La planète des singes est aujourd’hui un élément culte de science-fiction. Mettant en œuvre une humanisation des primates pour à la fois rappeler notre bestialité animale mais également pour montrer ce qui fait de nous des hommes, la saga est morte en 2001 avec le film de Tim Burton, un incroyable navet qui n’est qu’un argument de plus pour prouver que Burton n’est pas le réalisateur génial qu’on nous vend (l’a-t-il été ?). Vient alors La planète des singes : les origines. Reboot complet, il se dresse comme une lueur d’espoir.
Avec un nouveau départ viennent de nouvelles orientations qui sont très clairement ressenties. L’homme n’est plus au cœur du problème, c’est le singe qui intéresse le plus. En cela, le film franchit une nouvelle barrière, s’ouvre sur un autre univers. Il est bien question ici d’un animal, mais son parcours va l’amener à devenir de plus en plus humain. On ressent alors une évolution, comme si les singes devenaient supérieurs aux humains. Ces derniers apparaissent d’ailleurs à un stade d’anti-évolution, où les limites de l’éthique sont vite oubliées face aux enjeux qui suivraient de leur transgression. Il est d’autant plus juste que lorsque le film analyse notre rapport à l’animal, l’homme se prenne pour le maître incontesté, et chutera bien vite de son piédestal. Nous retrouvons constamment cette opposition entre Homme et Singe. Au début, les scènes montrant les humains sont plus nombreuses, puis petit à petit, la caméra se focalise sur César (singe, personnage principal). D’ailleurs le film procède à un beau parallélisme dramaturgique entre Will (humain qui a recueilli César) et ce même César. Là où le premier essaye de conserver son humanité en ne tentant pas d’alimenter la folie des grandeurs humaine, il est abandonné par ses semblables et permet au deuxième de créer une solidarité apparaissant comme primordiale à la survie d’une espèce. Ainsi le fossé se creuse entre humains et primates, ces derniers étant menés par un César très riche.
La performance en motion capture d’Andy Serkis est bluffante car elle laisse voir toute l’humanité dont fait preuve son personnage à travers un champ d’émotions variées. Que ce soit dans l’expression corporelle ou faciale, les studios Weta Digital ont fait honneur au jeu de Serkis de bien belle manière. Ce que vit le chimpanzé est rendu encore plus réel, provoquant un attachement pour cette créature qui n’a d’animale que l’apparence. Les autres acteurs ne font pas non plus de la figuration, et si une belle brochette est présente (Freida Pinto, John Lithgow, David Oyelowo…) le plus touchant est James Franco qui arrive à exprimer un pessimisme gracieux ainsi qu’une amertume envers les membres de sa propre espèce, ce qui n’est que bénéfique à l’opposition entre lui et César.
Évoquons à présent la réalisation de Rupert Wyatt. Cette dernière, très bien pensée, ne fait qu’achever magistralement une histoire prenante. De nombreuses idées font mouches, témoignant d’un style qui a su s’adapter au scénario, rendant ce dernier encore plus fort. Nous comprenons des choses, on nous en raconte d’autres, et nous les retrouvons toutes dans les choix de mise en scène. Une des étapes de l’empathie envers César constitue en des plans qui adoptent l’angle de vision de ce dernier. Il y donc une vraie relation qui se crée entre le spectateur et le primate. Au fur et à mesure, les plans montrant l’oppression, et à fortiori la révolution de César, impactent pour nous proposer le soulèvement comme une évidence, aidée par la force croissante de la réalisation qui propose des travellings pour mieux incorporer cette idée de progression et d’avancée. Cela est encore plus accentué par le fait que la caméra se rapprochera toujours davantage de César, le positionnant de plus en plus au centre à mesure que l’histoire avancera. Il y bien d’autres choses puissantes dans la réalisation, comme les plans représentant la solidarité simiesque ou le dernier acte montrant l’opposition entre singes et hommes, donnant inévitablement lieu à une résolution belliqueuse. Mais ce qui est plus profond encore reste dans doute la quête de liberté de César. Au départ enfermé, tenu en laisse, emprisonné, cette liberté va devenir son but, aussitôt qu’il partagera la souffrance de ses semblables. Et la mise en scène s’avèrera d’autant plus tonitruante que cette quête de liberté gagnera en puissance. Ainsi tout s’agence pour rendre l’enfermement plus réel, on film en intérieur, avec César, pour ressentir l’oppression de l’homme, jusqu’à arriver au moment où tout bascule, où la relation dominant/dominé est bafouée d’un revers de main et représentée de telle manière qu’on assiste à une scène culte.
Par ailleurs les compositions de Patrick Doyle s’accordent avec le grandiose qui se dégage du film. Elles retranscrivent même parfaitement l’idée de révolution à travers des crescendos (le morceau « Cookie ») et la sensation de liberté faisant frissonner de par les élans de violons géniaux (« Off you go » et « Caesar is home »). De ce fait, le film ne devient pas une vulgaire dénonciation des méfaits de l’homme, mais plus un discours sur la liberté comme besoin de l’humanité. Tim Burton et Helena Bonham Carter ne nous manqueront pas.