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    Un beau voyou : "La seule chose que j'ai visée, c'était le rien", explique Swann Arlaud à propos de son personnage mystérieux

    Dans "Un beau voyou", Swann Arlaud incarne un monte-en-l'air mystérieux qu'il a dû jouer avec beaucoup de neutralité. Césarisé en février pour "Petit paysan", l'acteur revient sur cette approche.

    Auréolé de son César du Meilleur Acteur pour Petit paysanSwann Arlaud quitte la ferme pour les toits de Paris où se déoule une partie de l'action d'Un beau voyou, comédie policière signée Lucas Bernard dans laquelle il est confronté à Charles Berling et ne cesse de nous désarçonner grâce au mystère qui l'entoure. Mais comment compose-t-on un tel personnage, qui frappe avant tout par sa neutralité ?

    AlloCiné : Quand on lit le synopsis du film, il est dit que le personnage de Charles Berling va partir sur les traces d'un "voleur atypique, véritable courant d'air, acrobate à ses heures", ce qui est une description belle et étonnante. Est-ce ainsi que l'on vous a présenté le rôle ?

    Swann Arlaud : C'était il y a si longtemps... On a tourné le film il y a un an et demi et je crois que nous avons commencé à en parler il y a trois ans. Mais il y avait cette idée de monte-en-l'air mystérieux et qui navigue entre plusieurs identités. Comme un gentleman cambrioleur moderne.

    Ça donne une approche physique, un côté athlétique au personnage. Qu'avez-vous dû travailler pour le préparer ?

    Très vite Lucas, pour rentrer dans le film et faire connaissance, m'a emmené à l'escalade. À MurMur, la salle de Pantin. Je m'y suis mis mais, comme j'ai le vertige, j'ai arrêté et je suis allé à Montreuil, chez Arkose, où c'est du bloc, donc moins haut. Après, pour être honnête, je ne peux pas non plus dire que je suis devenu un pro de l'escalade ou que j'y ai passé cinq jours par semaine. Il y avait quand même un cascadeur pour faire la doublure sur les trucs les plus costauds, mais je suis un peu rentré dans le film à travers l'escalade.

    Dès qu'il y a une caméra, on se sent bizarrement invincible

    Les scènes sur les toits de Paris ont-elles été vraiment tournées sur place ?

    Oui, c'était sur les toits de Paris. Toutes les scènes qui s'y déroulent y ont vraiment été tournées. Mais c'était extrêmement sécurisé : on était tous encordés, il y avait des cascadeurs. Il y a quand même un truc assez idiot, c'est que dès qu'il y a une caméra, on se sent bizarrement invincible. C'est un drôle de truc.

    Peut-on dire que c'est votre rôle le plus physique ?

    Non car le tournage sur les toits de Paris nous a pris deux nuits, ce qui représente assez peu de temps par rapport au reste. Le plus physique c'était celui de Petit paysan : j'ai pris dix kilos en faisant six mois de sport car j'étais tout maigrichon - et je le suis redevenu d'ailleurs (rires) Mais Un beau voyou n'était pas si physique que cela.

    L'autre aspect marquant du personnage, c'est que le synopsis décrit par "courant d'air" : il est fuyant et même très neutre dans la première partie du récit. Est-ce plus difficile de jouer un rôle qui demande de ne rien exprimer de la sorte ?

    Oui mais c'est ce qui était amusant, c'était l'enjeu : se dire que s'il y a plusieurs identités, plusieurs métiers, plusieurs personnages possibles, il ne fallait pas jouer ces différents personnages mais, au contraire, n'en jouer aucun. Et donc de faire rien. D'être illisible. C'est difficile mais, pour moi, le personnage c'était ça, cette neutralité. Même si on n'est jamais totalement neutre car on vient avec sa propre tronche et sa manière de se déplacer. Mais j'ai essayé d'être dans le rien le plus possible.

    Pyramide Distribution

    Lui avez-vous inventé un passé, au-delà de celui qui est raconté dans l'une des scènes ?

    Non rien, justement. J'ai toujours du mal à le dire, mais j'aime bien faire des choses concrètes et rentrer dans un personnage. Et là moins je travaillais, mieux c'était. On a fait du travail à la table, sur le texte et les dialogues, mais sur le personnage lui-même, je ne me suis rien raconté, ni de son passé, ni de son futur. Moins j'en savais et moins j'allais prendre en charge quoi que ce soit. La seule chose que j'ai visée, c'était le rien.

    Cela permet que chaque scène remette la précédente en question. On pense savoir quelque chose, et finalement non. La seule chose qui paraît acquise c'est que votre personnage est le voleur, car on le ressent clairement dès le début, et la révélation devient alors moins importante que le mystère qui entoure le personnage.

    Oui, complètement.

    Bertrand devient plus expressif dans la seconde partie, ce qui a dû être un soulagement pour vous, en vous permettant de vous lâcher un peu plus.

    Oui et ce qui était agréable c'est les scènes comme celle où je fais l'agent immobilier, ou celle avec l'avocat à la fin : des moments où il y avait un truc pas neutre du tout à jouer. Et c'était d'autant plus plaisant qu'il fallait le jouer, mais dans le mensonge. Il fallait par exemple que je sois très affecté, dans le drame, avec l'avocat, mais en même temps que ce soit faux. Bon moi j'étais en panique quand je faisais ça, comme d'habitude, mais il fallait y aller dans ces moments, tout en gardant l'idée d'être à côté quand même. C'est un comédien ce personnage.

    Quand quelqu'un est très expressif en face, ne rien lui donner est assez drôle

    Et son caractère ressort d'autant plus qu'il tranche avec la personnalité de Beffrois, incarné par Charles Berling, beaucoup plus expansif. Était-il difficile de ne pas le suivre dans son jeu ?

    Non car il est justement agréable de prendre le contrepied du partenaire que l'on a en face. On peut parfois se sentir aspiré, mais j'ai tout de suite été conquis par Charles, qui était comme un enfant. Il prenait beaucoup de plaisir à jouer ça, mais il ne m'a pas été difficile de rester à mon endroit. Au contraire même : quand quelqu'un est très expressif en face, ne rien lui donner est assez drôle.

    Il y a aussi la relation entre Bertrand et Justine, et leurs scènes en commun sont les rares moments où lui laisse entrevoir quelque chose, afin qu'il y ait de la complicité et que le couple soit crédible. Est-ce qu'il y a eu un travail en amont pour parvenir à trouver l'équilibre ?

    Jennifer [Decker] est une amie que je connais depuis longtemps, donc je pense que cette complicité, cette connaissance l'un de l'autre a aidé. Et je pense même que c'est quelque chose qui a conforté Lucas dans son choix de casting. Mais nous n'avons pas spécialement eu à travailler dessus, on s'est même beaucoup amusés avec notre complicité. J'étais très très content de tourner avec elle, je trouve que c'est une comédienne absolument merveilleuse que l'on voit très peu au cinéma, mais elle est à la Comédie Française, elle fait beaucoup de théâtre. Elle me fascine et me fascinait quand je jouais avec elle, à tel point que je la regardais parfois, j'oubliais que j'étais moi-même en train de jouer.

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