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    L'Intervention : retour sur la prise d'otages de Loyada, événement qui a marqué la naissance du GIGN
    Laurent Schenck
    Laurent Schenck
    -Journaliste rédacteur base de données
    Passionné par les films qui traitent de la criminalité au sens large, Laurent Schenck travaille sur la base de données cinéma du site. Ses missions sont les suivantes : la rédaction de biographies et secrets de tournage, l'enrichissement de castings/fiches techniques et la revue de presse.

    A l'occasion de la sortie de "L'Intervention", gros plan sur la prise d'otages qui a eu lieu à Djibouti en 1976 et à laquelle le GIGN, célèbre unité d'élite de la gendarmerie française, a dû faire face.

    Second long métrage réalisé par Fred Grivois après La Résistance de l'air (2015), L'Intervention relate la réelle prise d'otage qui a eu lieu en 1976 à Djibouti, un territoire qui était, à ce moment, la dernière colonie française. A l'occasion de la sortie de ce film d'action, gros plan sur cet événement qui constitue l'une des dates clés ayant amené à la formation du GIGN, cette célèbre unité de la Gendarmerie française spécialisée dans les missions à haut risque.

    SND

    Le 3 février 1976, à Djibouti, à 7 heures du matin, un car de ramassage scolaire transportant trente et un fils et filles de militaires français est pris en otage par une équipe de militants indépendantistes du Front de libération de la Côte des Somalis en Territoire français des Afars et des Issas (TFAI). Arme au poing, ils font irruption à l’intérieur et forcent le chauffeur à conduire le véhicule jusqu'à un no man’s land à Loyada, un village situé à la frontière entre Djibouti et la Somalie. Pour les enfants, c’est le début de trente-six heures d’un enfer qui finira tragiquement. Les terroristes exigent l’indépendance immédiate de Djibouti. S'il n'ont pas ce qu'ils demandent, ils menacent d'égorger les otages.

    Sur place, les forces armées françaises sont rapidement sollicitées, notamment la 2ème compagnie du 2ème régiment étranger de parachutistes et les auto-mitrailleuses légères (AML). Le lendemain au matin, le 4 février, le ministre des Armées envoie neuf tireurs d’élite du Groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) commandée par le lieutenant Christian Prouteau. Des gendarmes stationnés à Maisons-Alfort, dont presque personne n’a parlé jusqu’ici et qui sont des spécialistes du tir militaire. Une fois arrivés sur place, ces neuf tireurs se positionnent à environ 180 mètres du bus en attendant les ordres. En même temps, des soldats somaliens s'installent des deux côtés de la frontière.

    A 15h45, les tireurs d’élite ont dans leur ligne de tir cinq terroristes. Tandis que l'Etat cherche à privilégier une solution diplomatique, les "super-gendarmes" décident de les abattre grâce à la tactique du tir simultané, qui vise à neutraliser plusieurs cibles en même temps. Cette stratégie utilisée pour la première fois fait entrer le GIGN dans l'histoire. Mais un sixième terroriste tapi au fond du bus a le temps de tirer une rafale qui tue une fillette de cinq ans et blesse cinq autres enfants (dont deux grièvement). Le chauffeur du car et l’assistante sociale sont touchés eux aussi. Les derniers terroristes tombent à leur tour (2 ou 3 individus selon les sources, en plus des 5 premiers), tout comme plusieurs soldats somaliens qui avaient tiré sur les militaires français (officiellement une quinzaine, mais sans doute beaucoup plus d'après des témoins). 

    SND

    Cette prise d'otage a marqué une étape décisive dans l'indépendance de Djibouti : le 27 juin 1977, soit un peu plus d'un an après, le territoire accède à l'autonomie après le vote quasi unanime de son peuple. Par ailleurs, elle témoigne également des difficultés de l'Etat français à faire face à une situation d'urgence nécessitant des décisions rapides, et ce dans un contexte de guerre froide où les rapports de force pouvaient très vite basculer : si la France perdait Djibouti, l’accès au canal de Suez était perdu et les positions occidentales au Moyen-Orient en auraient été bouleversées. Le réalisateur Fred Grivois, qui a cherché, dans son film, à retranscrire ces atermoiements propres à la diplomatie française, explique :

    "Il y avait quelque chose de cocasse dans la trajectoire de ces hommes coincés dans un contexte historique qui les dépassait, et contraints pour sauver les enfants otages de tuer des forcenés. Même s'ils n'étaient pas encore constitués en GIGN, leur éthique était déjà "s’engager pour la vie", c’est-à-dire préserver la vie de tous, quels qu’ils soient. Ceci explique le dilemme de certains lorsqu’ils ont reçu l’ordre de tirer pour tuer, alors qu’ils étaient entraînés à "stopper" en touchant des points non létaux chez leurs adversaires. Ils ont connu quinze minutes de grande solitude face à une armée en état de guerre. Le communiqué officiel relate huit morts côté somalien, selon les témoignages que j’ai recueillis on atteint plutôt dix fois ce chiffre."

    Pour finir, notons que si cette date sanglante constitue un moment clé dans l'histoire du GIGN, l'unité existait déjà avant : c'est au début des années 1970, suite à la multiplication des prises d'otage (Clairvaux, Munich, etc.), qu'une première version du GIGN est formée et dirigée par Christian Prouteau. Sa première mission s'est déroulé le 1er mars 1974 et fut un échec : le groupe devait venir en aide à une famille séquestrée par un forcené, lequel s'est finalement suicidé après avoir exécuté une femme et son fils. En juin 1976, l'acronyme GIGN (Groupe d'Intervention de la Gendarmerie Nationale) est définitivement adopté après la fusion de deux branches de ce groupe en une seule unité parachutiste basée à Maisons-Alfort.

     

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