Le 24 avril 2022 à 19h, alors que les Français s'apprêtent à découvrir le visage de leur prochain Président de la République, Julien, la trentaine, vit dans une petite commune du sud de la France. Ce soir-là, il attend Félix, son frère cadet, qu’il n’a pas vu depuis plusieurs années. Ingénieur d'affaires, ce dernier arrive de Melbourne pour régler des formalités administratives liées au décès de leur mère quelques temps plus tôt.
En ce jour particulier, Félix tient absolument à glisser son bulletin dans l’urne, contrairement à Julien, désabusé par la classe politique. Tout oppose les deux frères, et l’humeur des retrouvailles sera suspendue aux résultats du vote. Félix, pétri du remord d’avoir raté l’enterrement de sa mère, n'a pas vu son frère aîné depuis cinq ans, durant lesquels Julien est resté au chevet de leur mère malade, mettant sa propre vie entre parenthèses.
Pendant cette heure critique dans la vie du pays, les deux frères vont vivre une aventure poétique, sensible et déchirante, qui se jouera dans les rues qui les ont vus grandir, à la mairie, au bar du village et dans leur maison d’enfance. Ce qu’ils ne savent pas encore, c’est qu’à 20h00, lorsque le nom du prochain Président sera dévoilé, leur fraternité sera bouleversée...
Illustrée par une belle affiche créée par Ugo Gattoni, Jour de Gloire, écrit et réalisé par les metteurs en scène et comédiens Cosme Castro et Jeanne Frenkel, illustre les retrouvailles de ces deux frères qui ne se sont pas vus depuis cinq ans, soit la durée d'un mandat présidentiel, le soir du résultat du second tour des élections.
Le titre, extrait d'une citation de La Marseillaise, est décrit comme "assez cynique" par la réalisatrice. "Et en même temps, c'est un jour de gloire pour ces deux frères qui se retrouvent. Il traduit à la fois le cynisme du moment et parle de leur histoire."
Tournée et retransmise en direct sur le site arte.tv, YouTube et Facebook, cette fiction live a été imaginée par les deux créateurs dans la continuité de leur projet collaboratif intitulé La Comète, mêlant performances artistiques et nouvelles technologies.
Méta-cinéma
"Avec Jeanne, cela fait sept années que l'on fait des films en direct, on appelle ça le méta-cinéma" commente Cosme Castro. "Au départ, quand on a commencé à faire ça, c'était très abstrait pour beaucoup de gens, parce que le live existait mais il était exploité de manière assez rare. Depuis le contexte du COVID où beaucoup de choses se sont développées en live sur internet, ça a aidé les gens à comprendre ce qu'on faisait. On est très heureux car Jour de Gloire est le projet le plus ambitieux qu'on ai jamais fait."
Pour la préparation du film, l'équipe s'est installée durant un an en résidence dans une petite ville du Lot-et-Garonne, choisie pour son architecture et sa disposition, dont le nom est volontairement tu afin de préserver l'intimité du tournage. "Elle était parfaite pour en faire une sorte de Cinecitta, mais à échelle humaine, dans laquelle on pouvait se balader de la mairie au bar, dans la maison", poursuit le réalisateur.
Leur défi : faire un film constitué d'un plan-séquence d'une heure tourné en direct, de 19h à 20h05 ce dimanche, sous forme d'une déambulation dans ce village où se retrouvent les deux frères perdus de vue. Une équipe d'une soixantaine de personnes, plusieurs caméras
"C'est tout un dispositif de mise en scène assez incroyable. On revient de deux jours de répétitions où on a essayé de faire tout le film en fil continu, c'est très épuisant, mais c'est fascinant parce que une fois que ça commence à se roder, on a l'impression de voir, vu du ciel, un serpent qui se balade dans le village." Tout un ballet chorégraphique ultra-minuté qui s'organise entre les comédiens, l'équipe technique et la musique, jouée en live depuis un food-truck situé dans le décor par l'artiste électro Flavien Berger.
En direct de la soirée électorale
Au casting, quatre comédiens ont accepté de relever le défi : Félix Moati (No Man's Land), Julien Campani (qui avait collaboré avec le duo sur leur pièce Point Nemo), Julia Faure (Mytho) et Kamel Abdessadok (L'Elan). "Comme toujours avec Cosme et Jeanne, j'ai l'impression qu'ils t'appellent pour faire un braquage", s'amuse Julien Campari, qui avait déjà joué pour le duo au théâtre. "C'est toujours une dimension d'impossible." Félix Moati, lui, ne les connaissait pas, et l'aspect infaisable du projet l'a convaincu de le faire. "C'est un défi technique gigantesque, une manière de raconter le monde par la fiction qui me semble irrésistible."
"J'ai percuté seulement la semaine dernière avant la première lecture que ça allait être tourné en direct, tellement ça me paraissait complètement fou" renchérit Julia Faure. "On ne sait absolument pas ce qui va se passer puisqu'on ne va le jouer qu'une seule fois, en une seule prise. On va découvrir le film nous-mêmes en le jouant, c'est très excitant." Un défi vertigineux qui s'achèvera par la révélation de l'identité du nouveau Président de la République dévoilée en direct à travers la fiction, en même temps que sur les chaînes d'information en continu.
"Une soirée électorale, c'est une soirée à souvenir, ce sont des moments dont on se souvient très bien", commente Jeanne Frenkel. "On se rappelle précisément avec qui on était, ce sont souvent des moments familiaux d'ailleurs, avec nos proches. Ce film a l'objectif de créer un souvenir pour les deux frères dans la fiction et à la fois dans la vie des spectateurs qui vont la regarder on l'espère."
