Michael Winterbottom est un caméléon. Jamais là où on l’attend, le cinéaste britannique passe d’un genre à l’autre, comme certains changent de chemises. Même s’il semble avoir une prédilection pour le drame psychologique, ces dernières années il s’est essayé à la science-fiction (Code 46), au thriller glaçant (The Killer Inside Me) ou encore à la romance (Un Eté italien). Derrière cet apparent stakhanovisme se cache, toutefois, une vraie ambition. Celle d’embarquer le spectateur sur des sujets inattendus. Dernier exemple en date, Trishna sorti l’an dernier qui, sous le prétexte d’une relation passionnelle dans le Rajasthan contemporain, dressait un portrait glaçant de la lutte des classes dans ce pays.
Avec A Very English Man, ce dédoublement de personnalité est bien présent. De prime abord, le film est un biopic du sulfureux Paul Raymond, sorte de Hugh Hefner anglais, porté sur les jolies filles dénudées et l’alcool. A l’écran, le réalisateur s’attache à décrire de manière chronologique les différentes époques vécues par ce personnage hors-normes. Du noir et blanc sage des années 50, on bascule soudain dans la folie colorée des années 60, suivie des extravagances chimériques des années 70. Sympathique. Mais Milos Forman avait fait bien mieux avec son Larry Flint.
Ne vous fiez pas à son imagerie vintage ultra-sexuée. A Very English Man prend tout son sens quand il délaisse ses artifices clinquants pour se concentrer sur son véritable sujet, la relation compliquée entre un père et sa fille. Cette dernière, interprétée par Imogen Poots (Chatroom, Fright Night), est un oiseau blessé qui sera incapable de s’émanciper de l’aura paternelle.
Le titre original, The Look of Love, rend d’ailleurs justice à cette approche. Il fait référence à une chanson de Dusty Spingfield (1967) qu’Imogen Potts interprètera, tout en douceur, à la fin du long métrage. Une fois de plus, les distributeurs français s’illustrent dans leur détestable manie de changer les titres des films britanniques en y ajoutant le mot « anglais » ou ses déclinaisons (Braquage à l’anglaise, Mariage à l’anglaise… ). Le marketing avant le sens. Soupir !
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