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    Journée mondiale de la femme : 5 grandes dames du cinéma que vous ne connaissez peut-être pas
    Olivier Pallaruelo
    Olivier Pallaruelo
    -Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
    Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

    Elles sont réalisatrices, productrices, monteuses, comédiennes ou costumières. Elles ne sont pas toujours connues du grand public. Hommage à cinq dames illustres du 7e Art à l'occasion de la journée de la femme.

    Thelma Schoonmaker, la monteuse de légende

    "Le monteur est l'auteur final du film" disait le grand David Lean. A l'heure où les logiciels de montage comme Final Cut Pro, Adobe Premiere ou Avid permettent de faire à peu près tout et n'importe quoi, il fut un temps -jusqu'au milieu des années 1990 en fait- où tous les films étaient montés à la main. Dans cet exercice délicat, des femmes de légendes ont occupé ou occupent cette place de choix.

    Arthur Penn ne serait sans doute pas le cinéaste qu'il a été s'il n'avait pas travaillé avec sa monteuse fétiche, l'immense Dede Allen. C'est à elle que l'on doit les brillants montages de Bonnie and Clyde, mais aussi Un après-midi de chien ou Serpico de Sidney Lumet pour ne citer qu'une poignée de films. Woody Allen a travaillé avec deux monteuses de renoms, Alisa Lepselter et Susan E. Morse. Tarantino a travaillé avec la grande et regrettée Sally Menke. Et puisque l'on parlait de David Lean, c'est également une grande dame du cinéma qui a monté son chef-d'oeuvre absolu Lawrence d'Arabie : Anne V. Coates, récompensée à juste titre par un Oscar pour son travail. Toujours en activité malgré ses 90 ans, elle vient même de signer le montage de Cinquante nuances de Grey.

    Martin Scorsese lui, entretient une relation quasi fusionnelle depuis près de 50 ans avec une autre monteuse de légende : Thelma Schoonmaker. "Thelma est LA femme en qui j'ai confiance" se plaît-il à dire à son propos. Petite ironie savoureuse : elle fut citée sept fois à l'Oscar du meilleur montage, et remporta trois statuettes. La première pour un montage et un film entré dans la légende du 7e art : Raging Bull; là où Scorsese devra attendre 26 ans avant de remporter son premier Oscar comme meilleur réalisateur pour Les Infiltrés.

    Elégante septuagénaire à la voix douce et aux cheveux gris, Thelma Schoonmaker a rencontré Scorsese en 1967 à la New York University. Cette année-là, elle signe son premier montage pour Marty qui, lui, réalise son premier film, Who's That Knocking at My door. En 1970, son travail sur le documentaire Woodstock redéfinit les films de concerts, avec ses écrans Split-screens et son look psychédélique. Dix ans plus tard, son travail atteint déjà les sommets avec Raging Bull, sur lequel elle multiplie avec la bénédiction de Scorsese les arrêts sur images -qui deviendront une marque de fabrique-, Jump Cut, vitesse variable de l'image et autres juxtapositions. Magnifié par la fantastique photo signée Michael Chapman, le résultat est même déjà visible dans la bande-annonce :

    Depuis, elle a monté tous les films de Scorsese, jusqu'au Loup de Wall Street. "Marty est tellement expérimenté et talentueux sur l'écriture et le montage qu'il n'a pas vraiment besoin de mes conseils" dit-elle. "Il y a beaucoup de raisons pour lesquelles il est un si bon cinéaste et monteur. Quand il écrit, il pense déjà au montage. Ce qui signifie aussi qu'il y aura moins de temps de tournage, parce qu'il sait déjà là où il pourrait faire des coupes, car il sait que nous pourrons gérer ça ensemble. J'aimerai d'ailleurs que les réalisateurs connaissent mieux le montage, parce que c'est une étape cruciale. Au final, on me porte le crédit d'un travail que Marty réalise aussi".

    TCM

    Son travail, intense, peut durer six à neuf mois, parfois jusqu'à onze heures par jour. Scorsese est toujours là, avec elle, à regarder par-dessus son épaule. Dans la pièce où elle travaille, Scorsese allume toujours un poste de TV qui diffuse la chaîne TCM, spécialisée dans les classiques et films de patrimoines. Juste l'image, pas le son. Parfois, Marty et Thelma s'arrêtent et regardent la TV, pour s'inspirer d'une idée de montage du film en cours de diffusion. Avec un réalisateur aussi cinéphile, elle a tout le temps l'impression d'apprendre.

    "Quand je monte, sa première réaction est la plus importante, parce qu'elle est très critique et franche" dit-elle; "De Niro est comme ça aussi. Tous les deux sont brutalement honnêtes sur leur travail. Ils n'ont aucun ego à protéger".

    Exemple rare et magnifique de collaboration artistique fusionnelle dans le 7e art, Thelma Schoonmaker ne tarie pas d'éloges sur Scorsese, et a aussi le triomphe modeste. Très modeste même. "C'est merveilleux de travailler avec les images de quelqu'un qui comprend aussi bien votre travail". Elle est tellement convaincue de cela qu'elle a même cherché plusieurs fois à lui donner l'Oscar qu'elle a gagné sur Raging Bull. En vain.

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