Après avoir réalisé des publicités et des clips vidéo pendant dix ans, Tony Kaye se lance dans le septième art en 1998, avec l’ambition de porter ses projecteurs sur la délicate question du racisme ancré aux Etats-Unis.
A travers l’histoire de deux frères américains, Derek et Daniel Vinyard, membres du mouvement skinhead néonazi, Tony Kaye s’interroge sur les racines et les conséquences des violentes discriminations raciales qui déchirent le pays de l’Oncle Sam depuis des décennies. Mais American History X retrace également le parcours de rédemption de Derek qui, après avoir pris conscience de la futilité de sa haine raciale, tente d’empêcher son frère cadet d’emprunter la même voie que lui.
Bien que Joaquin Phoenix ait été initialement choisi pour incarner le principal protagoniste de ce film à la dimension sociale omniprésente, c’est Edward Norton qui a obtenu le rôle du charismatique Derek Vinyard et qui a accédé à la notoriété deux ans plus tôt, grâce à son interprétation remarquée dans Peur primale qui lui a valu le Golden Globe du meilleur acteur dans un second rôle. Pour American History X, Edward Norton prouve une nouvelle fois son grand talent d’acteur et sa capacité à s’impliquer complètement dans la peau de son personnage, allant jusqu’à gagner 14 kilos de muscles pour incarner le skinhead néonazi. Au-delà de cette transformation morphologique, l’interprète de Derek offre une prestation stupéfiante, effrayante et émouvante, qui a convaincu la quasi-unanimité des critiques et a été salué par une nomination à l’Oscar du meilleur acteur en 1999. A ses côtés, le jeune Edward Furlong, connu depuis son interprétation de John Connor dans Terminator 2, joue le rôle du frère cadet Daniel, tiraillé entre deux chemins à suivre.
A l’issue de sa sortie dans les salles internationales, le budget de production de 20 millions de dollars est à peine rentabilisé (23 millions de recettes), sans doute en raison de la classification R aux Etats-Unis et l’interdiction aux spectateurs de moins de 12 ans en France. Dans l’Hexagone, American History X n’a attiré que 620 000 spectateurs, ce qui ne l’a pas empêché d’accéder au rang des films cultes au fil des ans, une consécration méritée pour une œuvre aussi profonde, réaliste, complexe et torturée.
Parce que l’intrigue du film tourne autour du racisme, la violence est au cœur de celui-ci et certaines scènes n’hésitent pas à frôler l’acceptable. La vulgarité est également très présente, en témoigne l’usage intensif du mot « fuck » dans la VO, cité plus de 200 fois durant les deux heures de film. Mais cette violence à la fois physique et verbale ne choque pas outre-mesure au regard du sujet et du cadre choisis, et permet de retranscrire davantage l’impitoyabilité et la brutalité d’un groupuscule nazi.
Sur le plan technique, le basculement entre la couleur et le noir et blanc est un choix pertinent pour permettre au spectateur de se situer dans le temps, de l’époque où Derek a adopté les théories racistes jusqu’à celle où il les a abandonnées. Toutefois, l’utilisation de plusieurs très gros plans n’est pas forcément nécessaire et compréhensible, mais on pardonne aisément à un réalisateur dont il s’agit du premier film.
Enfin, sans en dévoiler le contenu, l’épilogue de cette plongée obscure dans les pensées racistes américaines ne peut laisser indifférent et s’élève au panthéon des fins les plus marquantes de l’histoire.