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    Les Initiés : "Certaines remarques homophobes étaient réelles, pas jouées."
    Vincent Garnier
    Vincent Garnier
    -Rédacteur en chef
    Cinéphile omnivore, Vincent « Michel » Garnier se nourrit depuis de longues années de tous les cinémas, sans distinction de genres ou de styles. Aux côtés de Yoann « Michel » Sardet, il supervise la Rédac d’AlloCiné et traque les Faux Raccords.

    Avec "Les Initiés", John Trengove plonge dans le secret des cérémonies rituelles d’initiation du peuple Xhosa en Afrique du Sud. Rencontre autour d'un film choc et tabou.

    Pyramide Distribution

    AlloCiné : Le public européen ne vous connaît pas très bien encore. Comment résumeriez-vous votre parcours dans le cinéma ?

    John Trengove : Les Initiés est mon premier long métrage. Avant ça, j'ai travaillé au théâtre, à la télévision, et j'ai réalisé des courts métrages. Mon précédent court, Ibhokwe, a été présenté au Festival de Berlin en 2014.

    "Les Initiés" met en lumière les cérémonies rituelles d’initiation des adolescents du peuple Xhosa. Quelle est l'importance de ce rituel ?

    C'est l'événement le plus important dans la vie d'un homme Xhosa. Ceux qui ne parviennent pas à aller au bout ne sont pas considérés comme des hommes dans cette culture.

    Quel a été votre processus de documentation et de recherches en amont de l'écriture ?

    J'ai rencontré énormément d'hommes qui avaient été confrontés à ce rituel, et j'ai écouté leurs histoires. J'ai rassemblé autant de témoignages que possible. C'est quelque chose que j'ai continué à faire durant la phase de casting : quand nous faisions passer une auditions à des adolescents, nous tenions à écouter le témoignage de leur expérience personnelle de cette initiation. J'ai également travaillé avec des co-scénaristes xhosa et nous avions des consultants sur le tournage. Tous les hommes qui ont participé au film apportaient leur propre expérience de cette initiation.

    ​​Vous traitez de l'homosexualité dans votre film. Une question qui relève d'un véritable tabou chez le peuple Xhosa...

    Dans un contexte rural et "traditionnel", c'est vrai. L'homosexualité est considérée comme une pratique que l'on doit laisser derrière soi en devenant un homme. Après l'initiation, on attend de vous que vous ayez une femme et que vous fassiez des enfants. Pour beaucoup d'hommes, c'est une vraie crise dans leur vie. Ils doivent vivre dans le déni, ou alors quitter leur communauté pour vivre ouvertement leur homosexualité. C'est de là qu'est né le personnage de Xolani. En imaginant la vie de quelqu'un qui doit dissimuler ses désirs les plus forts.

    Justement, incarner un homosexuel, était-ce un problème pour votre acteur principal ?

    Nakhane Touré est une star ouvertement homosexuelle en Afrique du Sud, donc ça n'a pas été un problème pour lui, même s'il a été confronté à beaucoup de critiques et d'hostilité sur les réseaux sociaux. C'est un artiste courageux et dévoué, qui inspire beaucoup de gens.

    La plupart de vos comédiens sont non-professionnels : comment les avez-vous dirigés ?

    Il y avait quelques acteurs professionnels, comme Bongile Mantsai, mais pour la plupart c'était leur première expérience devant une caméra. Chacun a joué un personnage très proche de lui, confronté à des situations familières. C'est la chose la plus importante à faire avec des acteurs non-professionnels. Cela a aidé que chacun soit issu du peuple Xhosa et porte sa propre expérience de l'initiation. Personne n'a dû imaginer des situations qu'il ne connaissait pas.

    Dès lors, vous avez dû laisser vos acteurs beaucoup improviser...

    Oui, c'était impératif que les acteurs nourissent le film avec la richesse de leurs histoires, notamment dans les scènes de groupe. Certaines remarques homophobes des acteurs secondaires étaient réelles, pas jouées. Nous les avons encouragés à réagir comme ils le souhaitaient aux situations.

    Avez-vous pensé à tourner un documentaire au lieu d'une fiction ?

    Non. Je suis un raconteur d'histoires, et j'apprécie trop l'imagination. Le film traite de choses qui se produisent sous la surface de la vie quotidienne : je n'aurais pas pu montrer ça à travers un documentaire.

    Votre film se déroule en extérieur, mais vous ne filmez jamais la beauté des paysages. Ce choix renforce l'impression de huis-clos...

    Nous avions une règle d'or : "Pas de National Geographic !". Les personnages se moquent de la beauté de ces paysages, donc cela n'aurait pas été authentique de montrer ça au public. L'histoire parle avant tout des corps de ces personnages, et de la signification de ces corps dans cette société : nous devions donc rester le plus proche possible d'eux.

    Comment le public et les critiques sud-africains ont-il réagi à votre film ?

    Nous n'avons pas encore projeté le film publiquement en Afrique du Sud, mais il suscite déjà la polémique. En partie à cause de l'aspect sacré du rituel, en partie à cause du propos sur l'homosexualité, et en partie car je suis étranger à cette culture. Parallèlement, nous recevons beaucoup de messages de la communauté LGBT qui est enthousiaste vis à vis du fait que ce film existe. Je pense qu'il suscitera des retours très tranchés quand il sortira.

    "Les Initiés, en salles le 19 avril

     

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