«Le cinéma peut certes raconter une histoire, mais il ne faut pas oublier que l'histoire n'est rien». Ceux qui n’ont rien de catégorique à opposer à ces propos de Germaine Dulac ont alors toutes les chances d’apprécier The Element of Crime, le 1er long métrage de Lars Von Trier. The Element of Crime est en effet un film purement visuel dans lequel le scénario ne devient qu’un prétexte à l’expérimentation technique. Une expérimentation technique qui vire dès les premiers plans à la démonstration : la rétine est d’emblée séduite par ces images, ces éclairages, ces couleurs. Lars nous propose également des mouvements de caméra remarquables nous offrant quelques très beaux plans séquences (l’avant dernier plan notamment est vraiment réussi). Le cinéaste s’impose, dès sa première réalisation, comme une figure incontournable du paysage cinématographique. Nous pouvons aujourd’hui mesurer, avec le recul, l’influence énorme qu’un tel film a pu avoir, influence souvent reniée, par conformisme (il est de bon ton de critiquer, complètement à tord d’ailleurs, le cinéaste danois), mais tellement évidente que cette mauvaise foi prête à rire. Alors c’est sûr que cette façon que le cinéaste a de complexifier inutilement son intrigue, pour faire durer son film, peut décevoir quand celui-ci arrive à son terme : on s’aperçoit alors que le film ne nous dit absolument rien. Mais peu importe, le travail esthétique est tel que le film dégage une ambiance unique, d’une terrible noirceur et nous donne à voir une Europe apocalyptique terrifiante, post crise climatique, post guerre internationale, post fasciste, ou que sais-je encore. L’atmosphère créée ne laissera pas le spectateur insensible, quoi que ces images lui évoquent, ce qui permet au film d’éviter la simple pose esthétique vide. Un film brillant. PS : le Lars, il choisit sacrément bien ses voix off! Elle a ici une profondeur grandiose, qui, comme dans le 1er plan d’Europa, nous plonge directement dans l’enfer du film.