Sans le film magnifique d'Alain Corneau, monsieur de Sainte-Colombe serait probablement demeuré oublié de tous, en dépit des recherches et enregistrements de Jordi Savall et de quelques autres.
Il faut dire qu'on ne dispose, hormis quelques partitions retrouvées, d'aucun document fiable concernant le personnage. Et pourtant Corneau parvient à le faire revivre, incarné superbement par Jean-Pierre Marielle .
On est donc sûr d'une seule chose : comme le dit si bien Gégé, monsieur de Sainte-Colombe rajouta une 7° corde à la viole de gambe "pour lui procurer un tour plus mélancolique".
Une septième corde hyper-basse, qui confère à la musique un caractère non pas sérieux, c'est-à-dire lourdingue, mais bien, en augmentant encore le côté naturellement dissonant de l'instrument, une gravité qui se marie à merveille à la joie et à la légèreté qu'exprime toute musique digne de ce nom.
Le revue Jazz Magazine vient, pour fêter son 700° numéro, de rééditer, entre autres trucs passionnants, un long entretien avec Marielle sur le jazz et sur la musique en général.
Et il en connait un rayon, le Jean-Pierre.
A ses yeux, les genres musicaux, classique, jazz, rock etc., n'existent pas. Seules existent la bonne et la mauvaise musique. La bonne, c'est la musique vivante, la mauvaise, c'est la musique académique, morte.
Seulement, Marielle est bien conscient que la bonne est, depuis le départ, travaillée par la mauvaise, toute forme vivante évoluant vers l'académisme de façon quasi-naturelle. La musique vivante est comme saint Eloi : tout au plus bande-t-elle encore, et le grand comédien n'a pas joué pour rien dans Les Galettes de Pont-Aven.
Ce qui revient à dire que la virtuosité pour la virtuosité et l'insupportable forme qu'est le concert officiel sont les signes infaillibles de la décadence.
Liszt, malgré la qualité de ses compositions, est le fossoyeur de la musique dite "classique", de même que Keith Jarrett, et son avalanche de notes léchées, est le fossoyeur du "jazz".
Mais Jean-Pierre sait que la musique à la semblance du beau Phénix; s’il meurt un soir, le matin voit sa renaissance.