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    Glory a 30 ans : retour sur une scène du film qui a réveillé de vieux démons...
    Olivier Pallaruelo
    Olivier Pallaruelo
    -Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
    Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

    Le 25 avril 1990 sortait sur nos écrans le remarquable film "Glory" d'Edward Zwick, qui relatait l'histoire du premier régiment de soldats noirs durant la Guerre de Sécession. Un film dont le tournage réveilla aussi les vieux démons de l'esclavage...

    Columbia TriStar

    Il y a tout juste 30 ans, le 25 avril 1990, sortait sur nos écrans le superbe film d'Edward Zwick, Glory. Se déroulant durant la Guerre de Sécession, en 1863, le film évoquait l'histoire de Robert Gould Shaw, promu colonel du premier régiment de soldats noirs, engagés volontaires dans une guerre qu'ils croyaient être la leur, en ces temps de lutte pour l'abolition de l'esclavage. Assignés à des tâches subalternes, méprisés par leurs officiers, ces soldats se révoltèrent, Shaw à leur tête, pour partir au feu.

    Si l'oeuvre de Zwick n'a malheureusement pas tutoyé les sommets du Box Office en France, en n'attirant qu'un peu plus de 162.000 spectateurs, il ne fut pas non plus un triomphe au Box Office mondial, n'ayant rapporté qu'un peu plus de 26 millions $. Une cruelle injustice pour une oeuvre puissante. Somptueusement photographié par le vétéran et immense directeur de la photographie Freddie Francis, récompensé à juste titre par un Oscar pour son travail, le film est en outre porté par une magnifique brochette de comédiens : Matthew Broderick dans le rôle-titre, Cary Elwes, Morgan Freeman, et Denzel Washington. Sous les traits du soldat rebel Trip, ce dernier livre d'ailleurs ici une composition mémorable, saluée par l'Oscar du Meilleur second rôle.

    Le réveil de vieux démons

    Dans un mélange de honte et de culpabilité, à l’ombre des Pères Fondateurs de l’Indépendance et de la Constitution Américaine dont douze d’entre eux faisaient travailler des esclaves dans leurs plantations, les Etats-Unis ont encore bien du mal à évoquer le sujet de l’esclavage. Même s’il ne faut pas occulter le fait que de nombreux artistes ont préféré privilégier l'histoire de la Ségrégation et des Droits Civiques, traitée à de nombreuses reprises au cinéma comme Mississippi Burning ou Malcolm X. Pourquoi ? Parce que la fin de l’esclavage n'a pas pour autant abouti à une égalité réelle, et qu'il a fallu attendre le début des années soixante (du XXe siècle) pour que cette égalité émerge, avec en point d’orgue la grande Marche vers Washington pour le travail et la liberté emmenée par Martin Luther King en 1963, et la signature du Civil Rights Act en 1964.

    Machine à fabriquer des mythes et souvent prompt à bâtir de toute pièce un passé idéalisé, Hollywood est (était ?) capable de produire des œuvres suffisamment fortes autour du sujet, même si elles restent le plus souvent prudentes et académiques. Dans Glory, qui relate l’histoire du 54e régiment noir d’infanterie durant la Guerre de Sécession, ce passé est ainsi brutalement revenu à la gorge de l’équipe du film lors du tournage, dans l'Etat de Géorgie.

    C'est lors du tournage de la fameuse séquence où Denzel Washington subit la terrible humiliation d'être fouetté devant tout le régiment que le passé a refait surface. Une scène très tendue à tourner. "Les experts nous ont dit qu'en entrant dans ces camps, on voyait parfois des gars attachés à des roues. C'était leur punition. On vous attachait, on vous fouettait, et on vous laissait là. Rien à voir avec la couleur, c'était une punition militaire" expliquait Morgan Freeman.

    "Le fait de fouetter un homme en Géorgie, où tant d'autres avaient été fouettés auparavant, ça réveillait des démons" expliquait quant à lui Edward Zwick; "je ne savais pas vraiment ce que ça allait donner. J'ai cherché avec l'accessoiriste un moyen de faire la scène. Il avait une lanière de cuir sur laquelle il a mis de la couleur pour que ça ressemble à du sang. Il a dit : "ça piquera un peu, mais ça ne fera pas mal". Et Denzel, qui un jour pareil est prêt à tout et rentre à fond dans la peau du personnage, ne voulait pas en parler. Je sentais un truc que Denzel n'avait pas envie d'explorer, et c'était l'humiliation la plus profonde, le vol de sa dignité. J'ai dit à l'opérateur de mettre une bobine de 300 m sur la caméra, et j'ai dit au chef opérateur de ne pas s'arrêter, j'ai laissé tourner, jusqu'à ce que Denzel y arrive. Ce qu'il a découvert, c'est la perte de contrôle. Et ce qui s'ensuit est l'un des moments les plus forts que j'ai vu au cinéma".

    Ci-dessous, la scène en question, d'une terrible et poignante intensité...

    Petites leçons d'Histoire en plus

    Au-delà des qualités intrinsèques et évidentes du film, Glory n'est pas exempt d'erreurs historiques. Car si le cinéma livre avant tout des œuvres de fictions qu'il faut considérer comme telles, les films prennent souvent des libertés avec les faits historiques, pour des raisons narratives, par souci de resserrer une intrigue, la volonté ne pas perdre les spectateurs en route, etc...

    Bien que le script du film soit basé sur le travail du scénariste Kevin Jarre, ainsi que les œuvres respectives de Lincoln Kirstein et Peter Burchard, Glory s’appuie aussi beaucoup sur les lettres écrites par Robert Gould Shaw, qui sont précieusement conservées à la bibliothèque d’Harvard, à Boston. Elles montrent néanmoins que Robert Shaw fut longtemps sceptique à l'idée de commander des troupes noires, et que le mythe entourant le personnage et l'histoire telle que présentée par le film d'Edward Zwick ont exagéré son ardeur et son dévouement à la cause abolitionniste, même s’il était bien réel.

    Par ailleurs, le film montre les volontaires engagés dans le 54e régiment d'infanterie s'entraînant durant la période de Noël 1862, après la terrible bataille d'Antietam livrée en septembre de la même année. En fait, le vrai régiment du 54e n'a pas été mis sur pied avant le mois de mars 1863, et il fut engagé dans son premier combat lors de la bataille de James Island en Caroline du Sud, le 16 juillet 1863. La bataille livrée au fort Wagner, et bataille finale du film, eut lieu le 18 juillet 1863. Le régiment livra encore trois combats importants : Olustee, en Floride, le 20 février 1864; Honey Hill en Caroline du Sud, le 30 novembre 1864; et enfin Boykin's Mill, toujours en Caroline du Sud, le 18 avril 1865.

    On termine avec un zeste d'anachronisme. D'abord à propos du personnage du Général Charles Garrison Harker, interprété par Bob Gunton. Dans la chronologie des événements, ce personnage n'était pas présent en Caroline du Sud au moment où le 54e régiment du Massachusetts était sur les lieux. Harker faisait partie du corps d'armée de Cumberland, qui se trouvait à ce moment là dans le Tennessee. Par ailleurs, il était âgé de seulement 25 ans, alors que Gunton en avait 44 à l'époque du tournage du film.

    Vous avez déjà vu le film "Glory" ? Notez-le !

    Glory
    Glory
    Sortie : 25 avril 1990 | 2h 02min
    De Edward Zwick
    Avec Matthew Broderick, Cary Elwes, Denzel Washington
    Presse
    3,6
    Spectateurs
    3,9
    Voir sur Netflix

     

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