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    On a 20 ans pour changer le monde, terrible cri de détresse sur l'état de notre agriculture
    Olivier Pallaruelo
    Olivier Pallaruelo
    -Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
    Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

    En salle ce mercredi, le documentaire "On a 20 ans pour changer le monde" dresse un constat dramatique pour l'agriculture à l'échelle planétaire : 60% des sols sont morts. L'occasion de vous conseiller 3 oeuvres autour du même thème, complémentaires.

    Paname Distribution

    On a 20 ans pour changer le monde. Le titre du documentaire signé Hélène Medigue, qui sort en salle ce mercredi, résonne comme un terrible cri d'alarme. Un de plus, alors que tous les voyants sont déjà au rouge vif, à l'heure où les scandales sanitaires se multiplient dans le monde de l'agriculture, en raison de l'usage massif des pesticides qui finissent par stériliser complètement les sols. Car tout commence par la terre qui nous nourrit. Le constat est là, terrifiant : 60 % des sols sont morts, et le mode de production actuel ne nourrit pas la planète.

    "Pourquoi les agriculteurs en France vont si mal ? L’industrialisation de notre agriculture est née pour de mauvaises raisons, ce modèle de production ne fonctionne plus et pourtant on continue. On marche sur la tête ! L’état de notre agriculture peut être le reflet de certains dysfonctionnements de notre société et impacte directement des valeurs qui sont essentielles à notre condition" explique la cinéaste. Et d'ajouter : "Comment l’être humain, à cause de son inconscience et sa « toute-puissance » technologique, peut-il ainsi se désynchroniser de la nature, notre bien le plus précieux ? Je ne sais pas si on a 20 ans pour changer le monde, je suis juste convaincue que dans 20 ans il sera peut-être trop tard ! Je veux montrer, à travers ce film, que nous sommes tous interdépendants, que c’est une force, une énergie inépuisable, le contraire de l’individualisme qui rend le monde injuste et fou".

    Ci-dessous, la bande-annonce du documentaire...

    Le problème du dramatique appauvrissement des sols n'est évidemment pas nouveau. Claude Bourguignon, fameux ingénieur agronome français, ancien collaborateur de l'INRA, fut parmi les premiers, dans les années 1970, à avoir alerté sur la dégradation rapide de la biomasse et de la richesse des sols en micro-organismes (bactéries et champignons microscopiques), ainsi que sur la perte d'humus et de capacité de productivité des sols agricoles européens, ou des sols auxquels on appliquait les mêmes méthodes en climat tropical ou subtropical. Il a contribué à développer des techniques alternatives qui se sont avérées très efficaces, mais qui demandent une bonne technicité et connaissance du fonctionnement écologique des sols. Depuis plus de 25 ans, il est porteur d'un discours qui dérange dans le milieu agricole français. Et pour cause : moins on travaille la terre, plus elle est fertile...

    Regardez l'analyse qu'il fait. C'est édifiant... et désespérant :

    On a 20 ans pour changer le monde révèle des hommes et des femmes qui démontrent que l'on peut se passer des pesticides et des intrants chimiques pour toute notre alimentation. Grâce à leur énergie communicative qui bouscule les discours et les habitudes, un autre monde est possible. Encore faut-il le vouloir réellement.

    Voici trois documentaires autour de cette thématique, complémentaires au film d'Hélène Medigue, si le sujet vous intéresse et que par extension vous vous intéressez à ce qu'il y a dans votre assiette.

    Le monde selon Monsanto (2008)

    Alors que la Commission Européenne vient tout récemment de débattre sur le renouvellement de la licence accordée pour l'usage du glyphosate, tandis qu'une enquête du "Monde" a montré comment le géant des produits phytosanitaires a contré les études sur la dangerosité de ce pesticide, composant de l'herbicide Roundup, il est urgent de voir ou revoir le formidable documentaire de Marie-Monique Robin consacré à la multinationale américaine, et les produits fabriqués et commercialisés par cette compagnie au cours de son histoire, des PCB aux OGM en passant par l'agent orange, l'hormone de croissance bovine, ou l'herbicide Roundup.

    La première partie du documentaire aborde les condamnations judiciaires de Monsanto. Elle expose d'abord le problème de la pollution au PCB (commercialisé en France sous le nom de Pyralène) par une usine de Monsanto (en fait sa filiale Solutia Inc) à Anniston en Alabama (États-Unis), pollution qui a causé et cause encore aujourd'hui de nombreuses victimes parmi la population de la ville, majoritairement noire, dont le taux de cancer est anormalement élevé. Il est reproché à Monsanto d'avoir contaminé l'eau, la terre (déchets contaminés déposés dans une décharge à ciel ouvert située sur le site de production, proche de quartiers résidentiels) et l'air d'Anniston, et d'avoir caché la nocivité des rejets de PCB à la population pour ne pas perdre d'argent, alors qu'elle était au courant de cette nocivité, comme le prouvent des notes internes de l'entreprise.

    L'enquête menée par Marie-Monique Robin examine les autres produits créés et exploités par Monsanto et leurs conséquences sur l'environnement et la santé : les dioxines comme l'agent orange de la guerre du Vietnam (et ses effets sur les populations encore aujourd'hui : cancers, malformations congénitales...), les PCB (et leurs différentes pollutions), les hormones de croissance bovines (qui sont interdits en Europe).

    Histoire d'enfoncer un peu plus le clou, le film continue en s'intéressant à la question de la toxicité de l'herbicide Roundup, qui avait été présenté par l'entreprise comme respectueux de l'environnement. En janvier 2007 d'ailleurs, Monsanto a été condamnée par le tribunal de Lyon pour publicité mensongère concernant son produit Roundup, qualifié de biodégradable.

    Autant dire que le dossier concernant la multinationale est particulièrement chargé...

    Pierre Rabhi : au nom de la Terre (2013)

    Ce documentaire signé Marie-Dominique Dhelsing est consacré à Pierre Rabhi. Paysan d'origine algérienne, écrivain et penseur, il est l’un des pionniers de l’agro-écologie en France, aujourd’hui reconnu comme expert international pour la sécurité alimentaire. Il a d'ailleurs participé à l’élaboration de la Convention des Nations Unies pour la lutte contre la désertification. Amoureux de la Terre nourricière, engagé depuis quarante ans au service de l’Homme et de la Nature, il appelle aujourd’hui à l’éveil des consciences pour construire un nouveau modèle de société où « une sobriété heureuse » se substituerait à la surconsommation et au mal-être des civilisations contemporaines.

    Des Abeilles et des Hommes (2013)

    Voilà un formidable documentaire tout à fait complémentaire de celui cité au-dessus. Il y a soixante ans, Einstein avait déjà insisté sur la relation de dépendance qui lie les butineuses à l’homme : "Si l’abeille disparaissait du globe, l’homme n’aurait plus que quatre années à vivre". Certes, le frelon asiatique fait depuis des années des ravages parmi les colonies d'abeilles, causant la ruine de nombreux apiculteurs. Mais il y a un autre ennemi mortel pour les abeilles, tout aussi sournois : les épandages de pesticides dans les champs, puissants agents neurotoxiques, qui finissent par les tuer.

    Entre 50 et 90% des abeilles ont disparu depuis quinze ans. Cette épidémie, d’une violence et d’une ampleur phénoménale, est en train de se propager de ruche en ruche sur toute la planète. Arrivée sur Terre 60 millions d’années avant l’homme, l’Apis mellifera (l’abeille à miel) est aussi indispensable à notre économie qu’à notre survie. Aujourd’hui, 80% des espèces végétales ont besoin des abeilles pour être fécondées. Sans elles, pas de pollinisation, donc pratiquement plus de fruits, ni légumes. Avec la disparition des abeilles, on en arrive même à créer des robots pollinisateurs qui devront être capables de remplacer les abeilles dans cette tâche. C'est le but du programme Robobee développé par les ingénieurs d'Harvard depuis 2009.

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