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    Quand les talents du cinéma prennent la plume...Vol.2 !

    Lorsque les talents du cinéma prennent la plume pour écrire, ça donne une prose parfois étonnante, lucide, cruelle, drôle ou émouvante. Après notre premier dossier sur le sujet, voici de nouveaux exemples.

    D.R.

    « Des moments de paix, d'abandon, nous en avons eu aussi ensemble, Patrick»

    Patrick Dewaere, tragiquement disparu le 16 juillet 1982, était un acteur fétiche des années 70, connu notamment pour ses rôles dans Série Noire ou Les Valseuses. Dans ce film réalisé par Bertrand Blier, il partage l'affiche avec Gérard Depardieu. Six ans après le décès de son ami, Depardieu lui rend hommage dans cette lettre post-mortem; un éloge poignant et révélateur de la profonde camaraderie qui unissait les deux hommes.

    Cher Patrick,

    En ce moment, on n'arrête pas de nous bassiner avec l'anniversaire de mai 68. Vingt ans après. Après quoi ! Une émeute de jeunes vieux cons, voilà ce qu'on pensait tous les deux, des batailles de boules de neige…

    Cette drôle de révolution aura au moins permis de changer les uniformes des flics, et à Bertrand Blier de tourner Les Valseuses ! Ce fut un véritable pavé lancé à la vitrine du cinéma français. Avec Miou-Miou, nous avions fait sauter les derniers tabous. Les Valseuses ! C'était notre bohème à nous, un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître. Qu'est-ce qu'on a pu faire chier Bertrand sur ce coup. On ne dormait pas, on débarquait au petit matin sur le plateau avec des têtes de noceurs, de débauchés. On était heureux comme des cons, comme des enfants faisant l'école buissonnière. C'était la grande voyoucratie, un mélange d'inconscience et d'insouciance. On piquait la D.S. et en avant la corrida nocturne. C'étaient de drôles de nuits. On avait l'impression de travailler, d'étudier nos rôles, de répéter pour le lendemain. Ben voyons ! (…)

    Comme Romy Schneider tu confondais ta vie et le métier d'acteur. Tu supportais mal les duretés de ce milieu. Tu étais sensible, sans défense, presque infirme devant le monde. Je te voyais venir avec toutes ces mythologies bidons autour du cinéma, de James Dean ; cela te plaisait, ce romantisme noir et buté. Tu la trouvais belle la mort, bien garce, offerte. Il fallait que tu exploses, que tu te désintègres. Tu « speedais» la vie. Tu allais à une autre vitesse, avec une autre tension. Ce n'est pas tellement que tu n'avais plus envie de vivre, mais tu souffrais trop, de vivre. Chaque jour, tu ressassais les mêmes merdes, les mêmes horreurs dans ton crâne. A la fin, forcément, tu deviens fou. Dans Série Noire, tu te précipitais contre le pare-brise de ta voiture. J'ai toujours mal en repensant à cette scène. J'ai l'impression d'un film testamentaire. Tu te débats, tu te cognes contre tous les murs. Il y avait l'agressivité désespérée, l'hystérie rebelle de Série Noire. Il y avait aussi la résignation accablée du Mauvais Fils. Ces deux films, c'est toi. (…)

    Je te le dis maintenant sans gêne et sans en faire un drame, j'ai toujours senti la mort en toi. Pis, je pensais que tu nous quitterais encore plus vite. C'était une certitude terrible que je gardais pour moi. Je ne pouvais rien faire. J'étais le spectateur forcé de ce compte à rebours...

    [...]

    Source : Gérard Depardieu, Lettres volées, Ed. J.-C. Lattès, Le Livre de Poche, 1988

    Lire la lettre en intégralité sur le site desLettres

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