La puissance subversive de Mars Attacks! tient à l’acharnement avec lequel il se plaît à démolir les édifices américains, et plus largement occidentaux ; qu’il s’agisse des bâtiments comme la Maison-Blanche ou les organes politiques, tout est mascarade : le président regarde le présent par réunions interposées ou devant la télévision avec épouse et chien fidèles, les militaires hurlent, les investisseurs capitalisent sur du vent, les journalistes brillent par les artifices qu’ils mettent en place pour paraître et ainsi masquer leur bêtise. Las Vegas constitue une sorte de conservatoire de cette fausseté généralisée : la ville-mensonge encadre le long métrage et porte en elle le caractère grotesque et cheap d’une telle invasion extraterrestre, aussi crédible qu’un pharaon entouré de bonnes sœurs ayant pris la pose pour la photo.
Face à la faillite de ces fausses valeurs, Tim Burton tourne ses projecteurs vers les marginaux, celles et ceux qu’on ne considère d’ordinaire pas : une grand-mère que l’on trimbale en fauteuil comme un boulet, un fils pacifiste contraint de vivre dans l’ombre du génie de la famille, comprenons un bidasse décervelé qui tombera en rejouant les codes du héros du film de guerre, un père éloigné des siens qui va braver vents et marées pour revenir chez lui. Le cinéaste dissèque l’Amérique comme l’immeuble dans lequel vivent les Williams, révélant à terme la vie riche en couleurs des invisibles reclus dans des lieus excentrés ; pour cela, il recourt à des références du cinéma bis, s’amusant avec des genres et pastichant des œuvres qui le marquèrent en tant qu’enfant et qui nourrirent son art – on pense, bien évidemment, à Earth vs. the Flying Saucers (Fred F. Sears, 1956) avec ses soucoupes animées par Ray Harryhausen. Pour autant, l’emprunt ne dégénère jamais en hommage pompeux, Burton se montrant soucieux de galvaniser d’un courant nouveau ces jouets auxquels il redonne vie et souffle.
Film de sale gosse, Mars Attacks! s’apprécie comme un règlement de comptes avec l’idiotie occidentale, allant jusqu’à tourner en dérision les clausules heureuses à la Walt Disney ; en cela, il prédit Don’t Look Up (Adam McKay, 2021) sans néanmoins bénéficier de son brio rythmique, la première partie traînant un peu la patte. L’intelligence de la mise en scène et la partition musicale que signe Danny Elfman, forte d’un thème principal génial et d’atmosphères uniques, rattrapent ce défaut. Un grand film.