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    Elden Ring, impitoyable et fascinant sommet de la Dark Fantasy
    Olivier Pallaruelo
    Olivier Pallaruelo
    -Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
    Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

    Sur les bases d'un univers dont les fondations ont été élaborées par George R.R. Martin, le studio japonais From Software livre un extraordinaire jeu en monde ouvert, impitoyable et fascinant, emballé par une direction artistique hypnotique.

    From Software / Bandai Namco

    C'est toujours avec une certaine crainte mêlée à l'humilité du profane qu'on aborde une production du studio nippon From Software. Un studio dont les créations vidéoludiques ont la réputation d'oeuvres exigeantes, à la difficulté parfois implacable. Le jeu fondateur Demon's Souls, la trilogie des Dark Souls, Bloodborn, et Sekiro : Shadow Die Twice, sont effectivement réputés pour leur difficulté, et pour avoir porté jusqu'à un point d'incandescence le concept du Die & Retry. Depuis, d'ailleurs, on qualifie les jeux lorgnant vers cette approche de Souls like.

    Mais le vrai moteur de ces jeux n'est pas tant de faire souffrir les joueurs et les joueuses, dans un mélange de perversité élégante et de sadisme consenti. Il s'agit toujours, avant tout, de refonder le rapport qui unit le joueur au jeu. L'apprentissage par l'échec, avec à la clé l'intense satisfaction d'avoir, in fine, réussi à surmonter un obstacle qui semblait infranchissable.

    Joyau de la Dark Fantasy

    Depuis l'époque de la sortie de Demon's Souls, il y a treize ans, c'est peu dire que le studio From Software est largement passé maître dans l'art de déployer un fabuleux univers de Dark Fantasy. Baignant toujours dans un climat inquiétant et profondément mélancolique, dépressif et cauchemardesque, le joueur évolue dans un périple difficile au coeur d'un monde souvent en pleine déliquescence; où la frontière des notions entre le Bien et le Mal est toujours poreuse. Un univers pessimiste, ténébreux et violent, peuplé d'un bestiaire rempli de créatures démoniaques et souvent gigantesques, que le joueur n'a pas d'autre choix que d'affronter, parfois la peur au ventre, et avec une grande concentration.

    C'est à l'aune de ces considérations que l'on se plonge avec délice dans Elden Ring, sorti le 25 février dernier. En 2016, le studio eut l'idée de solliciter George R.R. Martin, l'auteur de Game of Thrones, pour collaborer avec lui en tant que lead writer sur la création du tout premier jeu de From Software en Open World.

    "Ils voulaient un monde à partir duquel le jeu pourrait se greffer" expliquait l'auteur; "et on ne parle pas uniquement des personnages et de l'intrigue. Le cadre est presque aussi important que le reste. J'ai élaboré un background assez élaboré pour eux, puis ils l'ont repris à partir de là". Difficile de dire ou définir ce qu'il reste des fondations initiales posées par Martin. Le créateur du jeu, Hidetaka Miyazaki, ayant par exemple expliqué que certains des personnages initiaux créé par l'auteur, encore trop humains, sont devenus au final bien plus monstrueux et difformes. Quelque part plus conformes à l'ADN des créations du studio.

    From Software / Bandai Namco

    Comme souvent avec les jeux de From Software, même si à un degré moindre que les productions précédentes, le récit reste suffisamment elliptique pour nous inciter à nous plonger par nous-même dans l'histoire torturée d'Elden Ring.

    Celle-ci se déroule dans le royaume de l'Entre-terre, quelque temps après la destruction du Cercle d’Elden et la dispersion de ses fragments, les runes majeures. Autrefois honoré par la présence du Cercle et de l'Arbre-Monde, le royaume est maintenant gouverné par les descendants demi-dieux de la reine Marika l'Éternelle, chacun possédant un éclat du Cercle d'Elden qui les corrompt et les empoisonne par leur pouvoir.

    Le joueur incarne un Sans-éclat, un exilé de l'Entre-terre qui a perdu la grâce du Cercle, rappelé après l'Éclatement, qui doit traverser le royaume pour trouver toutes les runes majeures, restaurer le Cercle d’Elden et devenir le Seigneur d'Elden.

    Si Elden Ring ne brille pas tout à fait au firmament technique, il compense plus que largement cet état par sa direction artistique, absolument fabuleuse, et surtout d'une grande cohérence. Entre les châteaux découpant au loin dans la brume leurs inquiétantes silhouettes, les forêts se parant des couleurs de l'automne, ses champs de batailles ravagés ou les édifices offrant une architecture des ruines souvent sublime, le joueur sillonne un monde de désolation où l'imaginaire merveilleux côtoie abondamment la dimension horrifique; deux aspects intimement liés dans la Dark Fantasy.

    L'occasion aussi de mesurer à quel point les équipes de From Software vouent une admiration sans borne pour l'oeuvre du peintre polonais Zdzisław Beksiński, tant celle-ci irrigue le jeu par ses influences. Un artiste qui mettait souvent en scène dans ses toiles des paysages ravagés, des corps suppliciés, des images de la mort, de la décomposition et de la dégradation. On vous recommande d'ailleurs chaudement de jeter un coup d'oeil à ses créations.

    Plus accessible, mais pas plus facile

    Dans cet écrin de haute volée, n'y avait-il pas un risque de dissoudre l'exemplarité retorse du level design des productions passées du studio, et les mécaniques de gameplay afférentes, dans un Open World ? Comment ne pas s'aliéner les fans de la première heure tout en cherchant à rendre l'expérience de jeu plus accessible aux profanes qui seraient tenté sans oser franchir le pas ? Difficile exercice d'équilibriste.

    Là-dessus, les équipes de From Software se chargent tranquillement d'anesthésier le moindre doute. Si l'expérience de jeu d'Elden Ring se révèle effectivement nettement plus accessible et moins punitive qu'avant grâce à de nombreux éléments, comme par exemple la possibilité de ressuciter tout prêt d'un boss, la possibilité d'invoquer des esprits de créatures pouvant prêter main forte en combat, des potions de soin et de magie qui peuvent s'auto remplir après avoir défait un certain nombre d'ennemis, des combats à cheval autorisant la fuite, etc... Il n'est pas pour autant plus simple; loin s'en faut. Car le monde d'Elden regorge de créatures surpuissantes, de pièges vicieux, avec parfois des pics de difficulté qui vous donneront vraiment du fil à retordre.

    Immersif, réclamant souvent un total abandon chez le joueur qui sera récompensé pour sa persévérance et son abnégation, restant en cela fidèle au mantra du studio, Elden Ring est un titre magistral dont on a pas fini d'épuiser toutes les richesses, des heures et des heures durant. Et si notre préférence reste sur une production passée du studio, -Bloodborn pour ne pas la citer, qui n'était certes pas un Open World-, aucune raison de passer à côté du nouveau titre de From Software, assurément un des meilleurs jeux de l'année.

    Ci-dessous, la bande-annonce de lancement...

     

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