Suite à l'immense succès des différentes versions de Street Fighter II en arcade et sur consoles, et après un long métrage animé de bonne qualité, Street Fighter continue ses déclinaisons et se voit adapté en film d'action américain. Si on retrouve sans surprise Bison comme méchant (qui aura marqué la fin de la carrière et la mort de Raul Julia, notamment connu pour son rôle de Gomez dans la saga La famille Addams), c'est Guile qui endosse le rôle du héros (ce qui va de pair avec l'aspect canonique de l'ending de Guile dans le jeu), sous l'égide de la star de l'époque Jean-Claude Van Damme (déjà connu pour de nombreux films d'arts martiaux comme Bloodsport, Kickboxer, Double Impact et Universal Soldier). Le scénario est intelligent car il s'éloigne de celui d'origine pour se trouver dans un univers un peu plus réaliste, plus urbain avec l'intervention de l'armée et l'organisation de combats clandestins, tout en respectant l'esprit de la série. Le film commence in medias res avec une musique épique montrant le logo Street Fighter et enchaînant sur des reportages de guerre, où l'on aperçoit Chun Li en journaliste parler des otages retenus par Bison, gradé général, et passer le micro le colonel Guile, qui commence déjà à provoquer Bison en direct car il lui en veut personnellement pour son ami Charlie, qui n'est pas mort mais retenu parmi les otages. Les hostilités sont alors lancées entre les deux personnages, Bison lance un compte à rebours de trois jours pour qu'on lui verse vingt milliards de dollars et Guile fait la connerie de dire aux otages de tenir bon, tout particulièrement à Charlie, dont Bison va alors se servir pour créer un prototype de soldat génétiquement modifié.
On retrouve les seize personnages de la série d'origine, excepté Fei Long étant donné qu'il est déjà un hommage à Bruce Lee par Capcom ; cependant, l'acteur jouant Ryu a quelques ressemblances avec le célèbre acteur et on peut voir un clin d’œil au combat final d'Opération Dragon lorsqu'il se bat contre Vega. Ryu et Ken sont de gentillets voyous qui tentent d'arnaquer Sagat en lui fournissant de fausses armes, ce dernier faisant combattre Vega sur un ring avec des paris clandestins. Chun Li est de son côté accompagnée de Balrog, cameraman ayant dû raccrocher ses gants, et de Honda en perchman et sumo hawaïen. Guile est accompagné du lieutenant Cammy, jouée par la jolie chanteuse Kylie Minogue, ainsi que de T. Hawk, mais c'est vraiment histoire de dire que c'est lui car le type ne lui ressemble que très vite fait avec ses cheveux mi-longs et son petit bandeau exotique. Parmi les acolytes de Bison, on trouve un Zangief bien fendard et un Dee Jay à l'humour de black de service. Dhalsim est étrangement devenu un scientifique forcé par Bison de modifier génétiquement Charlie, afin qu'il devienne une machine à tuer, et portant le dog tag de Carlos Blanka. Fei Long est remplacé par le militaire Sawada, un asiatique sous les ordres de Guile.
Parmi les ressemblants, Honda fait partie de ces personnages qui s'affranchissent de leur modèle tout en parvenant à arborer un faciès et une attitude convaincante, Guile s'en sort bien même si on aurait la même coiffure en brosse, Chun Li est bien fichue et on la reconnaît parfaitement quand elle porte son costume, Zangief est bien rendu grâce à la facilité de son cliché russe mais est surtout mentalement très abêti entre le fait qu'il se soit fait engager par Bison sans être payé et qu'il met son pouce sur le côté et non vers le haut, Kylie Minogue fait honneur à Cammy avec un rôle militaire bien inspiré de son rôle d'agent secret du jeu, Dee Jay a la même tête mais des expressions faciales très axées humour à deux balles et il ne combat pas, Balrog est tout juste honorable, Vega s'en sort pas trop mal avec son masque et son visage mais ne parle presque pas, Sagat manque de carrure mais a vraiment une bonne tête avec son crâne rasé et son monocle noir, tandis que Bison a un costume très convaincant et dégage un certain charisme malgré ses yeux globuleux et pas mal de scènes surjouées. Parmi les peu ressemblants, Ryu et Ken son frappants dans la banalité de leur rôle, mais leur humour et leurs combats les rendent fort sympathiques ; mais le plus raté reste T. Hawk, qui n'a plus rien à voir avec le grand mexicain d'origine et n'est présent que par son nom au casting de fin. Si Dhalsim n'a plus rien à voir avec le bonze d'origine, il reste un personnage intéressant qui aurait dû porter un autre nom ; on le voit pourtant apparaître avec le même physique que dans le jeu tout à la fin, comme s'il avait été prévu comme ça au départ, ce qui présente une incohérence. Charlie (mentionné dans l'ending de Guile et présent pour la première fois dans le jeu Street Fighter Alpha)
devient étrangement Blanka avec un physique assez approximatif et un visage monstrueux plus dans le sens déformé que bestial.
Le film comporte de nombreux clins d’œil au jeu, aussi bien généraux que dans les coups et les poses des personnages. Outre les boutons type arcade des armes de défense de Bison et sa prononciation de « GAME OVER » quand il détruit le vaisseau de Guile, Dee Jay qui mentionne la Jamaïque, la maquette de Shadaloo qui a la forme du logo, la présence d'une grande cloche dans l'antre de Bison et des barils qui sont détruits en plein combat, certains persos nous font honneur de leurs coups spéciaux plus ou moins réussis : Ryu fait une sorte de Hado-Ken express visible par un simple flash (le film voulant être plus réaliste, on peut comprendre l'absence de réelles boules d'énergie comme le sonic boom et le yoga flame), Honda qui fait un combat de titan face à Zangief avec des placages, ses mille coups de poing mais aussi sa pose de victoire où il fait un tour avec sa tête (ses traces de sang sur le visage rappellent même ses peintures à la fin), Blanka semble électrocuter le surveillant du laboratoire, Van Damme démontre ses capacités au combat avec deux superbes flash-kicks et un magnifique coup de pied près du sol face à Bison, Ken fait vite fait un dragon punch et un tatsumaki sans trop se fouler, Chun Li montre surtout un magnifique coup de pied aérien archi surjoué et au ralenti, Cammy effectue une prise avec ses jambes, Balrog donne quelques coups de poing dont un en chargeant avec un jingle cartoonesque et Bison obtient le pouvoir de léviter pour foncer sur son adversaire et d'envoyer des éclairs, soit de bons ersatz à son psycho-power. S'il est dommage que Vega et Sagat ne fassent rien de spécial au combat, il est encore plus dommage que des personnages comme Dee Jay et Dhalsim ne combattent pas du tout.
Très classique et à l'univers déjà vu de nombreuses fois dans des films d'action , Street Fighter s'en sort pourtant très bien grâce à une narration très efficace dans l'enchaînement et l'alternance des scènes, notamment lors de combat en parallèle sur la fin :
le combat entre Guile et Bison qui dure tout du long pendant que s'affrontent Honda et Zangief, Ryu contre Vega et Ken contre Sagat.
Les combats sont souvent très clichés voire kitsch dans les plans (Ryu et Ken qui donnent un coup de poing en même temps pour mettre KO le bourreau de Honda) et dans l'expression des personnages (Guile et Chun Li quand ils font leur coup de pied aérien, Bison qui surjoue à fond son rôle de dictateur). Le film arbore globalement une réalisation de série B mais l'utilisation des personnages est intelligente malgré quelques forts manques de ressemblance, la relation entre eux fait ressortir des détails intéressants et les dialogues valent leur pesant de cacahuètes : entre Sagat qui dit à Bison que ses billets ne valent pas leur poids de papier toilette, Balrog qui demande à Honda de lui ramener une pizza pendant qu'il place son esprit ailleurs, Honda qui dit à Bison qu'il va démolir sa porte, les soldats qui replacent Ryu et Ken en criant « DANS LE CAMION !! », Guile qui sort à Bison qu'il adore se faire mousser à la télé et que les huissiers viennent le prendre en fin de crédit, Bison qui parle de paix bisonique avec sa maquette de Bisonopolis, Chun Li qui dit bonjour la coiffure à Cammy, Dee Jay qui se demande pourquoi il n'est pas resté chez Microsoft, Guile qui propose d'aller voir si l'eau est bonne quand Cammy lui annonce qu'ils vont boire la tasse, Zangief qui s'émeut du discours surjoué de Bison et qui demande à changer de chaîne quand sa cargaison s'apprête à exploser, il y a largement de quoi se marrer !
Pour autant, et comme nombreux de ses alter ego des années 90, le film tient la route et apporte même une intrigue intéressante et quelques passages émouvants.
La mise en scène de la mort de Guile fait s'interroger le spectateur et
met sur la tapis les motivations personnelles de Guile et de Chun Li (C'est la journaliste qui me le demande, ou quelqu'un d'autre ?), ses deux personnages ayant de bonnes raisons d'en vouloir à Bison, Guile lui disant clairement qu'il ne la comprend que trop,
mais la faisant arrêter par devoir,
bien que s'avouant qu'il ne peut s'empêcher lui-même de mettre en œuvre une vendetta privée. Le discours de Bison
après la fausse mort de Guile
montre toute la psychopathie du personnage mais aussi un certain respect envers son rival, qui se vérifie lors du combat final alors qu'ils veulent tous deux s'affronter seul à seul. Le discours de Guile à ses soldats est à la fois touchant dans son développement (ben moi à la maison, j'y rentre pas tout de suite) et drôle dans son dénouement avec sa désobéissance, jusqu'à dire à son supérieur qu'il ne peut rien faire car il lui a retiré son commandement.
Chun Li va jusqu'à se faire enlever par Bison
et une scène d'une certaine intimité s'installe entre eux, entre Bison qui s'habille chiquement et Chun Li qui lui conte l'histoire de son père qu'il a tué. Dhalsim est également un personnage touchant dans le sens où il fait ce qu'il peut pour sauver l'esprit de Charlie en lui faisant voir des images joyeuses à la place des scènes de guerre et de désolation,
si bien que Blanka viendra le sauver de son surveillant et qu'il empêchera Guile de lui tirer une balle par pitié, en lui faisant comprendre qu'il est encore mentalement humain
(Et vous le tueriez parce qu'il a des difficultés à faire la différence ?). Le film finit classiquement mais brillamment
par la défaite de Bison et l'explosion de son repaire, tandis que l'on croit encore Guile mort durant quelques secondes, ce qui est par contre tristement le cas de Dhalsim et Blanka, n'ayant pas voulu partir après ce qui s'est passé.
La joie de la scène finale conclut le flm d'une très belle manière avec la pose mythique des combattants survivants suivie du titre et du logo. Quoi qu'en disent certains, Street Fighter est une adaptation réussie du jeu vidéo grâce à un réalisateur qui a su innover avec des apports personnels, à l'hétérogénéité efficace des acteurs, au fait que la plupart soient bien traités dans l'importance de leur rôle (là où le long métrage animé n'en montre certains que pendant une seule scène histoire de dire qu'ils ne les ont pas oubliés), et bien sûr grâce au talent et à l'humour de Jean-Claude Van Damme, qui parvient même à effrayer une armée de soldats munis de mitraillettes avec un simple petit couteau !!