices, les actrices, parmi les femmes que vous avez croisées dans votre vie, quelles sont celles qui vous ont le plus impressionné ?

    Vous savez, je n'ai pas d'exemple particulier à vous donner. Toutes les femmes m'ont impressionné. Par leur capacité d'encaissement, de volonté, de passion, de prise de risque... j'ai l'impression que les femmes, et je vous jure que ce n'est pas une exploitation [que de dire ça], mais j'ai l'impression qu'elles sont infatigables. Parce que leur coeur est peut-être plus gros et qu'elles ont envie d'aller jusqu'au bout de pleins de choses.

    La série offre aussi un regard sur le monde des grandes entreprises mais surtout sur celles qui gèrent le traitement des déchets. C'est un sujet actuel mais qui n'est pas beaucoup  développé à la télévision. Est-ce que ça vous a aussi intéressé ?

    Ca m'a plu. Où est ce qu'on stocke cette toxicité qui, un jour, va ressortir. Qu'est-ce qu'on en fait ? A quoi on pense quand on fait ça ? Quelles sont les portes de sortie si un jour ça sort. Où est-ce qu'on va les mettre, qu'est-ce qu'on va en faire ? Est-ce qu'ils sont aussi dangereux qu'on le dit ? Quoi qu'il arrive, c'est un marché, c'est un métier. Le problème dans les déchets toxiques, c'est que ça touche les populations et, qu'à partir de ce moment-là, il faut prendre ce problème extrêmement au sérieux, bien le gérer et surtout ne pas en faire n'importe quoi. Donc, forcément c'est un sujet qui m'intéresse et qui me passionne et qui peut être une paranoïa pour certains, une évidence pour d'autres mais aussi une connaissance, celle des gens qui gèrent ces déchets et qui disent : "Ecoutez on ne fait pas n'importe quoi non plus." Mais, un jour ils vont ressortir ces déchets et, un jour, tout va ressortir. Ca peut prendre 1000 ans, 2000 ans, on ne sait pas.

    © Daniel Angeli/France 2

    C'est plutôt angoissant...

    Bien sûr. On a voulu construire avec les auteurs, avec Xavier et avec tout le cast, quelque chose qui procure une angoisse sans procurer non plus une paranoïa quotidienne. On connait le problème. Est-ce qu'on sait le gérer...

    Est-ce que la fin de la saison 1 appelle une saison 2 ?

    En tout cas, la saison 2 est en écriture. Maintenant, on attend le soir de la diffusion avec hâte, pour savoir si la saison 2 sera activée. On verra...

    Vous avez hâte de voir la réaction du public ?

    Oui, bien sûr, j'ai hâte. Pour l'instant, la série est extrêmement bien reçue, je dirais même mieux que ça. En 30 ans de carrière, je n'ai jamais vu un tel engouement pour quelque chose, de telles critiques. Je prends du plaisir à le faire pour essayer de communiquer ce plaisir aux gens. S'ils prennent du plaisir, ça c'est ma récompense.

    Après une aussi longue carrière, est-ce que c'est important pour vous que les critiques aussi soient positives. Ca fait du bien tout de même ?

    Ca fait du bien quand la critique est aussi unanime qu'elle peut l'être [dans le cas présent]. Après, je vous le dis franchement, en moyenne, je ne lis pas les critiques. C'est le public qui décide.

    Vous continuez à tourner aux Etats-Unis et dernièrement, on vous a vu dans la série policière "NCIS LA". Parlez-nous un peu de votre personnage...

    Je jouais le rôle de quelqu'un qui n'a aucun état d'âme mais qui, par contre, a une sensibilité. Quand on apprend dans l'un des épisodes de la série qu'il a une fille, on s'aperçoit qu'en fin de compte, dans toute sa démarche d'homme d'affaire prêt à tuer père et mère pour des questions financières, d'un coup, il a une fille qui compte pour lui. C'est un personnage très intéressant.

    "NCIS Los Angeles" © CBS Broadcasting Inc.

    C'est un personnage qui pourrait revenir à l'avenir ?

    Il n'est toujours pas mort, donc pourquoi est-ce qu'il ne reviendrait pas ?

    Et que pensez-vous des séries américaines ?

    Super bien faites, super carrées, très bien écrites et construites, très bien produites. Mais, vous savez, on y arrive très bien en France aussi, comme en Angleterre. C'est la raison pour laquelle j'ai accepté La Source.

    Quel est le dernier film à vous avoir marqué au cinéma ?

    Bonne question... C'est un film qui n'est pas si récent que ça, qui doit avoir 3 ou 4 ans et qui s'appelle Green Zone avec Matt Damon. Il traite de la 2ème Guerre en Irak et de la recherche impossible, puisqu'ils n'existaient pas, des déchets toxiques et des armes nucléaires. Et on s'aperçoit, en fin de compte, de toute la magouille politique qu'il y a autour de ça, toute la magouille financière, toute la conviction d'un Président qui dit qu'ils sont là et qu'il faut les trouver, alors qu'ils n'y sont pas. Et de la manière d'avouer du chef des armées de Saddam Hussein qui dit : "Mais les mecs, vous vous êtes fait balader, ça fait depuis 1990 qu'il n'y a plus d'armes chimiques en Irak." On se pose donc des questions sur l'inutilité de tout ça. C'est un film que j'ai beaucoup aimé.

    Quels sont vos projets à venir ?

    Je viens de finir un film américain qui s'appelle The Electric Slide, qui est une comédie dramatique sur l'histoire d'un jeune mec de 30 ans qui, du jour au lendemain, pète les plombs et attaque 60 banques en 90 jours en Californie du Sud avec un pistolet en plastique. Moi, je joue un mafieux qui lui court après parce que je lui ai filé du pognon pour le financer, sans savoir que je finançais ses opérations de gangstérisme et qui lui dit : "Quoiqu'il arrive, faut que tu me le rendes !" Ca se passe dans les années 80, donc j'ai le costume à fleurs et tout... Et puis les personnages sont très hauts en couleur. Jim Sturgess joue le jeune mec, il y a aussi Chloë Sevigny, Patricia Arquette et une pléïade d'autres rôles...

    Propos recueillis par Raphaëlle Raux-Moreau

    Le 20 septembre, lors du Festival de la Fiction TV de la Rochelle

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