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    Mytho sur Arte : le Desperate Housewives décalé à ne pas manquer
    Julia Fernandez
    Julia Fernandez
    -Journaliste Séries TV
    Elevée à « La Trilogie du samedi », accro aux séries HBO, aux sitcoms et aux dramas britanniques, elle suit avec curiosité et enthousiasme l’évolution des séries françaises. Peu importe le genre et le format, tant que les fictions sortent des sentiers battus et aident la société à se raconter.

    Lancée ce soir sur la chaîne franco-allemande, "Mytho", cocréée par la romancière Anne Berest et Fabrice Gobert ("Les Revenants") passe les codes de la série familiale au vitriol et aborde, en toile de fond, le thème de la charge mentale.

    Unité de production/ ARTE France

    De quoi ça parle ?

    Mère et épouse dévouée, Elvira se sent de plus en plus transparente aux yeux des siens. Un jour, elle cède à la tentation d'un mensonge terrible pour retrouver amour et attention...

    Mytho, diffusé les jeudis 10 et 17 octobre sur Arte et disponible en intégralité sur le site arte.tv jusqu'au 30 octobre. Bande-annonce : 

    C'est avec qui ?

    Marina Hands effectue ici sa seconde incursion dans les séries (après avoir joué une scientifique dans la saison 2 de Zone Blanche) en interprétant le rôle d'Elvira, personnage insaisissable à mesure qu'il se dévoile au cours des six épisodes et qui lui a valu le prix de la meilleure actrice au festival Séries Mania 2019. Mathieu Demy (fils de Jacques Demy et Agnès Varda), campe ici un père de famille loser et attachant, tandis que Jérémy Gillet (vu dans A l'intérieur en août sur France 2) Marie Drion et Zélie Rixhon interprètent avec justesse et maturité leurs trois enfants, Sam, Carole et Virginie. On découvre aussi de savoureux seconds rôles, comme Jean-Charles Clichet (Jeff) en beau-frère lunaire, Julia Faure (Isa) en voisine fantasque et Linh-Dan Pham (Brigitte), touchante en maîtresse esseulée.

    Ça vaut le coup d'oeil ?

    Mytho, composée de 6 épisodes de 45 minutes diffusés en deux soirées, est  en partie inspirée du vécu de sa créatrice, Anne Berest, lorsque sa propre mère est tombée malade. Tel est le point de départ de la série : négligée, envahie par les tâches ménagères, Elvira se sent invisible, en perte d'identité. Elle n'est plus un individu à part entière, mais une mère, une employée corvéable à merci et à qui on ne prête même plus attention, entre deux courses au supermarché et une machine de linge sale. Alors, le jour où elle se croit atteinte d'un cancer, la tentation de mentir pour mettre ses proches à l'épreuve est trop grande... 

    Après deux premiers épisodes très caustiques grâce à un sens du dialogue aiguisé, Mytho délaisse vite la comédie pour plonger dans le drame intime et familial, brodant les répercussions du mensonge sur chacun des personnages. Car Elvira n'est pas la seule à avoir ses petits secrets; chaque membre de la famille finit par être confronté à soi-même, du mari infidèle à la fille aînée qui refuse de faire son coming-out transgenre à son correspondant allemand dont elle est amoureuse, en passant par la cadette en pleine rébellion et la benjamine qui absorbe les névroses de toute sa famille. Tous vont devoir faire amende honorable face au drame qui ébranle leur quotidien, et permettre ainsi aux personnages de se sortir des stéréotypes dans lesquels ils se présentent à nous. Sorte de Breaking Bad dans une banlieue pavillonaire française (sans le trafic de drogue), Mytho utilise ce fil rouge du mensonge pour dresser, en creux, le portrait d'une femme dont l'identité a été anéantie. Comment renouer le lien avec soi-même lorsqu'on n'a plus de valeur aux yeux des autres ?  Et qui est-elle vraiment en réalité ? On découvre sa richesse intérieure par petites touches progressives, à mesure que le poids de son mensonge devient trop lourd à porter, et que ses secrets finissent par rejaillir. La série prend ainsi un chemin inattendu dans ses derniers épisodes pleins de mélancolie.

    Unité de production/ ARTE France

    La réalisation de Fabrice Gobert, sous la direction artistique de Colombe Raby (qui opère sur les films de Xavier Dolan), stylisée et teintée d'ironie, prend à coeur d'explorer les banlieues pavillonnaires aux lotissements sans âme, où tout se ressemble et où chacun jauge son voisin. Un environnement que le réalisateur avait déjà abordé dans son précédent long-métrage, Simon Werner a disparu. Dans Mytho, de belles trouvailles de mise en scène adoucissent le ton parfois tragique du récit (dont une joyeuse séquence de comédie musicale sur le titre Stand by Me.)

    Inédiablement la proposition forte de cette rentrée en matière de séries françaises, Mytho nous marque par son ton transgressif, la justesse de sa galerie de personnages excentriques et pourtant si réalistes, et nous tend un miroir peu flatteur sur nos propres contradictions, sous forme d'examen de conscience. A ne pas manquer !

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