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    The Fabelmans : comment Spielberg a recréé ses tout premiers films
    Emilie Schneider
    Emilie Schneider
    -Journaliste
    Amatrice d’œuvres étranges, bizarres, décalées et/ou extrêmes, Emilie Schneider a une devise en matière de cinéma : "si c'est coréen, c'est bien".

    Avec "The Fabelmans", Steven Spielberg livre un récit initiatique situé dans l’Amérique des années 1950 inspiré de ses souvenirs d’enfance. Il y revient sur les origines de sa passion pour le cinéma.

    Storyteller Distribution Co., LLC. All Rights Reserved

    The Fabelmans de Steven Spielberg

    Avec Gabriel LaBelle, Michelle Williams, Paul Dano...

    De quoi ça parle ? Portrait profondément intime d’une enfance américaine au XXème siècle, The Fabelmans de Steven Spielberg nous plonge dans l’histoire familiale du cinéaste qui a façonné sa vie personnelle et professionnelle. À partir du récit initiatique d’un jeune homme solitaire qui aspire à réaliser ses rêves, le film explore les relations amoureuses, l’ambition artistique, le sacrifice et les moments de lucidité qui nous permettent d’avoir un regard sincère et tendre sur nous-mêmes et nos parents.

    Passionné de cinéma, Sammy Fabelman passe son temps à filmer sa famille. S’il est encouragé dans cette voie par sa mère Mitzi, dotée d’un tempérament artistique, son père Burt, scientifique accompli, considère que sa passion est surtout un passe-temps. Au fil des années, Sammy, à force de pointer sa caméra sur ses parents et ses sœurs, est devenu le documentariste de l’histoire familiale ! Il réalise même de petits films amateurs de plus en plus sophistiqués, interprétés par ses amis et ses sœurs. Mais lorsque ses parents décident de déménager dans l’ouest du pays, il découvre une réalité bouleversante sur sa mère qui bouscule ses rapports avec elle et fait basculer son avenir et celui de ses proches.

    The Fabelmans
    The Fabelmans
    Sortie : 22 février 2023 | 2h 31min
    De Steven Spielberg
    Avec Gabriel LaBelle, Michelle Williams, Paul Dano
    Presse
    4,9
    Spectateurs
    4,2
    louer ou acheter

    Les films de Sammy Fabelman

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    Steven Spielberg a réalisé plusieurs films quand il était adolescent dans l’Arizona avec ses amis et ses proches, dont The Last Gunfight, un western de 8 minutes ; un film de guerre de 40 minutes intitulé Escape To Nowhere ; et Firelight, un film de science-fiction de 2h15 autour des OVNI tourné pour 500 dollars qui a servi d’inspiration à Rencontres du troisième type.

    Pour créer les films de Sammy Fabelman, et reconstituer ses tournages, il a d’abord fallu réunir le bon matériel. Steven Spielberg et Tony Kushner souhaitaient qu’on assiste aux progrès de Sammy à travers son utilisation de caméras 8 mm à tourelle – une Kodak Brownie, une Eumig et une Bolex – afin d’illustrer sa maîtrise croissante de la technique de prise de vue. Sammy franchit une étape en passant au 16 mm avec une Arriflex 165. Au départ, Spielberg souhaitait que Sammy monte ses films sur une machine Manette 8mm – le même outil dont le cinéaste se servait, enfant, et qui n’a pas été facile à trouver sur eBay. Mais le réalisateur a changé d'avis car l'écran était trop petit pour lui. L’équipe a fini par utiliser une table de montage Mansfield Fairfield 8mm Action Editor et par la moderniser pour l’adapter à ses besoins.

    Pour les versions de Sammy de The Last Gunfight et Escape To Nowhere, Spielberg a tourné plusieurs images lui-même. Il reconnaît que la qualité des films de Sammy dans The Fabelmans est largement supérieure à celle de ses réalisations de l’époque : "J’aurais aimé pouvoir reproduire mes films 8mm avec le même côté amateur qui me caractérisait quand j’étais ado mais je n’ai pas pu résister à l’envie de rechercher un meilleur emplacement pour ma caméra, en 2021, au moment où j’ai tourné le film, que celui que j’avais trouvé en 1961. C’était plus fort que moi".

    Un hommage aux figures maternelles

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    À travers le personnage de Mitzi, The Fabelmans dresse le portrait d'une mère qui, comme tant de femmes de sa génération, a dû tirer un trait sur sa carrière, ses ambitions et ses aspirations pour correspondre aux attentes et aux normes de la société et pour s’occuper des autres. Il y a une séquence en particulier, celle de la tornade, qui est un hommage particulier de Spielberg à sa mère et à sa vision du monde : "Ma mère m’a toujours encouragé – métaphoriquement – à chasser les tornades toute ma vie".

    Le scénariste Tony Kushner s'est également nourri de sa propre mère Sylvia Kushner, joueuse de basson professionnelle, qui a fait des enregistrements avec Stravinsky et s’est produite avec le New York City Opera. Elle a mis fin à sa carrière de musicienne pour élever ses enfants lorsque la famille a quitté New York pour s’installer à Lake Charles, ville natale de son mari. Selon Kushner, Mitzi incarne les femmes de cette époque qui ont sacrifié leurs rêves et se sont efforcées de s’y résigner. "C’est une génération de femmes qui n’ont pas connu le féminisme. Elles savaient qu’un changement phénoménal allait se produire, mais il n'était pas encore arrivé et elles restaient prisonnières des injonctions d’un monde archaïque".

    Un réalisateur impliqué émotionnellement

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    Le tournage a provoqué des émotions inattendues chez Spielberg. Le réalisateur s'était promis de rester professionnel et de garder une certaine distance avec son sujet mais une fois sur le plateau, les choses se sont compliquées : "Le récit ne cessait de me ramener à de véritables souvenirs. C’était à la fois délirant et étrange de reconstituer des événements qui m’étaient vraiment arrivés et de les voir se dérouler sous mes yeux. Je n’avais jamais vécu une telle expérience". Parfois, le cinéaste oubliait même de dire "Coupez !", tant il était plongé dans la scène.

    Le premier jour du tournage, lors de la découverte de la reconstitution de la maison familiale, le réalisateur admet : "il a vraiment fallu que je prenne sur moi. J’ai arpenté les pièces, seul, avec une boule dans la gorge". Face à la découverte de Paul Dano et de Michelle Williams dans la peau de ses parents, il ajoute : "Je voyais ma mère et mon père. J’ai un peu perdu pied. Michelle et Paul ont été adorables : ils sont venus me voir, m’ont pris dans leurs bras et on s’est serrés très fort. C’était le début d’une très belle amitié".

    Un projet au long cours

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    The Fabelmans est un projet auquel Steven Spielberg songe depuis longtemps. Cependant, il n’a pas envisagé de s’y atteler sérieusement avant de nouer une forte complicité avec Tony Kushner, dramaturge et scénariste lauréat d'un prix Pulitzer, d'un Tony, d'un Emmy et nommé à plusieurs reprises aux Oscars.

    Les deux hommes ont collaboré pour la première fois en 2005 sur Munich et c'est d'ailleurs sur ce tournage que Kushner a demandé à Spielberg à quel moment il avait décidé de devenir réalisateur. Il ne le savait pas mais Kushner venait de poser une question profondément intime, dont la réponse allait servir de fondement à The Fabelmans.

    Les deux hommes ont entrepris son développement en parallèle de leurs projets communs, profitant des temps morts sur les tournages. Sur Lincoln, leurs conversations ont même abouti à un traitement pour un projet différent qu'ils ont décidé d'écarter, inspiré d’événements s’étant produits après ceux relatés dans The Fabelmans. La préparation ensuite de West Side Story, qui exigeait des acteurs d'intenses répétitions pour les chorégraphies, a laissé le temps au duo de prolonger son travail.

    Qui plus est, après West Side Story, le réalisateur a ressenti une forme d’urgence à finaliser le scénario : son père, Arnold Spielberg, dont l’état de santé se dégradait depuis plusieurs mois, est décédé en août 2020. (Sa mère, Leah Adler, avait disparu quatre ans plus tôt). Puis la pandémie est arrivée : "Tandis que la situation sanitaire empirait, je me demandais ce que je souhaiterais laisser derrière moi et à quelle problématique centrale je voulais absolument m’attaquer".

    Grâce à des rendez-vous à distance via Zoom, Spielberg a confié d’autres souvenirs à Kushner qui, lui, prenait des notes. Après une première version du scénario en septembre 2020, Kushner et Spielberg ont entamé un nouveau travail d’écriture à deux, à partir du 2 octobre, en travaillant trois jours par semaine, au rythme de quatre heures par jour.

    Sammy Fabelman

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    La directrice de casting Cindy Tolan s’est attelée à dénicher les deux acteurs qui interprètent Sammy à des âges différents. Le débutant Mateo Zoryan Francis-DeFord campe le petit Sammy qui, à 6 ans, découvre sa vocation après avoir vu Sous le plus grand chapiteau du monde.

    Pour Gabriel LaBelle, Steven Spielberg plaisante : "Je recherchais quelqu’un de beaucoup plus beau que moi". Plus sérieusement, il ajoute : "J’ai choisi un garçon d’une curiosité insatiable car c’est une qualité qui m’a toujours caractérisé. Et en tant que personne, Gabe est extrêmement curieux".

    Lorsqu’il a passé sa première audition, LaBelle ne savait presque rien du rôle ou de ses liens avec Spielberg, si ce n’est que le personnage "était futé et se connaissait bien". Lors de sa deuxième audition, il s’est entretenu avec Spielberg via Zoom, et après que le réalisateur a rassuré le jeune acteur, LaBelle a entamé un monologue où Sammy explique à son père qu’il lui en veut d’avoir déménagé en Californie. "Steven m’a dit qu’il ne voulait pas que je l’imite", précise le comédien.

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