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    Hollywood sur Netflix : qui était Oscar Micheaux, pionnier Afro-Américain du cinéma ?
    Corentin Palanchini
    Passionné par le cinéma hollywoodien des années 10 à 70, il suit avec intérêt l’évolution actuelle de l’industrie du 7e Art, et regarde tout ce qui lui passe devant les yeux : comédie française, polar des années 90, Palme d’or oubliée ou films du moment. Et avec le temps qu’il lui reste, des séries.

    Dans son pilote, la série Netflix de Ryan Murphy, "Hollywood", cite le nom d'Oscar Micheaux, souvent considéré comme le premier réalisateur et producteur Afro-Américain du cinéma. Mais qui était vraiment ce pionnier du cinéma ?

    Saeed Adyani/Netflix

    Oscar Micheaux naît en 1884 d'un père né esclave. Ses parents déménagent et s'installent en ville afin que les enfants soient bien éduqués. A ses 17 ans, Micheaux se rend à Chicago et travaille dans la gestion du bétail et par la suite, exécute divers petits boulots. Il monte un commerce de cireur de chaussures et commence à gagner un peu d'argent, ce qu'il continuera à faire en travaillant comme porteurs sur les trains de nuit.

    Après une période où il écrit des articles qu'il envoie à la presse et écrit 7 romans dont certains anonymement, et l'un d'eux, The Conquest: The Story of A Negro Pioneer est ce qui se rapproche le plus de son autobiographie. C'est lorsque l'un de ses romans est considéré pour faire l'objet d'une adaptation, The Homesteader, qu'il prend conscience qu'il n'aura pas son mot à dire et qu'il n'écrira pas lui-même le scénario qu'il décide de tourner le film lui-même.

    Il est vendu sur son casting "entièrement nègre" (une précision utile à cette époque où les Blancs jouaient les Afro-Américains en se maquillant et en les caricaturant) et comme "la première création de la plume d'un nègre jamais projetée". The Homesteader raconte l'histoire d'un fermier noir qui tombe amoureux d'une jeune fille pâle de peau sans savoir qu'elle est métisse. Croyant leur amour illégal, il se marie avec la fille d'un prêcheur, renonçant à son grand amour. Le film sort en 1919 et il est souvent considéré comme le premier long métrage de cinéma réalisé par un Afro-Américain, même si les sources récentes attribuent tout ou partie de cette réalisation à Jerry Mills, acteur de l'époque, ou à William C. Foster, directeur photo.

    Capture d'écran

    Quoi qu'il en soit, la firme de production de Micheaux, basée à Chicago, est vraiment lancée dans l'industrie cinématographique et dès l'année suivante, met en production un film essentiel, Within Our Gates (1920), réponse de Micheaux au racisme de Naissance d'une nation (1915) de D.W. Griffith. Le film arrive aussi dans le contexte des émeutes raciales de l'été 1919 à Chicago et opère comme un playdoyer pour le vote des Afro-Américains et leur accès à la culture.

    Le film met en scène une institutrice décidant de sauver une école de noirs frappés par la pauvreté. Elle fait la connaissance puis se marie avec un médecin, avant d'apprendre le passé de sa famille, soutien de la suprématie blanche. On y assiste également au lynchage et au viol d'Afro-Américains par ces mêmes suprémacistes. Si le fond est passionnant, Micheaux tourne ses films avec des budgets ridicules (5 000 à 10 000 dollars de l'époque), des acteurs souvent amateurs et une forme qui va à l'essentiel, privilégiant le texte sur cartons.

    Malgré cela, l'oeuvre muette d'Oscar Micheaux -dont il perdure à peine 3 films sur ses 23 (Within Our Gates, Body and Soul et The Symbol of the Unconquered)- peut être vu comme l'un des premiers réalisateurs-auteurs Afro-Américains du cinéma. D'autant que la période parlante du metteur en scène poursuivra sur cette lignée, mettant en avant des histoires dénonçant le racisme.

    Capture d'écran

    C'est ainsi celle d'une jeune Afro-Américaine à la peau claire ne trouvant sa place ni chez les Blancs ni chez les Noirs (God's Step Children, 1938), un étudiant noir diplômé de Harvard confronté au racisme (Birthright, 1939), un Afro-Américain à la peau claire tentant de convaincre sa soeur de marier un homme blanc afin qu'elle puisse vivre comme les Blancs. Sauf qu'elle a toujours dans le coeur ce jeune Afro-Américain qu'elle a laissé dans sa ville natale... (Veiled Aristocrats, 1932). Il osera aussi présenter une chanteuse de cabaret noire refusant de "sortir" avec ses clients malgré l'insistance de son patron blanc soudainement injustement accusée d'un meurtre (Lying Lips, 1939).

    Les années 40 seront plus compliquées pour Micheaux financièrement, et il arrêtera le cinéma pour redevenir écrivain. Il reviendra cependant au médium en 1948 pour The Betrayal, film fleuve de 3h03 dérivé du thème de The Homesteader sera un cuisant échec, plongeant Micheaux dans la ruine. Il mourra sur les routes, qu'il sillonnait pour vendre ses livres, en 1951.

    Aujourd'hui, près de 70 ans plus tard, Ryan Murphy le mentionne dans sa série Netflix baptisée Hollywood, ses films muets survivants sont disponibles en ligne car dans le domaine public et le Micheaux Film Festival (centré sur la diversité) s'est tenu en février dernier, preuves que le nom de Micheaux recommence à intéresser et à se faire connaître. Le monde du cinéma lui doit bien ça.

    En accès libre, "Within Our Gates" d'Oscar Micheaux (1920) :

     

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