Quand le réalisateur de "Itinéraire d'un enfant gâté" dirige les chanteurs de "Que je t'aime" et de "Pas de boogie-woogie", on peut s'attendre à avoir du lourd, surtout de la part de nos deux monstres sacrés de la chanson française. Et surtout de talent par le cador de "Un homme et une femme".
"Salaud, on t'aime", scénario : un vieux photographe de guerre part s'installer dans un coin reculé de la montagne, en Savoie, et tombe amoureux, encore une fois ! Quand son meilleur ami (Toubib) le rejoint, ce dernier décide de réunir sa famille sur un gros mensonge... .
Déjà, avec sa caméra, Lelouch nous propose une photographie grisonnante qui sent bon la nostalgie. Les amoureux de la nature en prendront plein les mirettes (les paysages filmés sont très bien travaillés). Le cadrage et le montage du métrage sont tels que le rythme qui en ressort est lent alors que le suspense se voit grandir lors de la dernière demie-heure du film. Un métrage en demi-teinte qui joue ainsi sur ces paradoxes. Bravo Claude. "Salaud, on t'aime" est également nostalgique de part les gueules cassées par le temps qui évoluent sous le regard lelouchien. En cela, le metteur en scène apporte une part d'autobiographie en faisant incarner à Johnny sa propre expérience de la guerre. De plus, le rôle du photo-reporter est le même que celui de Hallyday à la ville (il n'a pas élevé David, de même pour Laura). En cela, le double-rôle de Johnny est campé à la perfection, et avec un phrasé que n'importe quel français reconnaîtrait. Lelouch reprend aussi pour "Salaud, on t'aime" l'acteur qu'il avait dirigé il y a 42 ans sur "L'aventure, c'est l'aventure". Une grande histoire d'amitié entre ces deux hommes en somme... .
Donc côté casting, il y a le merveilleux Johnny qui livre une très belle composition dans la lignée de "Vengeance", Eddy Mitchell, parfaitement sobre dans son rôle du Toubib, et Sandrine Bonnaire (Prix d'interprétation féminine à Venise pour "La cérémonie" de Chabrol) qui forme un improbable duo électrique avec notre rock-star national. Domination JH/Schmoll/Bonnaire. Impardonnable. Avec l’inestimable Rufus qu'on reconnaît la main dans le sac ! Notons la présence de Valérie Kaprisky, Irène Jacob et Agnès Soral au générique mais qui n'apportent pas la chaleur escomptée à l'ensemble. Dommage. On sent bien que Lelouch se tourne davantage sur la nostalgie des sentiments plutôt que vers la domination féminine. Pourtant il y a Sandrine. La question reste en suspens.
Ensuite, vient la question de la mise en scène. Nostalgique certes, mais qui reprend les bon vieux thèmes chers à nos vieux compères. Des clins d'yeux appuyés mais qui sentent bon la chaleur humaine. L'aigle d'un côté pour Johnny, et "Rio Bravo" pour Eddy et Johnny qui évoquent à bien des égards, pour les fans invétérés !, le duo culte "On veut des légendes". Et c'est dans cette explosion intime où musique et réalisation se mélangent. Francis Lai et Claude Lelouch, c'est une ambiance grisonnante, mêlant habilement les sentiments de l'âme humaine à des images émotionnelles. Comment ne pas vibrer au son d'Armstrong, de Ricky Nelson, d'Ella Fitzgerald... sous le regard bleu nonchalant, miné et laconique de l'idole des jeunes ? Inconditionnellement, le tandem Lelouch/Lai rend un vibrant hommage au réalisateur et scénariste du film, Monsieur Claude Lelouch, et plus particulièrement au "Chabadabada..." entonné par Pierre Barouh sur LA plage de Deauville.
Pour conclure, "Salaud, on t'aime" est un drame familial lelouchien caractérisé par la gueule hallydéenne.
Spectateurs, "qu'est-c'quelle a vot' gueule" ?