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    Isabelle Nanty

    A l'occasion de la sortie de La Bostella d'Edouard Baer, Isabelle Nanty se livre à un tête à tête. Une interview à retrouver sur allocinetv.com

    AlloCiné : Si vous n'aviez pas été dans la profession, qu'auriez-vous fait ?

    Isabelle Nanty : L'autre jour, j'avais trouvé un bon métier : je serai rentrée dans l'armée. J'y aurais monté une troupe de théâtre. Petit à petit, cela aurait été des pièces un peu pacifistes, et j'aurais infiltré le poison de la paix dans l'armée.

    Votre premier souvenir cinéma

    Je crois que cela doit être un Louis de Funès. D'ailleurs, c'est aussi mon premier souvenir théâtre car je l'avais vu en même temps sur les planches. C'était Oscar. Ou sinon, un Pierre Richard. J'adorais, j'adore toujours.

    Votre référence absolue comme comédienne

    J'adore Shirley McLaine dans Comme un torrent (Vincente Minnelli – 1958). Ainsi que Shelley Winters dans Une place au soleil (George Stevens – 1951). Je trouve en France que Josiane Balasko fait un parcours génial.

    Vos références en matière de comédien

    Soyons sérieux cinq minutes. (rires) Paul Newman, Steve MacQueen absolument. Dans les vieux, on s'entend. Dean Martin aussi. Voilà, les plus sexy.

    A l'heure actuelle, en France, j'aime beaucoup Charles Berling, Edouard Baer, c'est un acteur qui a un charisme fou. Vincent Elbaz est parfaitement déjanté. J'ai une tendresse particulière pour Vincent Lindon. J'adore absolument Gérard Lanvin. Je les trouve sexy et intelligents. Pour moi, l'intelligence est la première des séductions. Ensuite, l'humour, mais je m'en fous un peu...

    Votre plus grand regret professionnel

    Tous les regrets et aucun. J'ai beaucoup de chance. J'ai rencontré des gens exceptionnels. Et en même temps, on peut avoir tous les regrets. J'ai peut-être manqué pas mal d'intelligence. Je n'avais pas bien compris comment cela marchait. Que c'était un métier où il fallait se proposer, être un peu plus active, conscient et lucide de ce que l'on dégage. Là-dessus, je suis zéro sur vingt.

    En tout cas, les incursions que je peux faire dans les films ou les rôles, les petits rôles que j'essaie de faire le mieux possible, m'ont ravi.

    Votre meilleur souvenir professionnel

    J'ai trois meilleurs souvenirs. Evidemment, Tatie Danielle d'Etienne Chatilliez. Ce que j'adore, ce sont les rencontres avec les directeurs d'acteurs ; j'adore me fondre dans la méthode de quelqu'un. Avec Etienne, c'était comme si j'étais une pâte que l'on modèle.

    Dernièrement avec Jean-Pierre Jeunet pour Amélie ; là c'était comme un cerf-volant : je volais et lui me disait où je devais voler. C'était génial.

    Et, d'une manière extraordinaire, Edouard Baer m'a dirigé et me dirige à chaque fois parce que j'ai joué une pièce avec lui, et dans les petites saynètes qu'il faisait pour Canal+ (Le Centre de visionnage, NDLR), il a une manière de vous mettre en ivresse. Donc, du coup, il a des choses totalement spontanées, mais dans une rigueur totale. C'est certainement la marque des grands, c'est-à-dire de savoir absolument ce qu'ils veulent, d'être rigoureux, et en même temps, de laisser une grande liberté.

    Votre film de chevet

    Mon film de chevet ? (silence) J'adore tous les films de Robert Redford, surtout Au Milieu coule une rivière. Souvent, j'aime un metteur en scène et tous ses films qui suivent. Les films des frères Coen, avec une affection particulière pour The Big Lebowski.

    J'ai adoré La Haine de Mathieu Kassovitz.

    Il y a aussi les films de Fellini, en particulier Huit et demi. La filmo de Bergmann. Tout comme celle de Tim Burton, une véritable poésie. J'adore Le Père Noël est une ordure ; c'est un chef-d'oeuvre. Ainsi que tous les films du Russe Nikita Mikhalkov.

    Votre plus grand désir

    Faire mon film, Le Bison. Et continuer de rencontrer des gens dont je suis fière de participer à l'oeuvre. Que ce soit au théâtre ou au cinéma. Rencontrer des gens passionnants, étonnants.

    Un don, un talent caché ?

    Caché signifierait qu'il y en a qui se voient. Cela me fascine chez les acteurs ou les gens connus de savoir s'ils font des claquettes, ou parlent le serbo-croate...(rires). J'ai fait de l'islandais ancien. Mais, bon, je ne sais plus dire que le mot "lac". Je parle aussi le norvégien, donc je comprends le suédois et le danois. J'ai adoré Festen de Thomas Vinterberg.

    Un talent caché ? Non, hélas, je ne pense pas avoir de talent caché.

    Si vous deviez arrêter le métier, que regretteriez-vous le plus ?

    Franchement, je me suis entraînée pendant de longues années à mettre autant d'intensité dans ma vie que dans mon métier. Pour moi, être avec vous ou avec mon parrain que je vais voir ce soir ou mes meilleurs amis, ou tourner un film ou répéter une pièce, c'est le même plaisir.

    Je cherche à ce que l'intensité que je mets dans les choses soit la même, et qu'il n'y ait pas d'ennui quand j'arrête de faire mon métier. Je continuerais à créer ces moments là, à me mettre dans ce plaisir là ; à préparer des bons plats. Peut-être je serais à la campagne, avec des grands écharpes, et je serais écrivaine (rires). On ne sait jamais.

    A une époque, j'ai eu une passion pour les vaches ; j'ai été fermière, commis de ferme dans mon village pendant longtemps. C'est la rencontre des gens qui est important, et ce que l'on vit avec eux.

    De toute façon, si l'on arrête ce métier, c'est que l'on est obligé, ou c'est un choix. Donc, pas de regrets. Je ne suis pas aigrie du peu que l'on m'utilise, c'est-à-dire dix jours par an. Donc, il faut bien que je m'occupe tout ce temps là.

    Votre première réplique au cinéma

    Non. Parce que je crois que c'était un film pour la campagne contre le tabac. (hésitations) A moins que cela ne soit Les Planqués du Régiment, je ne savais pas dans quoi je tournais.

    On va plutôt compter que mon premier film, c'était Le Faucon (Paul Boujenah – 1983). Cela devait être "Bienvenue sur Radio je-ne-sais-pas-quoi", j'étais une animatrice radio. On ne voyait que ma bouche.

    Qu'est-ce que "La Bostella" ?

    C'est une danse binaire, qui se voulait être un exutoire : un rythme de défoulement et un autre où l'on s'allongeait par terre pour méditer et réfléchir à la vie. Une sorte de "dansodrame" mimé. Voilà ce que j'ai compris de cette danse.

    Et "La Bostella" d'Edouard Baer ?

    C'est justement une invitation à danser. Avec les prises de tête que cela comporte. C'est quelqu'un qui doit faire un entertainment, une émission de divertissement en prime-time et qui se prend la tête là-dessus. Ce personnage, interprété par Edouard Baer, est chargé avec ses potes loufoques de répéter une émission pendant un mois en été... Puis, d'un coup, ils se retrouvent en pleine crise d'inspiration et de doutes. Avec arrachage de cheveux, brouilles et effusions de sang ! (rires).

    Qu'est-ce qui vous a plu dans le scénario ?

    Justement toute cette ambiguïté. Il faut être très courageux pour faire du divertissement ; il faut se jeter, se lancer, et en même temps, avoir conscience de son image tout en étant un pitre. Avec toutes les perversités de la télévision, ainsi que les ego de chacun. Cela parle bien de notre métier, de comment gérer tout ce qui est libre, pervers et sombre.

    Votre personnage

    Je joue la productrice qui met la pression. Tout est une question de point de vue. Quand on investit de l'argent, on veut que ça soit bien, que ça soit drôle. Elle aime ce qui "marche". Elle se mêle de tout, parce qu'elle a peur. On ne peut pas tenir les rênes de l'inspiration d'un artiste. Un artiste est quelqu'un qu'on ne peut pas gérer, on ne peut que le porter, le protéger, et le soutenir.

    Les conditions de tournage

    Très précisément et d'une manière très joyeuse. Edouard Baer qui a l'air d'être le personnage le plus approximatif de la terre et le plus inspiré n'improvise pas. Le texte était écrit, c'était très précis dans les indications. Il a quelque fois une musique très précise dans la tête, et tant qu'il ne l'entend pas, il la fait refaire. Mais, il n'est pas du tout tyrannique, plutôt doux et rassurant. Il est très intelligent et habile ; il sait quand l'humeur tombe. Il fait alors un petit spectacle, cela dure deux minutes et tout repart. Il sait mettre tout le plateau dans une humeur, et c'est la marque des grands. J'ai vu, à l'époque des Visiteurs, comment Jean-Marie Poiré arrivait à insuffler le rythme, l'humeur exact qu'il voulait dans son film. C'était très marrant. On s'est tous retrouvés car Edouard est quelqu'un de très fidèle, on se connaît tous depuis dix ans.

    Qu'est-ce qui vous fait rire ?

    Je suis très bon public. Ce sont les gens qui me font rire. Généralement ceux avec qui je travaille, comme Gad Elmaleh, qui est très communicatif, très contagieux dans sa vision du monde et de la manière de la transmettre ; Pierre Palmade, qui est quelqu'un de fulgurant, "une comète de l'intelligence".

    J'ai eu la chance de travailler avec la troupe des Robins des Bois. J'admire Pierre-François Martin Laval qui est un vrai fou, a son propre univers. Edouard Baer me fait hurler de rire. Mes proches aussi, comme ma grand-mère. Avec James Huth (réalisateur de Serial Lover), on se marre comme des baleines car on aime les personnages de la vie.

    Vos prochains projets

    Je voudrais bien mettre en scène une pièce de Fabrice-Roger Lacan, Cravate Club avec Charles Berling et Edouard Baer. J'ai aussi une envie folle de réaliser mon film, Le Bison, une histoire très simple où une femme se retrouve dans la merde, et c'est le bison qui l'aide, son voisin.

    Avec Edouard Baer ?

    Non, avec un bison ! (Rires)

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