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    Bros : pourquoi cette comédie romantique gay est historique à Hollywood ?
    Maximilien Pierrette
    Dans sa tête, la comédie parfaite rassemble l’écriture de Billy Wilder, le sens du détail de Bruno Podalydès, les répliques du Splendid, l’énergie colérique de Louis de Funès, le discours social de Chaplin, les références du Palmashow, le grand n’importe quoi des ZAZ et le chaos des Marx Brothers.

    Première comédie romantique gay produite par un gros studio avec un casting LGBTQIA, "Bros" est une réussite dont nous parlent le réalisateur Nicholas Stoller et ses comédiens. Dont Billy Eichner et Luke MacFarlane.

    Après Sans Sarah rien ne va et 5 ans de réflexionNicholas Stoller revient à la comédie romantique. Sans son compère Jason Segel, mais avec Billy Eichner, acteur principal et co-scénariste de cette histoire d'amour entre deux hommes très occupés, avec un casting exclusivement composé de comédiens LGBTQIA.

    Très drôle, tendre et humain, Bros se présente également comme un film historique, car c'est la première fois qu'un gros studio (Universal en l'occurrence), produit un tel long métrage. Un sujet que nous avons notamment évoqué avec Nicholas Stoller, Billy Eichner et son partenaire Luke MacFarlane, ainsi que les interprètes des rôles secondaires : TS Madison, Miss Lawrence, Jim RashDot-Marie Jones et Eve Lindley.

    Bros
    Bros
    Sortie : 19 octobre 2022 | 1h 56min
    De Nicholas Stoller
    Avec Billy Eichner, Luke MacFarlane, TS Madison
    Presse
    3,2
    Spectateurs
    2,7
    Voir sur Netflix

    AlloCiné : "Bros" est une comédie romantique gay classée R (interdit aux moins de 17 ans non-accompagnés) aux États-Unis, avec un casting exclusivement LGBTQIA. À quel point le film a-t-il été compliqué à financer à Hollywood ?

    Billy Eichner : Je suis heureux de pouvoir dire que lorsque nous avons pitché Bros à Universal, le studio qui l'a produit, ils étaient à la recherche de quelque chose de ce style. Ceci étant dit, il a fallu très longtemps à Hollywood pour en arriver là : les gros studios existent depuis plus d'un siècle et n'avaient jamais fait un tel film ! Mais Universal avait compris qu'il était temps de faire quelque chose à la fois hilarant et authentique, réaliste.

    Il n'était pas question de marcher sur des œufs pour montrer la vie de personnes gays, mais bien de raconter une histoire aussi drôle qu'honnête. Une histoire auxquelles les personnes LGBTQIA et hétérosexuelles pourraient s'identifier, car elle serait authentique.

    Nicholas Stoller : La production a toutefois pris plus de temps que prévu, notamment à cause de la pandémie. Un film me prend en général deux ans et demi à faire, il en a fallu cinq pour Bros. Car nous devions commencer à tourner en mars 2020, mais la pandémie s'en est mêlée et nous avons été contraints de repousser les prises de vues. Mais nous n'avons pas eu beaucoup de temps pour le faire, et c'était le plus court de mes tournages pour un film.

    J'ai bien évidemment appris, en tant que réalisateur, à aller de plus en plus vite. Et comme nous avions travaillé dessus pendant plusieurs années, Billy était prêt et bien préparé à tourner. Les films sont toujours compliqués à faire, car il y a toujours de nouveaux problèmes, mais celui-ci est quand même resté amusant, car chaque jour était spécial. Nous pouvions tourner une scène d'amour entre Luke et lui un jour, et nous nous faisions la remarque, avec mon chef opérateur Brandon Trost, que nous n'avions jamais tourné ni vu une telle scène. Et c'est plaisant de faire partie d'un tel projet.

    Les gros studios existent depuis plus d'un siècle et n'avaient jamais fait un tel film

    Que ressentez-vous à l'idée de faire partie de ce film qui est d'ores et déjà historique ? En aviez-vous consience en le faisant ?

    TS Madison : Oui. Lorsque nous avons franchi les portes de la production pour la première fois, nous savions que Bros serait historique. Surtout lorsque nous nous sommes rendus compte, ensuite, qu'Universal le produisait. Et regardez : le film sort en France ! Il est partout !

    Miss Lawrence : Laissez-moi vous dire que c'est la première fois qu'une personne en France m'interviewe. Et rien que ça, c'est… wow !

    TS Madison : Nous sommes contents qu'il soit parvenu jusqu'à un public international de la sorte. Les personnes LGBTQIA existent partout dans le monde, et ce film représente tous les types de personnes de cette communauté. Je trouve incroyable que la France soit aussi en train d'absorber tout cela.

    Miss Lawrence : Yeah ! Et la France connaîtra mon nom la prochaine fois que je viendrai ! 

    Jim Rash : Moi je n'ai pas tout de suite su ce dans quoi nous étions impliqués. Je veux dire par là que j'avais été convié à une lecture à laquelle Dot a également participé. C'était l'une des premières versions du scénario, dont il fallait encore faire sortir les mots. Nous n'étions pas encore engagés à l'époque. Nous étions juste des acteurs qui écoutaient ces mots, focalisés sur le fait de rendre justice au texte. C'est ensuite que nous avons appris que nous allions jouer dedans, et l'intention de Billy de ne prendre que des comédiens LGBTQIA. C'est là que le projet a pris un tout autre sens pour moi.

    Dot-Marie Jones : Je trouve que c'est quelque chose de fantastique ! Je ne pensais pas le voir arriver dans ma carrière.

    Eve Lindley : On ne cherche pas forcément à rendre un film historique ou révolutionnaire. Mais si cela se produit au cours du processus, on se sent chanceux. Et c'était très stimulant que de faire partie de ce projet.

    Capture d'écran

    Il s'agit de votre troisième comédie romantique Nicholas. Pourquoi aimez-vous autant ce genre ?

    Nicholas Stoller : J'adore la comédie romantique. C'est pour moi le plus humain des genres. Il n'y a rien de plus beau que de voir deux personnes tomber amoureuses, chercher ce qui va plaire à l'autre ou des moyens de surmonter sa vulnérabilité ou ses insécurités. Je trouve ces films fascinants, et il y a une raison pour que les gens les regardent encore et encore. Je ne sais pas combien de fois j'ai vu Quand Harry rencontre Sally, mais je savais que je vais encore le voir un million de fois.

    C'est tellement… humain - je ne vois pas comment l'exprimer autrement. Ce n'est pas le cas de beaucoup de films, mais ça l'est pour la comédie romantique. Même celles qui sont artificielles et ringardes. Ce sont des films chaleureux.

    A quel point est-il important, pour vous, de co-écrire le scénario avec votre acteur principal, qu'il s'agisse de Jason Segel avant et de Billy Eichner aujourd'hui ?

    Nicholas Stoller : J'aime travailler avec les acteurs et avec leur talent. En tant que personne qui réalise et écrit mais ne joue pas, je pense avant tout à l'histoire, aux personnages, aux thèmes, à l'intrigue… Les acteurs, quant à eux, se demandent si un humain ferait telle ou telle chose. Il m'arrive moi aussi d'y penser, bien sûr, tout comme un acteur peut se pencher sur l'intrigue. Mais cette association peut être magique.

    Dans le cas de Bros, Billy n'avait jamais écrit de film auparavant, contrairement à moi. Donc je lui ai apporté mon expertise en la matière, et mon savoir sur la manière dont les événements peuvent s'enchaîner. Mais cela raconte davantage sa vie que la mienne, car je suis hétéro et lui gay. C'est son histoire, mais j'ai pu y apporter mon ressenti et mes théories sur l'amour. Et j'ai aussi écouté ses histoires à propos de lui-même et de ses amis.

    J'aime aussi dire que je suis un hétéro marié et père de trois filles, tandis que Billy est gay et célibataire. Mais que nous sommes tous les deux des grands juifs quarantenaires avec les mêmes références de comédie (rires) Nous parlons le même langage comique, et je pense que c'est pour cela que le résultat fonctionne.

    S'il y a bien une chose que j'espère, c'est que Bros va ouvrir des yeux. Et des portes pour nous tous

    Comment avez-vous travaillé pour que les personnages secondaires aient plus de substance que ceux que nous avons l'habitude de voir dans ce type de comédies ? Avez-vous mis beaucoup de vous-mêmes ?

    Dot-Marie Jones : Il y a un peu de nous dans chacun de nos personnages, oui. Il y a à la fois ce que vous injectez en eux, mais également la volonté de proposer quelque chose d'authentique et de nouveau. Peu importe si c'est proche de ce que vous êtes dans la vraie vie ou non. Me concernant, il y a beaucoup de moi-même en Cherry, mais d'autres choses que j'ai ajoutées.

    Eve Lindley : De mon côté, je me sens très différente de mon personnage, car je ne suis pas aussi futée (rires) J'avais la chance que mon personnage n'ait pas besoin d'avoir une quelconque substance, mais j'ai fait confiance aux autres pour que Tamara ne fasse pas l'objet de blagues.

    Jim Rash : Moi j'aime penser que je suis un peu moins nerveux que Robert ne l'est (rires) Mais des personnes présentes pour cette interview risquent de ne pas être d'accord (il éclate de rire)

    Miss Lawrence : Nous sommes quand même restés fidèles au scénario ainsi qu'à ce que le réalisateur voulait. Puis il nous a laisse le champ libre pour intégrer ce que nous voyons des personnages, la manière dont nous pensions qu'ils allaient se comporter selon les situations. Et là où la corrélation entre acteurs et personnages se produit, c'est que Wanda est une personne non conforme de genre, comme je le suis aussi. Angela est une femme noire trans, comme l'est TS Madison. Nous sommes acteurs, et il était bon de pouvoir jouer quelqu'un qui est comme moi.

    De votre côté, Luke, vous jouez dans un film qui se moque des téléfilms de Noël diffusés sur Hallmark et de leur progressisme opportuniste… alors que vous avez participé à beaucoup d'entre eux.

    Luke MacFarlane : (rires) Ce qui est encore plus drôle, c'est que c'était déjà dans le scénario avant que je ne sois engagé pour jouer Aaron. Mais l'un des grands talents de Billy, c'est de savoir observer les moments culturels du monde pour en rire. Et c'est aussi un témoignage de la manière dont Hallmark a touché des gens. La chaîne existe et a du succès car il y a un désert de comédies romantiques en dehors : les gens veulent en voir d'autres tomber amoureux.

    Donc Bros rend aussi hommage à Hallmark, et j'espère que la chaîne en sera reconnaissante. On dit que la plus grande forme de flatterie, c'est l'imitation. Donc, d'une certaine manière, nous les imitons. Avec nos blagues (rires)

    Universal Pictures International France

    Un film comme celui-ci peut-il faire changer les choses à Hollywood, en matière de rôles et d'histoires ?

    Dot-Marie Jones : S'il y a bien une chose que j'espère, c'est que Bros va ouvrir des yeux. Et des portes pour nous tous. Chacun de nous est différent, au sein de la communauté LGBTQIA, comme vous pouvez le voir dans le film, et notamment dans les scènes dans la salle de réunion. Il y a différents niveaux, car nous sommes tous humains et avons tous un cœur.

    Eve Lindley : Nous avons tous prouvé que nous n'étions pas des personnes secondaires. Aujourd'hui, la balle est entre les mains d'Hollywood, vis-à-vis de ce qu'ils feront avec le film.

    Jim Rash : Il ne faut pas non plus oublier ce qui est arrivé avant Bros, et je trouve, malheureusement, qu'il y a sans cesse des pas en avant et des pas en arrière. On a forcément envie qu'il n'y ait que des avancées, et dans un élan qui fait qu'un film comme celui-ci n'est pas un événement particulier. Juste un événement tout court. Une réalité. C'est l'espoir que j'ai toujours, et je pense que nous avancerons s'il est reconnu que Bros est une comédie romantique bien faite, drôle et bien écrite, et que c'est ce qui fait sortir le film du lot.

    Propos recueillis par Maximilien Pierrette à Paris le 20 septembre 2022

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