« Chaque tour de magie comporte 3 parties ou actes. Le premier s’appelle la promesse. Le magicien nous présente quelque chose d’ordinaire. Le deuxième acte s’appelle le tour : le magicien utilise cette chose ordinaire pour lui faire accomplir quelque chose d’extraordinaire. Mais vous pouvez vous résoudre à applaudir puisque faire disparaître quelque chose est insuffisant encore faut-il le faire revenir. Alors on cherche le secret, mais on ne le trouve pas puisqu’on ne regarde pas attentivement, vous n’avez pas envie de savoir. C’est pourquoi en magie, il existe un troisième acte, le plus difficile, celui qu’on nomme le prestige. » Ce processus décrit par Cutter interprété par Michael Caine dépeint l’arc narratif du film des frères Nolan. Cette adaptation du roman de Christopher Priest, capte notre attention vers un tour de magie de 130 minutes ou les métaphores littéraires deviennent visuelles.
Les antagonistes de la réalité, Robert Angier (Hugh Jackman) et Alfred Borden (Christian Bale) s'opposent à travers des tours de magie qui deviennent de plus en plus dangereux et surnaturels. La seule chose qui rejoint les deux rivaux, c’est cette obsession pour la lumière et la gloire. Le contexte spatio-temporel est prestigieux puisque l’époque victorienne renvoie aux grands changements sociaux avec la révolution industrielle et l’embourgeoisement. La notion d’image devient primordiale pour nos personnages par le fait que les publicités étaient à chaque coin de rues de Londres. L’imagerie était très impressionnante à cette époque à travers elle, on y diffusait l’information et la publicité. « Avec les progrès des techniques (eau-forte, lithographie, gravure sur bois), on peut reproduire en grande quantité et à faible coût des images populaires. Si ces images ne sont pas forcément achetées par l’ouvrier et le paysan anglais, elles touchent un public qui dépasse largement celui des amateurs d’art, par les vitrines des éditeurs qui les exposent, par les pubs qui en acquièrent pour décorer leur intérieur, puis, plus tard, par leur reproduction sur des objets ou dans des organes de presse.* » Le nouvel aspect à l’information au cœur de cette époque étouffante oblige nos illusionnistes à devoir aller de plus en plus loin dans leur représentation.
La présence de Nikola Tesla (interprété par David Bowie) n’est pas anodine dans le film. Alfred Borden en serait sa représentation fictive. Tous les deux sont des hommes brillants avec un taux d’auto-exigence surélevé. Ces deux personnalités sont capables de mettre leur sentiment de côté (lié aussi à des problèmes de communication) dans l’objectif d’améliorer leur travail. Face à Tesla, son concurrent et ennemi Thomas Edison qui à l’instar d’Angier est capable de saboter le travail d’autrui. Lors de la guerre des courants, Edison face au courant alternatif de Tesla, décide de discréditer son travail en le disant dangereux et mortel. Vis-à-vis de ses fausses informations, Edison envoie des techniciens superviser pendant des années des électrocutions d’animaux. Edison et Angier sont des maniaques en communication, c’est pourquoi leur nom restera gravé dans la mémoire des publics. Les magiciens du film deviennent des pseudo-scientifiques, car ces deux domaines, opposés d’origine sont obsédés par les choses qu’ils ne comprennent pas.
Le prestige est une fiction très intelligente multipliant les références de l’époque Victorienne et faisant avancer l’histoire des acteurs en même temps que le spectateur ce qui entretient le suspense jusqu’à la fin du film qui révèle son Prestige.
* Bensimon Fabrice, « La culture populaire au Royaume-Uni, 1800-1914 », Revue d’histoire moderne & contemporaine, 2001/5 (no48-4bis), p. 75-91. DOI : 10.3917/rhmc.485.0075. URL : https://www.cairn-int.info/revue-d-histoire-moderne-et-contemporaine-2001-5-page-75.htm