le reste des films en compétition était également digne d’intérêt.
L’orphelinat dont il est ici question est une magnifique demeure, dans laquelle Laura a passé ses jeunes années dans un climat chaleureux, rempli du cri des enfants jouant les uns avec les autres. Bien des années plus tard, Laura décide de s’y installer avec son époux, Carlos, et son fils, Simon. L’orphelinat s’en en effet vidé de ses pensionnaires au fil du temps, pour finalement tomber dans l’oubli. Les souvenirs heureux de Laura la poussent à rendre ce qu’elle à reçu, et à faire renaître la petite structure en accueillant un petit groupe d’enfants handicapés. Mais avant cela, la petite famille doit s’installer, prendre ses marques, apprivoiser son nouvel environnement. Pour les parents, cela ne semble pas poser de problème particulier. Pour Simon en revanche, l’adaptation paraît plus délicate. Son imagination, débridée par le nouveau contexte dans lequel il évolue désormais, ne connaît plus de limites, et lui fournit un compagnon de jeu, puis plusieurs, imaginaires, avec lesquels il se livre à de bien étranges jeux de pistes.
Le film de Juan Anonio Bayona s’ouvre avec douceur, voire mélancolie, sur des scènes tirées de la vie d’un orphelinat. Aucun sous-entendu ne vient assombrir le tableau, aucun élément négatif comme on aurait pu s’y attendre. Les moments choisis ne laissent pas plâner l’ombre d’un doute, l’insouciance et l’innocence de la tendre enfance ne trouvent ici aucun contrepoint. Une petite fille, Laura, va quitter l’orphelinat, pour être accueillie par une famille. Un quart de siècle plus tard, Laura décidera de faire rouvrir le centre, afin d’y accueillir d’autres enfants. Son fils est comme certains enfants, à la fois mûr et rêveur. S’inventant un copain imaginaire, il va chaque jour s’enfoncer un peu plus dans son jeu, et entraîner sa mère, sans que celle-ci en ait conscience, pour en arriver à ne plus faire la distinction entre ce que son esprit imagine de toutes pièces et la réalité.
Une plongée dans le rêve éveillé, ou la folie, c’est selon, rien de bien original diront certains, car des histoires de lieux hantés et d’amis imaginaires, le cinéma nous en a déjà donné ! Ce serait bien vite oublier que dans l’Orphelinat, le fond et la forme sont au diapason, le premier dans son approche tout en finesse, le second dans une technique, sobre, qui ne se perd pas en effets sonores et visuels par trop évidents. Le premier élément inquiétant ne survient pas immédiatement, et se présente sous la forme d’une « petite vieille », supposée assistante sociale.
Vient ensuite le souvenir, lointain, d’un ancien camarade de jeu, mort par la faute de ses copains. Ils ne voulaient pas réellement lui faire de mal, juste le pousser un peu dans ses retranchements, mais le jeu est allé un peu trop loin, et a fini par mal tourner. Et quand Simon se cachera (se perdra ?), la maman éprouvera des sensations étranges ; elle sera alors confrontée à des événements inexpliqués dans sa nouvelle demeure. Elle sera poussée à participer à un passionnant jeu de piste, passant d’un indice à un autre, pour arriver à une première révélation. S’agit-il en fait de fantômes (pas forcément maléfiques ?), qui auraient enlevé Simon, et cherchent à communiquer avec les vivants ? Ou de l’esprit de la mère, traumatisée par la perte de son enfant ?
Le metteur en scène cultivera le doute jusqu’à la dernière scène, pour terminer son film sur des images qui resteront longtemps dans la mémoire des spectateurs. Auparavant, Laura aura choisi de faire face à ses démons. Dans la dernière partie, elle décidera de rester seule dans la grande maison, afin de « régler » le problème. Au final, elle souhaitera à la fois faire ses adieux à ses anciens camarades de l’époque en rendant hommage à leur mémoire, et retrouver la trace de son fils. Le poids du souvenir se fera chaque jour un peu plus pesant, Simon sera toujours là, presque palpable bien qu’invisible. Le mari, Carlos, sera plus réaliste, bien que pareillement affecté par la disparition de l’être cher. Il soutiendra sa femme jusqu’au bout, mais devra se résigner à la laisser accomplir seule les derniers préparatifs d’un bien étrange rituel.
Le réalisateur a fait un choix judicieux, celui de la simplicité. C’est en grande partie ce qui explique que le public l’a suivi. Son approche du Fantastique, discrète, lui a permis de bâtir méthodiquement une atmosphère toujours un peu plus pesante, dans laquelle la comédienne Belen Rueda donne toute la mesure de son talent. Son interprétation exprime la complexité des sentiments d’une mère devant faire face à un événement horrible, et traduit toute la force dont cette dernière est capable quand on touche à son enfant. Les spectateurs devraient se rappeler encore longtemps les images, poignantes, d’un petit groupe enfin réuni, en quelque sorte victorieux de toutes les épreuves mises sur leur route.