LA FRONTIERE DE L’AUBE distille lentement (mais sûrement) un parfum envoûtant, une odeur d’antan avec sa forme en noir et blanc, qui rend l’œuvre terne et triste (le noir à l’image du désespoir ou justement l’absence de couleur qu’il représente et le blanc comme la pureté, référence d‘innocence, de bonheur immaculé.) par rapport à son sujet; celui de l‘éternel amour, de la complexité des sentiments amoureux (réflexion ici des conséquences sentimentales dévastatrices). Philippe Garrel a choisi de décomposer l’histoire en deux temps, avec une première partie censée, axée sur deux personnages confrontés à leurs sentiments, à leurs désirs (Laura Smet rayonnante, dont l‘immensité de son talent est indéniable). On se laisse rapidement emporter dans la tourmente, une tourmente enivrante, saisissante. Puis vient la seconde partie, centrée sur le personnage de Louis Garrel (très juste dans son interprétation) qui évolue de manière mystique, irréelle dans un univers sentimental parallèle, impénétrable. C’est là que l’illusion des sentiments cesse et c’est là que commence l’éternité d’une passion, d’un amour jamais mesuré, à vrai dire démesuré, dangereux, chaotique. Si la douleur est latente, traînée sur la longueur, avec des délires fantomatiques, des frustrations et des incertitudes malheureuses, le film lui ne souffre d’aucune longueur et la durée rend encore plus percutant le final dramatique qui conclut cette vision philosophique profonde sur l’amour et ses dérives, ses excès et ses mystères avec une subtile émotion évitant dignement la frontière du ridicule grâce à l’absence de pathos et de poncifs affectifs.