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    Alexandre Astier sur Astérix : "ce qui se passe aujourd'hui avec le CGI est très impressionnant pour Uderzo"
    Corentin Palanchini
    Passionné par le cinéma hollywoodien des années 10 à 70, il suit avec intérêt l’évolution actuelle de l’industrie du 7e Art, et regarde tout ce qui lui passe devant les yeux : comédie française, polar des années 90, Palme d’or oubliée ou films du moment. Et avec le temps qu’il lui reste, des séries.

    Pour la sortie Blu-ray DVD d'"Astérix et le Secret de la potion magique", rencontre avec Alexandre Astier et Louis Clichy avec lesquels nous avons évoqué les innovations de leur nouvelle aventure animée d'Astérix et Obélix.

    AlloCiné : Comment convint-on Albert Uderzo de créer une histoire inédite d'Astérix ? C'est la première fois que cela arrive dans l'histoire de cette BD :

    Alexandre Astier : [Uderzo] est comme un papa avec sa progéniture, il fait attention mais il a envie qu'il lui arrive des choses du mieux possible. Il est tout autant précautionneux que motivé. Je n'étais pas là quand il a vu le film mais je crois qu'il a été touché.

    Louis Clichy : Oui, très touché. On avait une histoire qui était un peu compliquée, qui amène de la temporalité et qui parle du lendemain dans [un univers] qui est plutôt figé. C'était notre crainte au début, mais finalement il a apprécié l'histoire. Il fallait effectivement que l'on fasse attention à certaines choses. Il y a toujours eu la question de se dire comment Panoramix était quand il était jeune, on empiétait sur des choses qui n'étaient pas dites et créées [dans les bandes-dessinées]. Mais il a aussi apprécié le film car nous avons réussi à garder l'esprit malgré une histoire originale.

    AA : En plus de ça Uderzo c'est quelqu'un qui a 91 ans, son monde c'est le dessin classique, qui a rêvé de studio, qui a rêvé de Disney. Il a créé son propre studio en France...

    LC : Le studio Idéfix.

    AA : Et je pense que ce qui se passe aujourd'hui avec le CGI et ce que fait Louis fait avec ses équipes, je pense que c'est très impressionnant pour lui une immersion dans ce type de dessins, dans ce type de calculs et de rendu. Car comme dit souvent Louis il ne faut pas que ça rende jeu vidéo, il faut que ça garde un trait graphique et pas d'ordinateur. Et j'ai toujours vu Uderzo hyper intéressé, précis et plein de questions vis-à-vis de tout ça avec Louis.

    SND

    Est-ce qu'il a été surpris par le sujet du film, qui parle de la succession de Panoramix, qui pourrait être perçue comme la succession à lui-même, est-ce que c'était facile pour lui de recevoir un tel scénario ?

    AA : Je ne sais pas trop, il faudrait lui demander. Je ne sais pas trop s'il a fait le pont entre la succession, la sienne, pas la sienne... Parce qu'il n'y a pas de succession, il faut juste que ça continue de vivre. Et ça vit de toute façon, il fait attention à tout, du parc Astérix au BD à tout ce qui sort... Je ne crois pas que ce soit ça qui soit compliqué, je pense que ce qui l'est c'est l'outil scénario, qui n'est pas très parlant. Ça fait très peur un scénario. Même quand on a l'habitude d'en voir, d'en écrire et d'en lire, lire le scénario d'un autre ce n'est pas parlant (...). Les gens qui disent "j'ai l'habitude d'en lire, je comprends tout" ce n'est pas vrai. C'est difficile de se mettre dans la tête d'un auteur quand on lit ce truc-là. Et moi-même quand j'écris, j'ai beau tartiner des didascalies pour expliquer ce que je veux faire ce n'est jamais si simple que ça. Donc dès qu'on en est à l'animatique, Louis fait dessiner des choses, mets des pré-montages et les inquiétudes d'avant souvent se dissipent parce qu'on entend les voix, on voit ce qui va se passer et que ça prend corps, bien plus qu'à l'écrit.

    Vous revenez au mythe du druide celte qui peut marcher sur les arbres, c'est une réelle nouveauté d'introduire de la magie dans le monde d'Astérix. Elle était jusque-là cantonnée aux contenus des marmites...

    AA : La magie est un peu introduite par le méchant, en fait. Le méchant est un druide qui s'est autorisé quelques écarts dans ses pratiques comme l'hypnose, la manipulation du feu, ça reste "élémental" comme on dit dans le jeu de rôles, c'est la pierre, l'eau, le feu, c'est un peu ces éléments-là et les ingrédients que bricole un druide, du moins dans ma tête. Et sur le début [la scène de marche dans les airs], on a dit à Louis qu'on allait dans l'intimité de Panoramix, dans un truc qui normalement est secret qui est "comment il fait pour cueillir le gui ?" et qu'il n'aurait aucune vieillesse (il saute, il est agile, danseur, pistolero), ça valait le coup de foncer là-dedans et de faire une intro muette qui présente ça.

    SND

    LC : Ce sont des thèmes qui ne sont pas forcément hyper intéressants à faire en BD pour le coup. C'est tout l'intérêt de passer à l'animation. De la même façon qu'on durait un peu sur les sangliers dans [Le Domaine des Dieux] car une chasse aux sangliers c'est une case dans les albums et qu'on extrapolait là-dessus, là on se demande "c'est quoi en fait cueillir du guy ?" On a donc fait une vraie chorégraphie et on s'est bien amusés.

    Ça m'a fait penser au Tarzan de Disney, lors de la scène de glissade.

    LC : C'est très drôle que vous disiez ça car il y a un de mes story-boarder David Berthier qui a travaillé sur Tarzan. Le film s'est fait à Montreuil dans les studios Disney quand ils existaient encore et il a fait de l'animation là-bas. Et je lui ai dit qu'il pourrait faire un petit clin d’œil. C'est assez marrant que vous le voyiez car il y a un plan effectivement qui fait très Tarzan où le mec essaye de glisser un peu.

    Comment se répartissent les tâches entre vous deux, depuis le premier film ?

    LC : Il y a eu une première version du scénario puis il y a eu des allers-retours. On se voyait souvent, Alexandre écrit beaucoup aussi dans son coin car je pense que c'est là que les choses arrivent. Et on faisait aussi beaucoup de dessins pour expliquer des choses, trouver des idées. Il y a des choses qui viennent parce que visuellement il y a un truc intéressant. Par exemple sur la fin, qu'on ne révélera pas, et qui ont donné des idées à Alexandre qui ajoute des choses, parfois inversement. Mais je gère plutôt le story-board et la mise en scène. Alexandre a beaucoup géré les comédiens. Nous avons fait le montage ensemble. On briefait les animateurs et je les gérais jusqu'à l'image finale.

    SND

    AA : Dans le scénario, il y a des choses qui viennent de Louis avant même qu'il soit écrit ! Le truc de la fin, il m'en a parlé très très tôt. (...) Et il y a eu des retours sur le thème du film. Le thème du film c'est un guide. Quand on hésite, il faut se raccrocher à la phrase de base. Il y a même des trucs fondamentaux qui ont été résolus très tard.

    LC : Il y a aussi des choses qu'on a laissé en cours de route, peut-être à regret car il faut faire un film avec un timing très serré, une durée assez courte.

    1h25, c'était court ?

    AA : Oui ! Et quand on se lance dans une épopée qui fait périple, avec des choses parallèles qui se passent, et avec 80 minutes c'est serré. Il y a des choses qu'il a fallu élider.

    LC : Mais peut-être pour le bien !

     

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