Mon compte
    Cinémas US : la fermeture des salles est "irréversible" pour la réalisatrice de Wonder Woman
    Corentin Palanchini
    Passionné par le cinéma hollywoodien des années 10 à 70, il suit avec intérêt l’évolution actuelle de l’industrie du 7e Art, et regarde tout ce qui lui passe devant les yeux : comédie française, polar des années 90, Palme d’or oubliée ou films du moment. Et avec le temps qu’il lui reste, des séries.

    Pour la réalisatrice Patty Jenkins, la fermeture successive de plusieurs cinémas américains à mesure que dure la pandémie de COVID-19 est un phénomène "irréversible".

    Warner Bros. France

    Alors que Wonder Woman 1984 devait sortir en juin et a été repoussé trois fois par Warner depuis le début de la pandémie, la réalisatrice Patty Jenkins se fait la porte-parole des cinémas américains pour alerter sur leur situation critique. Au micro de l'agence Reuters, elle exprime ses craintes :

    "[La situation] est irréversible", a-t-elle déclaré à propos de la fermeture successive des cinémas américains. "Je pense qu'aucun d'entre nous ne veut vivre dans un monde où la seule option pour emmener nos enfants voir un film est dans notre propre salon, et ne pas avoir un lieu où aller pour les rendez-vous amoureux".

    Cette réaction de la cinéaste fait écho à la nouvelle selon laquelle l'entreprise Cineworld (qui possède l'un des plus puissants réseaux de salles américains) a une fois de plus refermé tous ses cinémas pour faire face économiquement au manque à gagner. En effet, les Américains ne se déplacent plus en salles, comme en ont récemment témoigné les chiffres de Tenet aux Etats-Unis (45 millions de dollars) et le box-office US en général.

    C'est le serpent qui se mord la queue : les studios reportent la sortie des films, les cinémas ferment car ils n'ont pas grand-chose à sortir, mais les studios attendent que les cinémas rouvrent pour sortir leurs films, etc. La solution évidemment, serait que la pandémie de COVID-19 disparaisse afin que la situation revienne à la normale.

    Le fait est que ce n'est pas le cas et, du point de vue de Patty Jenkins, tant que les cinémas ne rouvriront pas, les films les plus attendus ne pourront pas sortir. Elle émet ainsi cette hypothèse clinique que si la pandémie continue :

    Nous pourrions perdre l'expérience cinéma pour toujours.

    Pourtant, techniquement, 70% des cinémas sont ouverts (souvent avec des horaires adaptés aux fréquentations), mais les parcs de salles les plus rentables du sol américain (Los Angeles et New York, notamment) sont toujours majoritairement fermés, rendant le marché plus qu'incertain pour les studios. La frilosité de ces derniers est basée sur les chiffres américains de Tenet (au contraire, il marche plutôt bien en France avec 2,15 millions d'entrées) et les bons résultats présumés* des blockbusters finalement mis directement sur les plateformes (comme Mulan). Une tendance qui fait craindre le pire à Jenkins :

    C'est le genre de choses qui est arrivé à l'industrie musicale. On peut faire s'écrouler une industrie en en faisant quelque chose qui n'est pas rentable.

    Autrement dit, si sortir les films continue d'être synonyme d'échecs financiers, les studios ne se poseront plus la question et mettront leurs films les plus attendus sur les plateformes. Cela limite beaucoup les coûts puisqu'ils peuvent se passer des exploitants, tout comme des divisions dédiées à la sortie salles au sein même de leurs bureaux. A terme, cela pourrait conduire à la fermeture de certains services et à des licenciements, comme c'est d'ailleurs déjà le cas. Pour Jenkins, sans un soutien étatique, les cinémas sont en passe de disparaître.

    Vers un paysage bouleversé ?

    Si, comme l'imagine Patty Jenkins, les grands parcs de salles américains (Regal, AMC) finissent par mettre la clé sous la porte, il se pourrait qu'à la fin de la pandémie, les grands studios privilégient la sortie en ligne et tentent même d'avoir leur propre parc de salles, passant exclusivement leurs films. Depuis 1948 et le "décret Paramount", les studios ne peuvent pas le faire au risque de se mettre hors-la-loi, mais cet état de fait pourrait changer.

    En effet, en novembre 2019, le procureur général adjoint de la division antitrust du ministère de la Justice des États-Unis a annoncé qu'il n'était pas fermé à l'abrogation de ce texte historique de 1948, afin de permettre à Warner, Universal, Lionsgate et bien d'autres de pouvoir acheter des cinémas. Dans un contexte où les exploitants sont soumis à des problèmes financiers, on pourrait aisément imaginer un studio racheter un réseau de salles, ou une partie de celui-ci, et en faire des sites exclusivement dédiés à ses productions maisons. Un scénario difficilement imaginable l'an dernier. Mais la pandémie et la situation catastrophique du secteur sont depuis passées par-là...

    Cela n'augurerait rien de bon pour le cinéma indépendant et plus généralement, la circulation internationale du cinéma. Ce n'est que pure conjecture, car à l'heure où nous écrivons ces lignes, l'historique décret Paramount est toujours en vigueur... Mais pour combien de temps ?

    * Les chiffres de streaming sont souvent invérifiables et communiqués par les plateformes elles-mêmes. Cependant, Disney vient d'annoncer la sortie du film Pixar Soul directement sur sa plateforme Disney+, ce qui semble indiquer que cette solution est réellement rentable pour les studios, en attendant que les cinémas rouvrent massivement.

    FBwhatsapp facebook Tweet
    Sur le même sujet
    • Hollywood : les studios auront-ils bientôt leurs propres salles de cinéma ?
    • Hollywood face au coronavirus : les studios multiplient les licenciements
    Commentaires
    Back to Top