« Il est des mystères que l'on peut à peine imaginer, et que l'on ne résoudra qu'en partie ». Cette phrase, qui correspond plutôt bien aux thèmes soulevés dans le film, a été écrite par Bram Stoker, l'auteur de Dracula. Nul doute que Stoker se soit inspiré de l'écrivain irlandais pour le titre de son film. India est une jeune fille atypique qui vient de perdre son père, mort dans étrange accident de voiture. Mais alors qu'elle est encore en deuil, son oncle Charlie qu'elle n'a jamais vu débarque chez elle et sa mère, Evelyn.
Il est clair que Sir Alfred Hitchcock plane sur ce film du début à la fin, à commencer par le scénario, librement inspiré de L'ombre d'un doute. Mais n'enlevons pas à Park Chan-wook (un autre maître du cinéma ayant fait entre autre Old Boy) la totale réussite de son film. Grâce à une ambiance sordide et à une mise en scène osée et terriblement précise, on se rend compte du Mal qui occupe les plans dès la première minute. Et ce n'est pas les partitions angoissantes de Clint Mansell (compositeur d'Aronofsky) et Philip Glass qui nous feront changer d'avis. Pourtant, tout à l'air paisible chez les Stoker : une agréable maison, des rapports conviviaux, et un oncle ayant toujours le sourire aux lèvres. Mais le spectateur est mal à l'aise car tout est volontairement exagéré. Leurs yeux sont trop bleu, l'herbe est trop verte, et quelque chose d'inéluctable et de sous-jacent va se produire, et cela ne va pas être beau à voir...
Les superbes images montrant cette famille pas comme les autres sont assemblées par un montage ultra-travaillé. Ces multiples transitions que le monteur Nicolas de Toth adopte fait un lien avec l'image précédente. Et tout est en accord, car les Stoker sont, malgré les apparences, unis pour former un tout, un ensemble machiavélique. Dans ce décor tout à fait atemporel, les acteurs s'en donnent à coeur joie. Matthew Goode est tout simplement énorme dans ce personnage difficile à cerner. Face à lui, Mia Wasikowska fait pour la première fois flipper à l'écran. Alors que Nicole Kidman est parfaite en mère alcoolique ne contrôlant plus rien. Les rapports de force entre ces trois personnes n'arrêtent pas de s'inverser. Par son intelligence, Park Chan-wook met alors en avant l'escalier du domicile afin de symboliser cet aspect de la plus belle des manières
Toute la gloire ne revient cependant pas au cinéaste sud-coréen. Car le scénario, concocté aux petits oignons par l'homme de Prison Break, Wentworth Miller, est réellement jouissif. L'oncle et sa nièce savent très bien à quel jeu sordide ils jouent, et c'est sûrement ce que le spectateur trouve le plus excitant. Nous ne sommes pas dans un polar classique où le suspens est à son comble. Non, nous sommes dans une pure tension où l'important n'est pas le pourquoi, mais le comment. Tant mieux car le cinéaste et le scénariste choisissent parfaitement bien les images et les mots pour nous livrer un film comme on n'en fait plus de nos jours.