Ce chef d'œuvre cinématographique est pur moment de bonheur, qui ne vieillira jamais et qui continuera toujours de fasciner après la 1ère ou la 100e vision...
Une oeuvre touchée par la grâce : que ce soit pour la mise en scène intemporelle de Marcel Carné, le scénario et les dialogues étincelants de Jacques Prévert, la lumière et les décors d'anthologie, on atteint la perfection alors même que les conditions de tournage ont été extrêmement difficiles en 1943, dans un Paris occupé.
Les dialogues de Prévert sont à eux seuls une pure merveille, je remets souvent en arrière pour les entendre à nouveau. J'ai relevé entre autres:
Garance: "Paris est tout petit pour ceux qui s'aiment, comme nous, d'un aussi grand amour."
Baptiste: "Les rêves, la vie, c'est pareil ! Ou alors ça vaut pas la peine de vivre. Et puis qu'est-ce que vous voulez que ça me fasse, la vie ? C'est pas la vie que j'aime, c'est vous! "
Le commissaire: "Vous êtes libres"
Garance: " Tant mieux, parce que j'adore ça, moi, la liberté."
Toutes les scènes tournées dans le théâtre des Funambules sont magnifiques, voir magiques. La caméra est installée soit à la place du spectateur et l'on regarde comme si on y était, soit sur la scène et l'on découvre ce que voient les acteurs ou encore dans les coulisses.
On y voit le Paradis, ces places réservées aux pauvres au 4ème balcon qui rient et applaudissent leurs enfants, les acteurs sur la scène.
Si tous les interprètes des Enfants du Paradis sont excellents, on peut mentionner en particulier Maria Casarès dans le rôle ingrat de la femme amoureuse mais délaissée et bien sûr Pierre Brasseur (Lemaître) qui joue une scène étourdissante au début de la 2ème époque, et Jean-Louis Barrault (Deburau) en Pierrot: c'est bouleversant !
Mais le film est avant tout celui d'Arletty, la belle Garance, dans une interprétation "lumineuse". Garance qui fait tomber les hommes comme des mouches, Garance qui reste pure dans un monde impur, Garance qui est un nom de fleur écarlate. Quatre hommes l'ont aimé, un assassin: Lacenaire, un acteur: Lemaître, un mime: Batiste Debureau et un compte: de Mornay.
Lacenaire tue Mornay par jalousie, Lemaître fait de sa jalousie l'occasion de jouer Otello de Shakespeare et il reste batiste, le plus amoureux des quatre, le plus timide, le plus rêveur et le plus malheureux.
A la fin du film il court comme un fou égaré dans la foule, derrière sa bien aimée Garence, mais il sera coincé dans une farandole de pierrots blancs ....
Le rideau tombe et l'on devine qu'il passera le reste de sa vie à cacher sa tristesse derrière son maquillage de pierrot.
Quel beau film !
On ne peut qu'envier ceux qui ne le connaissent pas encore et imaginant d'avance le ravissement qui sera le leur...