David MacKenzie est l'un des plus grands réalisateurs contemporains, et j'espère qu'on le reconnaîtra plus tard comme tel. Dans chacun de ses films (My name is Hallam Foe, Toyboy, deux chefs-d'oeuvre complètement décalés et originaux malgré leur aspect), il explore les rapports humains, mais pas de manière cucul-la-praline ou pseudo-intello comme c'est la mode, lui va vraiment au bout du truc, c'est sans concessions ni fioritures, froufrous ou embellissement, et cette approche de l'art à laquelle on nous déshabitue progressivement est juste salutaire. Ici, il reprend plus ou moins le scénario de "Contagion" de Soderbergh, on peut difficilement faire moins original. MAIS, là où on voit que Soderbergh est un charlatan doublé d'un arriviste nanti et démago acclamé par le public et la critique pour son cinéma pseudo-intello d'un rare ennui et d'une lenteur de torture, ET que MacKenzie est au contraire un authentique génie méconnu, c'est qu'on est fasciné plutôt qu'indifféré, intrigué plutôt qu'ennuyé, et on en ressort bouleversé, le cerveau quelque peu démis de sa place alors que le ciment du conformisme l'avait presque figé pendant tellement longtemps (car ces films sont rares !) Ce cerveau qui a enfin pu être balloté pendant une heure et demie tantôt du dégoût à l'admiration, tantôt de l'angoisse au rire. Quel serait le résultat d'une humanité perdant progressivement ses cinq sens ? Voilà l'intrigue du film, que le réalisateur explore d'une façon GLOBALE, et non pas limitée et occidentalo-centriste comme toujours. Il y a très certainement une inspiration plus ou moins conséquente de Saramago et de son roman "L'Aveuglement", déjà adapté en film, mais que je n'ai pas encore vu. "Perfect Sense" va cinq fois plus loin, pourrait-on dire, puisqu'il englobe tous les sens desquels dépendent l'être humain jusqu'à l'apocalypse. J'attends avec impatience le prochain film de MacKenzie, et peut-être que cette fois encore, je serai SEUL dans la salle, seul à me délecter de l'inspiration du génie pendant que la foule profane se fait lobotomiser dans les autres salles. (Oh, ce mot "lobotomiser" est souligné en pointillés rouges quand je l'écris ici. Ce mot serait-il inconnu de l'univers Allociné ? Je ne suis pas surpris, mieux vaut ignorer ce qui est gênant quand on est directement impliqué...)