Le formidable réalisateur coréen de Old Boy, non moins formidable ni coréen, sillonne le globe pour atterrir en terre promise, Hollywood. Tout en rendant hommage aux œuvres archétypales d’Alfred Hitchcock, Park Chan-wook dresse le portrait d’une famille ravagée par le deuil, l’aliénation et la folie. India, toute jeune adulte perd son père pour récupérer sous leur toit, à elle et sa mère distante, le frère du regretté paternel, un frère pour le moins mystérieux. Sous des allures de thriller conventionnel se cache un film hypnotisant d’une remarquable beauté visuelle, esthétique et narrative. Mais si Stoker n’est pas un hit indémodable à la façon d’un certain Old Boy, c’est sans doute du à une certaine timidité de la part du réalisateur, accomplissant avec soin la mise en scène d’un scénario signé Wentworth Miller, que tout le monde connaît un plan de prison tatoué sur le corps.
Un film de Park Chan-wook se devant d’être beau mais aussi choquant, Mia Wasikowska prend des allures de démons silencieux. Terrée derrière un stoïcisme malsain, la jeune fille lorgne sur la vie de sa famille en tant que juge, témoin et victime, pour en être finalement le bourreau. L’oncle, quant à lui, incarné par Matthew Goode, que le cinéphile n’étant pas porté sur la télévision, connaît très peu, prend lui aussi des postures de rigides voyeur à sang froid, couplé à une folie meurtrière toute mesurée mais qui lâchée, sera aussi cruelle qu’élégante en terme de mise en scène. Alors que le tandem Wasikowska/Goode est brillant, l’on ne pourra malheureusement en dire autant de la star au tableau, Nicole Kidman, souvent mièvre et spectatrice de l’œuvre dans laquelle elle évolue. Mauvaise écriture du personnage ou implication relative de l’actrice? Dur à dire.
Quoiqu’il en soit, le film traîne dans son sillage un doux parfum de contemplation. Alors même que le cinéaste film la banalité, la qualité indiscutable de la photographie variable permet de visualiser chaque séquence en admiration devant le jeu des angles morts, des reflets et des superpositions. L’image se joue du décor, là encore excellent car presque intemporel, pour servir inlassablement de très beaux plans. C’est sans doute là l’une des forces majeurs de Stoker, d’être une beauté visuelle réalisée par un cinéaste aux idées très larges sur la possibilité d’utiliser chaque détail pour en faire une source d’ingéniosité visuelle.
Qu’il ne soit pas à la hauteur du film phare du réalisateur ne change rien au fait que Stoker soit une œuvre parfaitement captivante. Le coréen réussit pleinement son passage à l’ouest en signant un film, qui comme mentionné plu haut, non fait revivre le vice de metteur en scène dont était capable Hitchcock. Peu surprenant, surtout dans sa forme, mais diablement captivant et intense, ce Stoker est la preuve que le cinéma noir tiré du polar n’est pas mort, loin de là. Avec un élan artistique qui se démarque, une sérieuse persévérance dans la narration, l’on peut faire de grande chose avec de petites idées. Un film, s’il n’est pas un chef d’œuvre, reste au moins une perle visuelle. 15/20